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EAN : 9791097465759
560 pages
Goater (15/10/2021)
4.36/5   39 notes
Résumé :
Dans ce monde futuriste, les humains ne sont plus que quelques millions sur terre et les bots sont depuis les lois d’autonomie, privilégiés par la société. Parallèlement, pour découvrir l’univers, des vaisseaux explorent l’espace à la recherche de planètes à ensemencer.

Deux récits se succèdent. Celui qui raconte Roz, un homme transgenre qui se réveille à bord d’Arime, un vaisseau spatial autogéré ; et celui d’Asha, une bot transgenre qui épouse la ca... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Il était 18h02. “Untitled #6” de l'album () [2022 Remaster] résonnait dans mon casque audio. le falsetto signature de Jónsi déchirait le tempo lancinant. Et la dernière page se tournait pour “La séquence Aardtman”.

Il y a beaucoup à dire sur ce livre de plus de 600 pages qui vous emmène sur Terre et à bord du vaisseau ari-me, dans l'essence, pour ne pas dire le coeur, d'humains, de bots et d'IA, au sein de sociétés ou d'équipages qui se cherchent encore, malgré les siècles, les années qui s'écoulent, et dont les frontières bougent et s'entrechoquent comme des grésillements qui perturbent le vide spatial sourd. À chaque période son évolution. À chaque période son combat. À chaque période son identité.
Saul Pandelakis livre ici un texte personnel, un premier roman aux allures d'essai, une fiction à deux visages, une chimère de science-fiction. Il n'est pas difficile de répondre à l'appel de la plume, moderne, (très) libre, fluide, mais non moins recherchée, même parfois poétique.

Je vais donc commencer mon avis en listant ce que l'ouvrage m'a fait me remémorer, avant même d'en lire les premières lignes. Connaissant le thème du récit, j'ai voulu déblayer les oeuvres que je connais et qui ont déjà traité ces mêmes sujets tels que "Cyberpunk 2077" (jeu et série), "Avatar" (films), "Altered Carbon" (roman "Carbone modifié" et série), "Mass Effect" (jeu), "RoboCop" (film), "Terminator" (film), et connu seulement de nom "Les robots" et "le Cycle des robots" (nouvelles et romans d'Asimov).
Tous évoquent, de manière différente, la question des corps humains et robotiques, et des consciences humaines, intelligences artificielles ou codées. Alors que certaines de ces oeuvres montrent que le corps et la conscience peuvent vivre de manière totalement détachée, en menant jusqu'à l'immortalité, ou au contraire sont tellement liées que la modification du corps peut provoquer la folie et la mort, dans “La Séquence Aardtman” le sujet se divise en deux blocs. Il n'est pas question de robotiser (d'augmenter) l'humain ni “d'humaniser” les bots et les IA (j'ai bien appris ma leçon), mais, au contraire, de leur octroyer des droits et devoirs qui les rendent égaux face à l'espèce qui les a créés (rappelant le parti pris de "Mass Effect" y compris sur l'aspect queer). Et c'est toute cette pensée qui traverse le récit, à l'aide de deux personnages dont on va suivre le quotidien.

Plongez alors dans une ambiance aseptisée où tout est millimétré, éphémère, codé, numérique, rare, évalué, bref, où que l'on soit, sur Terre comme dans le huis clos perdu dans l'infiniment vaste de l'espace, rien n'est laissé au hasard. Les décors sont de facto minimalistes et leur description assez succincte. Seules les pensées et les fêtes ou soirées semblent être encore des instants précieux et colorés, des moments de liberté.

Et dans ces ambiances se meuvent plusieurs protagonistes, notamment deux principaux qui se partagent les chapitres et vont nous permettre de mettre un pied dans chaque réalité, celle de la “misèrabondance” sur Terre et celle de ce rêve désillusionné d'une mission sur un vaisseau qui ne connaîtra jamais sa destination.

Ainsi, Roz est un homme transgenre, informaticien, codeur sur le vaisseau ari-me, il est le plus isolé et reclus d'entre tous, paumé, à la marge. Il va se révéler au fil des pages, développant un intérêt, une curiosité, une sympathie particulière qui ont fait que c'est à lui que je me suis le plus attachée.
Roz nous invite à vivre son quotidien de membre d'équipage, parmi les lignes de codes, épaulé par son binôme Mim et par l'IA de bord, qu'il appelle par le diminutif Alex et auquel il se lie comme un pote. Cette morne routine, certes pimentée par les interventions d'Alex, le fatigue, ne lui apporte rien, c'est un signal plat émotionnel de temps à autre agité par le lot de frictions entre membres et ses rendez-vous psy, jusqu'à la rotation des assignations. Ce changement, somme toute banal puisqu'il a lieu de manière programmée, va contre toute attente être déclencheur chez lui d'une révélation. Et c'est dans le moment de crise qui va suivre que Roz va se confronter aux autres, à ce qui l'entoure, ce qui bouleverse ses habitudes et ses envies. J'ai vraiment adoré le traitement de ce personnage, qui ne paie pas de mine et pourtant devient lumineux dans sa caverne, dans son habitacle de métal. Son ouverture d'esprit, sa capacité à reconnaître ses faiblesses, sa vulnérabilité, le rend touchant et très attachant.

Si Roz permet d'avoir en douceur et souplesse un débat sur les droits des personnes transgenres et des bots/IA, de questionner de manière détournée, mais habile leur réalité, j'ai ressenti le contraire avec Asha. En raison peut-être de ses métiers (traductrice, maîtresse de conférence, consultante…) et sa condition de bot. J'ai trouvé son traitement plus froid, distant, très militant, le rapport est beaucoup plus frontal avec les sujets évoqués.

Asha est une bot transgenre (ou "bot fem trans" je crois) et subit une double discrimination, pourtant elle essaie de mener la cause bot comme elle le peut avec pédagogie. Néanmoins ceux qui l'entourent, ses ami.e.s humains et bots ou détracteurs amènent une succession de situations très difficiles qui relatent une lutte des classes très violentes (qui n'est pas sans rappeler le système de crédit social chinois / série "Black Mirror"), une chute démographique chez les humains et des conditions de vie sur Terre qui se dégradent (l'anticipation est selon moi faible par rapport aux pronostics du GIEC) : température en hausse, rareté et donc prix élevés pour l'eau et la nourriture, pénalisations en cas de création de déchets ou de consommations importantes de l'eau, etc.
Ce traitement de la vie sur Terre ne m'a pas surprise, si ce n'est peut-être le rythme décrit et qui s'impose aux personnages, et ce rythme, me semble-t-il, est une conséquence facilitée par la présence des bots.
Tout devient rapide, c'est une fuite en avant, tout doit être à disposition : un magasin est inauguré le matin et se fait remplacer par un autre le lendemain. Cette nomadisation est présente aussi dans les foyers, "votre déménagement dépend de vos points"… La paupérisation s'accentue et est maintenue volontairement, c'est un cercle vicieux qui pousse à toujours produire plus, le système capitaliste a encore de beaux jours devant lui.
Le temps est donc devenu un paramètre omniprésent, comme si la société se savait condamnée et qu'elle essayait d'en faire un maximum avant de s'éteindre. Curieusement sans chercher à stopper cette course qui la mène justement à sa fin.

Pour revenir sur Asha, sur sa personnalité, son intimité, j'ai nettement plus apprécié ces moments où l'auteur questionne, aborde sa sensibilité, sa corporéité au sens pur, comment elle ressent physiquement et sentimentalement. Ainsi, l'évocation de ses backups, de ses problèmes de “santé” m'ont emballé parce qu'il s'agit là d'expériences que les humains ne pourront jamais reproduire et ressentir, mais seulement imaginer. L'incarnat, le moment où l'IA intègre son corps, n'est pas une naissance, c'est autre chose, peut-être cela pourrait s'apparenter à un réveil de coma chez l'humain ? Tout comme les bots ne peuvent expérimenter la maladie, et pourtant tentent de se l'imaginer. Cette exploration a beaucoup éveillé mon intérêt, c'est auréolé de mystères et quelques questions restent en suspens… si la douleur physique humaine leur est inconnue, qu'en déduire de leur plaisir charnel ?

Mais d'autres réponses nous sont distillées ici et là… car surviennent à quelques reprises, entre le quotidien entrecoupé de Roz et Asha, des chapitres flash-back qui viennent nous éclairer sur ce qui a amené à ce présent. Ces passages, traités de la même manière que pour Roz et Asha, sont très intéressants. J'ai apprécié ce côté explicatif vivant, pas narré à la façon d'un conte, d'une genèse, mais vécu par les protagonistes de l'époque, avec leurs choix qui, mis bout à bout, ont permis aux bots d'exister et de devenir des êtres à l'image de leurs créateurs et créatrices.

Dans le fond, “La séquence Aardtman” évoque des luttes qu'il est facile de transposer dans notre réalité, et c'est certainement encore plus probant qu'en 2021 (sortie du livre), à l'heure actuelle où la transidentité et les luttes queers ne sont pas encore pleinement entendues, où la guerre en Ukraine perdure, où une majorité de Français s'oppose à son président, où les luttes sociales et écologiques convergent, où les IA font leur entrée dans notre quotidien pour répondre à nos interrogations, requêtes, et créent du contenu textuel, graphique, sonore… Dans les prochaines semaines et mois, nous assisterons à un moment de bascule, aussi, ce livre permet de nous questionner sur ce que nous voulons et sur ce que nous devons anticiper. Notamment sur le sujet des IA, si nous en créons des plus performantes et j'entends par là qui s'autoéduquent, s'autonomisent, sommes-nous prêt.e.s à les accueillir ?

Après toutes ces idées pêle-mêle qui relatent qu'une infime partie de ce que je voulais dire… j'en viens à la forme.
Je l'ai déjà dit, l'écriture est captivante, moderne, mais attention, vous serez face à quelques “défauts” qui font partie du style de l'auteur et d'autres qui relèvent d'un manque de relecture côté éditions :
- de l'anglicisme et de l'ajout de termes directement en anglais (en moyenne 2 à 4 par page) mis en italique par moment (le choix de l'italique n'est pas probant pour moi c'est assez arbitraire, et il y a quelques loupés) ;
- des abréviations à tout va (qui en plus ont parfois des orthographes différentes, comme petit-déj' - l'écriture abrégée correcte - qui varie en “petit dej / petit déj / petit dej' / etc…) ;
Ces deux critiques sont vraies aussi bien au sein des répliques des personnages que dans la narration. de manière générale, il est difficile de savoir qui parle sans élément de contexte, leur langage est similaire, presque d'une même voix, d'une même génération (pas de différences entre humains et bots), cela confère un certain effet d'unité, c'est sûr, mais parfois c'est difficile à suivre.
- l'utilisation de rares termes dont le sens est fautif ou approximatif ;
- l'envie d'avoir une écriture inclusive, mais pas structurée, normée, c'est dommage : “créateurs et créatrices” / “codeur-codeuses”(le “s” est bien manquant) / ” travailleurs-travailleuses” / “chacun.e” / “læ serveur*'”
- il reste encore plusieurs coquilles (fautes, mots manquants et mots de trop).

Question rythme et structure narrative, il est vrai qu'il m'a fallu être patiente avant que l'intrigue ne se mette en place, car avant tout j'imagine que Saul Pandelakis veut instaurer ses personnages et ses valeurs.
Notre adhésion doit être déjà pleine et entière avant de voir la réalité de Roz et de Asha se mêler (vers la 350e page). Et même après cette rencontre, il faut attendre encore une centaine de pages avant que l'action conjointe ne se mette en route. Pour autant, au regard de ce que l'auteur propose ça ne m'a pas tant dérangé, je m'y suis habituée.
Et finalement, je suis plus frustrée par la conclusion qui devient une succession d'échanges et d'ellipses et provoque un emballement qui nous échappe, avec des moments manqués dont j'aurais aimé décortiquer l'évolution, pas juste un résumé ou une allusion. Je n'étais plus à une centaine de pages près à dire vrai.
Après un tel développement, comme dans une série TV avec une saison de 12 épisodes où vous vous êtes engagés émotionnellement et où l'on vous délivre un final resserré, car il faut tout faire tenir en un dernier épisode. C'est avec un peu d'amertume que j'ai refermé le livre, car ce voyage, ces parcours croisés, finalement, me plaisaient bien et j'avais envie de poursuivre ou plutôt j'avais envie d'apprécier encore plus longtemps les derniers moments avec toutes ces révélations.

En guise de conclusion, je souligne que c'est un très bon premier roman et qu'au regard des sujets, de leur traitement et de cette écriture assez libre et personnelle, je suis curieuse de découvrir l'évolution de la plume de l'auteur, si prochain roman il y a.

PS : ActuSF m'a fait remarquer, à juste titre, qu'aujourd'hui même sort une nouvelle spin-off "Brave les étoiles" (une exclu numérique).
Je vais donc m'empresser d'aller lire ça :)

Avis en images sur mon compte insta @valhall_arena
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J'avais déjà très envie de découvrir ce roman quand il est sorti chez Goater, c'est donc avec grande joie que j'ai vu qu'il sortait en poche chez Hélios, l'occasion parfaite pour le lire ! La couverture, signée Zariel, est assez incroyable. Alors que je m'attendais à un page-turner angoissant entre une Terre qui se meure et un vaisseau en détresse, j'ai été surprise de voyager calmement dans cette brique qui amène des réflexions super intéressantes sur l'identité, l'intelligence artificielle et l'évolution générale de notre société plutôt que de grandes aventures d'exploration spatiale.

La narration varie entre le point de vue d'Asha, chercheuse bot sur Terre, et Roz, informaticien sur le vaisseau ari-me, en quête d'une nouvelle planète pour accueillir l'humanité. Asha est un personnage plein de vie, avec un agenda très chargé: entre son travail acharné pour défendre les droits des bots, sa vie personnelle haute en couleurs et ses amis humains réactionnaires, elle n'a pas le temps de s'ennuyer, mais c'est aussi cette richesse dans son entourage qui va lui permettre d'approfondir ses considérations sur la relation entre humains et bots. Et c'est quand elle va commencer à « perdre » petit à petit ceux à qui elle tient qu'elle va se questionner sur sa propre nature et le but de son existence.

Roz est quant à lui tout l'inverse. Il vit dans la monotonie sur son vaisseau, répétant jour après jour les mêmes tâches, les mêmes parcours, discutant plus avec l'Alex, l'IA du vaisseau, qu'avec les autres humains. Lorsque la panne d'Alex arrive, il perd tous ses repères et doit se reconstruire autour d'une nouvelle IA, mais aussi avec son équipe, de qui il s'était déconnecté. Bien qu'Asha soit très entourée, on perçoit chez elle la même solitude que chez Roz, la même envie d'être seule tout en ayant quelqu'un de spécial à qui se rattacher.

La temporalité entre la Terre et le vaisseau ari-me est décalée, ce qui fait que Roz vit toujours dans le passé par rapport à tout ce qu'Asha connait au quotidien. Cela crée des tensions au départ, les bots ayant un statut très différent et leur sensibilité étant beaucoup plus reconnue à l'époque d'Asha. Ces discordances, appuyées cependant d'un respect mutuel, sont aussi ce qui nourrit la correspondance de ces deux personnages.

La Terre a petit à petit perdu ses espaces habitables, un tout nouveau système de société s'est mis en place dans lequel tout le monde a un pad qui propose des tâches qui vont accorder des points à celui qui les réalise. Ces points vont servir à se nourrir, acheter des choses, avoir un logement plus ou moins confortable… bref à vivre. Et si vous refusez trop de missions, vous aurez des pénalités de points qui vous amèneront au seuil de la pauvreté. Rien n'est jamais acquis. Toute cette réflexion autour du retour au nomadisme (pour le logement et les enseignes) et à cette différence entre bots (qui ont beaucoup moins besoin de sommeil et qui ont donc plus de possibilités) et humains était hyper intéressante!

La narration est aussi entrecoupée d'interludes qui racontent la vie des personnes importantes dans le développement du bot tel qu'on le connait actuellement, que ce soit cognitif ou physique, ou de la mission ari-me. J'ai adoré ces parties, qui étaient des petites bouffées d'air bienvenues dans une trame assez dense en informations. On y voit comment notre monde a évolué jusqu'à être peuplé en majorité de bots, dont certains n'avaient pas de corporalité au départ, mais l'ont demandée et obtenue.

Si je peux toutefois émettre une petite critique par rapport à la quatrième de couverture, j'ai attendu presque tout le roman que cette fameuse correspondance d'une importance cruciale commence et elle ne débute au final…que dans les cent dernières pages ! Une petite déception qui me faisait me demander à chaque page quand l'histoire allait vraiment commencer, mais qui aussi ne m'a pas semblé d'une si grande importance au final par rapport à la trame générale.

Un roman réflexion sur une société de demain. Une terre de plus en plus inhabitable, une volonté de forger son futur autre part, errant au hasard pour cette quête qui semble au final vouée à l'échec. Deux protagonistes que tout semble opposer, mais qui se complètent pour nous donner deux visions désabusées face aux évolutions. Deux temporalités et localisations qui nous font voyager deux fois plus dans ce monde déjà loin de ce qu'on connait. Une lecture douce et fascinante que je conseille.
Lien : https://livraisonslitteraire..
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Au sein de cet agréable petit pavé de 580 p., ce sont deux voix uniques qui s'entrelacent, racontant le quotidien de deux personnes qui semblent représenter une bonne partie de l'humanité (le concept est quelque peu déconstruit dans ce roman, englobant également les IA).

D'un côté, Roz, homme transgenre à bord d'ari-me, le vaisseau qui sillonne l'espace, et de l'autre, Asha, bot philosophe, spécialiste des questions reliées à sa condition.

Malgré son ton alarmant (les conditions climatologiques sont loin d'être bonnes et le système en place n'est pas loin de rappeler ce qu'il se passe actuellement en Chine), l'humour reste au rendez-vous, marqué, souvent, par une touche mordante.

Les rêves, les aspirations des bots m'ont rappelé cet androïde, nommé Mindar, qui incarne la déesse Kannon dans un temple bouddhiste au Japon.

Les robots peuvent évidemment être vus comme l'incarnation de l'hubris humain, mais touche importante de l'oeuvre de Saul Pandalekis, la réflexion va plus loin, grâce à l'interruption du récit par des interludes récurrents, qui narrent la création des IA autonomes.

A ce niveau, j'ai trouvé le roman construit de façon intelligente. Sa trame narrative, à la fois porteuse d'espoir et de désillusions, se situe à mi-chemin entre l'oeuvre de Becky Chambers et les meilleurs épisodes de la série Black Mirror.

En ce qui concerne la transidentité de ses personnages principaux, Saul sait de quoi il parle. J'ai déjà mentionné sa voix de velours, repérée lors d'une table ouverte des Utopiales. Au sujet des représentations dans son roman, les personnages sont très inclusifs et c'est une réussite : rien ne semble forcé, tout paraît couler de source.

"Quand on ne se voit pas, on n'existe pas." avait dit Saul lors de la table ouverte sur les biais sexistes et racistes.

Je rejoins son avis sur la question : c'est vraiment agréable de voir des personnages aux caractéristiques diverses et variées s'animer d'une intense vie intérieure, être complexes.
Actuellement, les IA n'en sont qu'aux balbutiements et Saul se permet de spéculer sur leur possible évolution.

A quoi ressemblera le paysage technologique à la fin du XXIe siècle ? Comment gérer des androïdes de plus en plus autonomes ? Doivent-iels être considéré·es comme de "vraies personnes" ? A ce stade, l'auteur se place dans la lignée des auteur·ices de science-fiction qui ont déjà écrit sur le sujet (Tout sauf un homme, d'Isaac Asimov, entre autres). Au point de départ du roman, l'autonomie est déjà acquise. Asha est un être à part entière, qui défend des idéaux, des principes qui lui sont chers, qui a une vie romantique et sociale bien développée.

Au final, la présence des bots dans cette société futuriste pose les bases d'une cohabitation entre deux formes de vie aux expériences différentes.

Malgré la déferlante d'informations en tous genre, le roman est très abordable au niveau technologique (je suis une brêle en sciences, aha). On se laisse facilement happer par les vies des protagonistes, très attachant·es. Et l'auteur semble aborder certaines problématiques bots pour dénoncer en sous-texte quelques injustices criantes au sujet de la transidentité.

Le roman n'est donc pas si éloigné que cela de notre réalité.

Quant à la vague de nouvelle science-fiction française, dont la séquence Aardtman fait partie, elle est prometteuse.
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J'ai pas peur des grands mots : c'était une de mes lectures préférées de l'année ! Un véritable coup de coeur !
Et je me dis que La séquence Aardtman pourrait plaire aux fans du genre, mais aussi à tout un lectorat qui pourrait venir à la sf via de nouveaux questionnements (notamment sur le genre et le corps), et de nouvelles représentations (les deux protagonistes sont des personnes trans).
Je m'explique : on retrouve dans La Séquence Aardtman des réflexions classiques sur les robots et l'éthique robotique, la recherche de nouvelles planètes habitables, les voyages dans l'espace et toute la dimension scientifique et/ou politique de ces questions.
Mais l'auteur va plus loin. Parce que la question robotique est dans ce livre liée à la question du corps (ça peut paraître idiot mais dans tous les livres de sf que j'ai lu jusqu'à présent c'était pas le cas, comme si les robots n'avaient pas de corps). le corps et le genre, le corps et le sexe (relations entre humains et bots), le corps et le travail (capitalisme et main d'oeuvre humaine vs. bots), etc, et tout est cohérent et fonctionne !
En plus Asha et Roz sont si attachants ! Alors que je n'ai a priori rien en commun avec les deux personnages principaux, je me suis facilement identifié, et je peux même avouer un crush pour Roz. Son côté geek, le nez dans le code, écoutant Björk et Sigur Rós, qui détonne avec les scientifiques qu'on croise en général en sf !
Pour tout ça, le roman de Saul Pandelakis est une petite merveille. C'est pas sans petits défauts (j'ai trouvé le début peut-être un peu lent, c'est pas forcément facile de rentrer dans l'histoire), mais c'est quand même incroyable, surtout pour un premier roman ! Et puis surtout ça devient de mieux en mieux au fil des chapitres. le rythme va crescendo et à un moment je ne pouvais plus lâcher le livre. Et les 100 dernières pages, je les ai lues avec comme un coup au coeur : vous savez ce moment où tout s'emballe et où vous n'arrivez pas à vous décider entre finir le livre au plus vite et faire des pauses pour mieux le savourer.
Bref, ça fait près de 600 pages mais c'est très bon, alors n'hésitez pas à vous lancer !
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La Séquence Aardtman - Saul Pandelakis
Actu SF (Hélios) // 2023 (2021 1ere édition) // 648p
Lu en service presse

Il y a des livres qui touchent et vous marquent au-delà du dicible et quand vient le moment d'en parler, de faire la synthèse de tout ce qui nous parle dedans, ce qui nous percute si personnellement, c'est compliqué.

Il toujours plus difficile je trouve de parler d'un livre que j'ai profondément aimé, peut-être parce que cela est tellement personnel, tellement instinctif et émotionnellement brut que le formuler en mot est impossible, ou qu'en tout cas invariablement, les nuances se perdent quand elles sortent de l'informulé.

C'est le cas pour le premier roman de Saul Pandelakis, une oeuvre remarquable à bien des égards et que je considère comme une oeuvre majeur de la SF.

Mais commençons par le début, de quoi ça parle ce roman ?

Futur pas trop lointain, les désastres climatiques et écologiques rendent la Terre de plus en plus inhabitable. En plus de cela, le néo-libéralisme à trouvé le moyen d'uberiser jusqu'au moindre strates de la société et l'on se retrouve à enchaîner les microjobs de 10 minutes pour engranger les points nécessaires à sa survie ou déménager chaque jour pour éviter les malus de mobilité qui empêcherait d'accéder à un confort quasi essentiel. Dans ce contexte, l'humanité partage maintenant sa place avec les Bots, des IA incarnés dans des corps biomécanique et qui revendiquent leur droit à exister dans notre société.

Dans ce contexte nous allons suivre deux personnes, tout d'abord, sur Terre Asha, Bot féminine transgenre philosophe impliqué dans les mouvements pour les droits des bots, dans des mouvements de contestations plus généraux et qui pense et réfléchit le corps bot.

Dans l'espace, sur un vaisseau qui recherche des planètes éligibles à la terraformation, on suit Roz, un homme trans, informaticien, spécialisé dans les IA.

* * *

Saul Pandelakis nous balade d'un environnement à l'autre, d'un personnage à l'autre nous implique dans leur quotidien, leur vie et ce faisant dessine en creux tout un univers qui pioche clairement son inspiration dans les pires dérives capitalistes et liberticides du nôtre.

Mais là où l'on pourrait avoir un roman extrêmement déprimant et pessimiste, malgré la difficulté des problématiques adressées et les vies difficiles que vivent nos protagonistes, l'auteur nous offre au contraire un roman d'une très grande force, une bouffée d'air dans nos sociétés viciées.

Les trajectoires de Roz et d'Asha qui se répondent, leurs forces, leurs résilience, leur anticonformisme, leur entourage aussi, si varié nous les rends si vivants et tangibles et puis bien sûr, la manière dont leur conditions de personne queer est à la fois intrinsèquement lié à leur cheminement, une composante qui les façonne, et en même temps un non sujet dans le sens où c'est une évidence indiscutable.

Le roman de Pandelakis prend son temps, ils nous emmène vraiment loin dans le quotidien des protagonistes, et utilise avec talent leurs trajectoires pour nous présenter un univers très riche et dense, développer des thématiques variées, politiques et queer.

Si le récit est relativement lent, l'alternance de chapitre entre Roz et Asha, parfois entrecoupés d'interludes, presque des nouvelles à part entière qui enrichissent énormément le contexte, font que l'ont ne s'ennuie pas une seconde. Si l'on rajoute à ça le style de l'auteur marquant, parfois presque poétique et d'une grande richesse, La Séquence Ardtmann se lit quasiment tout seul malgré son volume conséquent.

* * *

En avançant dans cette lecture, une évidence s'est imposée à moi sur le caractère essentiel de cette oeuvre. Ce roman est dense, il propose une SF riche, pensée comme rarement et aborde des thèmes qui sont trop peu traités. Il offre un monde dur qui laisse entrevoir peu d'espoir mais propose des contrepoints, des alternatives vivables et enthousiasmantes, et portés par tellement de personnages fort, en lutte, que malgré tout, on ressort avec une vision pleine d'espoir de cette lecture.

C'est vraiment difficile de trouer les mots pour un tel coup de coeur, mais vraiment, si vous aimez la SF, laissez sa chance à ce bijou !
Lien : https://imaginelec.blogspot...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L’incarnat…c’est juste une fois dans une vie de bot. Le choc que c’est, tu ne le revis plus jamais. Là…certes, tu repars en mode process uniques, c’est vrai. Tu revis dans ton espace de machine, pour un moment. Mais quand tu reviens…le corps que tu as quitté, c’est le tien, il est comme imprimé, marqué par tout ce que tu as pensé et vécu. Tu ne pars pas vraiment… C’est ton esprit qui se cale autrement, qui se décale de ton corps, un peu…comme toi si tu t’évanouis…peut-être.J’imagine. Je ne me suis jamais évanouie.
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"Ces corps rêvés, notre prison , se dit Asha ; si sa note n'était pas achevée, peut-être qu'elle écrirait qu'il ne leur resterait rien à accomplir, si ce n'est boire des limonades pendant que leurs dieux se meurent."
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Du coup, l'init. Ce moment où la séquence est lancée, et où une pensée advient. On peut dire qu'un ou une bot naît là. Mais du coup, qu'est-ce que l'incarnat ? Une seconde naissance ? C'est là que ça devient glissant, théoriquement. Si on dit que l'incarnat est une seconde naissance, alors on admet, implicitement, qu'il y a une naissance, alors on admet, implicitement, qu'il y a une naissance de l'esprit et une naissance du corps. Sauf que tout, dans l'expérience bot, contredit une telle schématisation.
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- Tu me demandes si on peut aimer être seul et souffrir de la solitude en même temps ? 
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La station assise sur le bord du lit. La bouillie écrasée des mauvais rêves sur le pare-brise de son humeur.
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