Enfin un livre où la banlieue n'est pas caricaturée ! de vrais personnages, sensibles, intelligents, drôles, attachants, faibles parfois, dangereux par moments...
une histoire terrible, cinq voix tour à tour délicates, fantaisistes ou brutales. Beaucoup de sensibilité pour ce roman qui aurait pu tomber dans le cliché.
Loin des clichés de la cité, les personnages sont vus de l'intérieur, dans la complexité de leurs émotions, avec leurs défauts et leurs qualités. L'introspection fait poindre l'horreur, et la folie n'est jamais loin dans un texte ciselé, où chaque phrase sonne juste.
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Je suis allée dans la cuisine. Mes pieds sur le carrelage. Ma mère lavait des pommes de terre. Elle a toujours des gestes lents quand elle lave des pommes de terre. Elle rêve. Peut-être qu'elle les trouve belles, et que la texture évoque quelque chose pour elle. Elle laisse venir en elle la même lenteur que moi le matin sur la vitre chaude.
Quand je pense à ma mère, je fais toujours trente pompes. Ca m’aide à réfléchir. Pour moi réfléchir c’est surtout clarifier les choses. Du genre : voilà ce qu’il faut retenir, voilà ce qu’il faut oublier. Mon corps est impeccable, j’aime l’idée que son contenu soit net. Vous imaginez la pub avec un fond vert : y’a une forme qui se détache et c’est pas possible de la louper. Ils l’ont dessinée par ordinateur. Pas un grain qui dépasse. Mon corps, c’est ça. »
Ce matin rien n'annonçait la gifle. Je me suis levée de bonne heure, le soleil qui se faufilait entre les tours avait chauffé la fenêtre. J'ai laissé la main sur la vitre, un instant, sans réfléchir. J'entendais les cris d'enfants dans la cour, des rires de femmes, et je me suis souvenue qu'il y avait aussi le ronronnement de l'autoroute, là-bas, qui n'arrêtait jamais vraiment.
A ce propos, le prof de français nous a lu de beaux textes sur l'affairement des villes. Les autoroutes c'est aussi de l'affairement. Des gens qui partent au travail, d'autres qui reviennent. Certains vont en vacances. Je suppose qu'il y en a même qui ne savent pas ce qu'ils font. Alors les autoroutes il n'y a vraiment pas à s'en plaindre.
« De retour à Paris, le soleil des rues ne m’a pas soulagée. La légèreté des passants n’a rien éclairci. Une part en moi fermait douloureusement les yeux. Ce jour-là j’ai découvert qu’il existait des ombres. »
Suite 3/3 des portraits et de l'interview des Vies enchantées et suite sur les Petits Blancs.