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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Baie de Somme. 1896.

Une goélette échouée. Sur le pont un corps. Ou plutôt le cadavre d'un homme qui s'est étouffé dans son propre sang. Pas n'importe quel homme ! Alexandre de Breucq ! Richissime industriel, un Maître des Forges.
Le ministre en personne décide d'envoyer sur place le plus fin limier parisien, Amaury Broyan. Celui-ci ne tarde pas à se rendre compte que la victime a été empoisonnée. Pas par n'importe quel poison, non ! Un poison qui provoque une mort lente, une horrible agonie… Qui donc a pu commettre pareil crime ? Qui ? Alexandre était aimé de tout le monde, et en particulier par ses ouvriers qu'il rémunérait et traitait bien mieux que n'importe qui ! Ses amis étaient légion et ses affaires prospéraient toujours plus de jour en jour…
Pourtant, si on se pose la question « à qui le crime profite-t-il ? » une réponse s'impose ! A sa chère épouse, Madame de Breucq ! Mais l'inspecteur arrivera-t-il à faire tomber de son piédestal une femme appartenant à une famille richissime, et, par conséquent aussi, extrêmement puissante ?
L'industriel avait une maîtresse. Une jeune femme qui gagne sa vie en servant de modèle aux peintres. Mucha l'a peinte et continue à la peindre tant elle est belle. A cause da la rousseur de ses cheveux, il l'appelle Automne… Quels rapports entretenait-elle avec la victime ? Y aurait-il un lien entre elle et l'assassinat ? Aurait-elle été témoin ? Aurait-elle reçu des confidences ?

Critique :

Un polar en bandes dessinées vous intéresse-t-il ? Un polar fin de siècle ! Pas le vingtième ! le XIXe ! C'est avec une grande habileté, et en noyant plus d'une fois le poisson dans l'eau que Philippe Pelaez plonge le lecteur dans une enquête où se côtoient les puissants de France et les Apaches… Non ! Non ! Pas les peaux-rouges ! Les voyous, les petites frappes, les criminels des bas-fonds de Paris… Enfin, quand on parle des bas-fonds, il faut plutôt lever la tête car ils adorent se réunir dans les cabarets de la butte Montmartre où les bourgeois n'ont pas trop intérêt à traîner, l'air n'y est pas particulièrement bon pour leur santé.

L'auteur va vous berner du début jusqu'à la fin ! Maintenant que vous voilà avertis, inutile de tarder à vous faire avoir, d'autant que les dessins et les couleurs d'Alexis Chabert valent largement le coup d'oeil ! En particulier si vous aimez la peinture de style Art Nouveau, façon Mucha… Ou pas !
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Elle était une saison qui sait que le temps lui est compté.
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Il s'agit d'une histoire complète en un seul tome, indépendante de toute autre. Cette bande dessinée a été réalisée par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Alexis Chabert pour les dessins et les couleurs directes. Elle comporte soixante-deux pages. Il se termine avec une postface d'une page de l'artiste expliquant pour quelle raison il a choisi 1900 à Paris. Dans ce projet, il s'est amusé à retranscrire les ambiances que son arrière-grand-mère lui a transmises, recréer un passé où il peut voyager comme un fantôme, et honorer la mémoire de ses ancêtres. Chacune des trois parties s'ouvre avec un texte de Nelly Roussel (1878-1922), extraits de son ouvrage Quelques lances rompues pour nos libertés (1910).

Sur une grande plage de la baie de Somme, se trouve un petit navire à voile, échoué sur le sable comme un animal mortellement blessé regardant une dernière fois l‘horizon, avant de se coucher définitivement sur le flanc. Un homme en train d'agoniser s'extirpe tant bien que mal de la cabine et s'allonge sur le pont. Les mouettes volent haut au-dessus du bateau. le lendemain, la gendarmerie locale est sur place et elle accueille l'inspecteur Amaury Broyan, venu de Paris, dépêché par le ministre lui-même. Car le défunt était un riche industriel : Alexandre de Breucq. le lieutenant Brousse lui explique que le malheureux s'est étouffé dans son propre sang, et que son agonie a dû être longue. L'inspecteur se demande si la victime connaissait son assassin, si ce dernier avait préparé le poison en étant sûr que de Breucq le prendrait, ou s'il était à bord de cette goélette, avec lui, et qu'il a pris tout son temps pour le regarder mourir.

Quelques jours après, l'inspecteur se tient à quelque distance de la mise en terre du cercueil au cimetière, accompagné par Arsène. Ils regardent les gens présents venus se recueillir : les banquiers d'un côté, les industriels de l'autre, et au milieu l'État. Un franc-maçon à la tête de l'État, un communard comme président du Conseil, et les socialistes qui gagnent encore des voix aux dernières élections municipales. Et tout ce beau monde pour enterrer le plus prometteur, le moins corrompu et le plus social des industriels. La vie est mal faite. Arsène s'écarte rapidement car la veuve Marthe de Breucq se dirige vers eux avec son garde du corps Simon. Broyan lui présente ses condoléances. Elle lui demande de passer le jeudi suivant, à dix-sept heures à son hôtel particulier. Une fois la cérémonie terminée, Elle monte dans sa calèche avec Simon et lui demande pourquoi Broyan a été choisi pour l'enquête. C'est un des policiers les plus efficaces de Paris, enfin avant les soucis avec sa défunte fille. Dans l'atelier d'Alfons Mucha, Axelle Valencourt pose pour la toile L'Automne. Elle lui fait observer que des grains commencent à se détacher de la grappe. Rien de grave : il a terminé pour aujourd'hui. Il faut qu'elle revienne dans deux jours pour terminer le tableau. le lendemain elle a prévu d'aller au marché aux modèles place Pigalle. le soir Thérèse sort de la prison de Saint Lazare, et elle monte dans le fiacre qui l'attend.

Pour commencer, une couverture superbe avec un mystère, une jeune femme représentée avec une manière qui évoque Alfons Mucha (1860-1939), ce qui est tout à fait intentionnel puisque cette demoiselle est le modèle qui a servi pour sa représentation de l'Automne. le fini de la couverture est particulièrement soigné : le titre et la dorure en arc de cercle sont rendus avec une encre métallique, en légère surimpression, pour un très bel effet. En bas, le bateau échoué sur ce qui doit être une plage de la baie de Somme. Une introduction en six pages qui permet de poser le récit : une enquête policière sur le meurtre d'un industriel progressiste, un capitaine d'industrie mettant en oeuvre une politique paternaliste, à la fin du dix-neuvième siècle. Elle permet aussi d'apprécier toute la palette de l'artiste. Il commence par trois pages avec plusieurs marines, très vaporeuses, un très beau rendu de l'ambiance lumineuse du ciel et du sable à deux moments différents de la journée, une goélette et des personnages détourés d'un trait fin et fragile, avec des silhouettes un peu allongées, des contours nourris par les couleurs directes. L'autre moitié se déroule d'abord dans un cimetière parisien, puis dans les rues de la capitale. La couleur directe permet de réaliser un jeu d'ombre mouvante du plus bel effet. L'artiste joue remarquablement bien du niveau de précision et du niveau d'imprécision dans les formes : le lecteur assimile facilement les contours des stèles funéraires sans avoir besoin de les voir dans le détail, et il identifie au premier regard la forme d'une colonne Morris.

Raconter un polar en bande dessinée s'avère souvent un exercice périlleux, car il faut parvenir à caser tout à un tas d'informations comme les éléments de contexte, l'histoire personnelle de la victime et de ses proches, la recherche d'indices et leur analyse, et il faut également parvenir à mettre en scène les phases de déduction sans qu'elles n'apparaissent ni trop artificielles et mécaniques, ni trop parachutées ou absconses. le lecteur se rend vite compte que les auteurs savent inclure les informations avec une réelle élégance, et une réelle ambition. Ainsi, la victime était un riche industriel de type paternaliste, portrait qui se dessine par bribe au fil de remarques rapides. L'inspecteur a une histoire personnelle tragique qui influe directement sur ses motivations et donc la façon dont il hiérarchise ses priorités. Il dispose d'un physique avec une certaine carrure et des postures parlantes sur son caractère et ses dispositions d'esprit. La veuve éplorée est d'une réelle élégance, son maintien et sa façon de se tenir en disent également long sur son assurance et sa détermination. Axelle est magnifique de bout en bout, une beauté diaphane, avec un soupçon de mélancolie, une réelle douceur, une assurance d'une autre nature. L'artiste sait donner vie à chaque protagoniste, leur insuffler du caractère, ce qui est indispensable pour que la mécanique policière ne ressorte pas comme un artifice.

La quatrième de couverture précise que l'histoire se déroule à la Belle Époque, et même précisément en 1896. Cette année correspond effectivement à la date de réalisation du tableau Automne par Mucha. Les auteurs ne l'ont pas choisi par hasard, et le lecteur constate rapidement que l'intrigue est indissociable de la réalité historique de l'époque, qu'elle en découle, qu'elle n'aurait pas pu se passer à une autre époque. C'est donc un véritable polar qui agit comme révélateur d'une facette de la réalité sociale de la société à ce moment-là, et à cet endroit-là. Avec son air de ne pas y toucher vraiment, l'artiste réalise une reconstitution historique visuelle impressionnante. Les tenues sont d'époque, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Il est possible d'identifier les rues de Paris où se déroule chaque scène. le lecteur finit par se rendre compte que Chabert est allé faire des recherches sur les différents modèles de voiture hippomobile en circulation à Paris, ce qui atteste du temps consacré à recréer cette époque avec authenticité. S'il ne l'a pas fait avant, le lecteur prend alors le temps de regarder les détails : les façades immeubles, la fontaine d'une place, l'évocation du cabaret Au Lapin Agile (à nouveau une mise en couleurs extraordinaire), un paravent, un intérieur bourgeois, un cabinet médical, etc. Il regarde les moulins de la Butte Montmartre et il découvre le chantier de la construction de la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre (1875-1923), avec ses échafaudages et son campanile pas encore construit.

Le décor de ce chantier en cours a été proposé par le scénariste qui, lui aussi, parsème son récit de marqueurs historiques contribuant à la reconstitution. Lors du prologue, Arsène évoque Félix Faure (1841-1899), franc-maçon alors président, et Jules Méline (1838-1925), un communard alors président du Conseil. Au fil des pages, le lecteur peut relever la mention de Sarah Bernhardt (1844-1923, actrice ayant également servi de modèle Mucha), Paul Brouardel (1837-1906, médecin légiste), et une citation de Jean Jaurès (1859-1914, on recrute dans le crime pour surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère). Il y a également le titre de chacun des trois actes (Les sanglots longs – le coeur des femmes – Morte saison) et les citations en ouverture : elles sont toutes les trois extraites du même ouvrage de Nelly Roussel (1878-1922), une libre penseuse, franc-maçonne, féministe, antinataliste, néomalthusienne et femme de lettres libertaire française, une des premières femmes à se déclarer en faveur de la contraception, et à promouvoir l'importance de l'éducation sexuelle des femmes. Tous ces éléments font partie intégrante de l'intrigue, à l'opposé de simples éléments de décor pour meubler artificiellement. L'histoire se déroule en suivant l'inspecteur, et sa façon de procéder est dictée par son caractère et son histoire personnelle. L'enquête ne se résume pas à un jeu intellectuel, mais procède des convictions du policier. Les autres personnages ne font pas figuration : les actes d'Axelle ou de Marthe reflètent également leurs convictions et leurs objectifs, à l'opposé de personnages superficiels ou interchangeables.

Le scénariste maîtrise aussi bien l'esprit que la lettre des polars. Il y a des phases de déductions, des indices, des indicateurs, quelques coups échangés, autant de conventions attendues du genre. L'enquête implique aussi bien des individus de la haute société, que des gens du peuple, et elle fait ressortir des vices cachés. Elle agit donc bien comme un révélateur de plusieurs facettes de la société de l'époque. Elle fonctionne sur ses particularités et pas indépendamment du lieu ou de l'Histoire. En un nombre limité de pages, les auteurs savent immerger le lecteur dans un environnement concret et une reconstitution historique rigoureuse. Celui-ci est sous le charme de la narration visuelle dès les premières pages, et il se prend à savourer le texte assez écrit qui parsèment les cases de la première planche. Il retrouve ce dispositif à l'occasion d'une planche dans chaque acte, venant apporter une touche littéraire et poétique à la narration. Il se laisse porter par l'enquête à la méthode naturaliste, sans essayer de devancer l'inspecteur, se retrouvant surpris à plusieurs reprises par ces découvertes, et révulsé par l'horreur du véritable crime. Excellent.
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Paris, XIXᵉ siècle, on retrouve dans un bateau au large le cadavre d'un homme d'affaire très fortuné et très aimé : Alexandre de Breucq. Il faut croire que ne sont pas courants les riches industriels socialistes. Sa femme reprend donc la tête de l'empire pendant que l'inspecteur Amaury Broyan, cigarette au bec, va tenter de retrouver le meurtrier. Il rencontre vite Axelle, modèle pour les artistes, mais surtout ancienne maitresse du mort.
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J'avais repéré cette bande dessinée, je ne sais plus trop où, mais j'avais vraiment envie de la lire.
Pour commencer, comme j'adore le dessin, je vais évidement parler de ça : J'ai passé tellement de temps sur les pages pour capter tous les détails des illustrations ! le style est un peu particulier, certains mettrons peut-être un peu de temps à s'habituer, mais moi, j'adore. Les contrastes entre le "beau" (les dessins de femmes sont particulièrement précis) et la mort, les ruelles sombres est incroyable. On se croirait dans les poèmes de Baudelaire… ! D'ailleurs, le livre en lui-même est assez poétique, rien que le titre « Automne, en baie de Somme », c'est intriguant. Personnellement, j'ai préféré les paysages et les décors à certains personnages. de plus, avec les couleurs qui prennent des tons d'aquarelle, le rendu est superbe.
L'intrigue aussi est bien construite : l'enquête tient debout et l'histoire de nombreux personnages est développée.
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Bref, une belle découverte :)
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Quand on demande à Philippe Pelaez quels sont ses scénaristes préférés, il répond qu'il apprécie « les scénaristes qui savent se renouveler » et dit compter parmi ses maîtres Jean van Hamme et Stephen Desberg. Il déclare qu'il aime également beaucoup la bande dessinée historique comme « Les 7 vies de l'Epervier » de Cothias et Julliard ou « Les tours de Bois-Maury » d'Hermann et conclut qu'il « a envie d'écrire dans tous les genres ! »

Il semble brillamment relever le défi en multipliant les productions cette année. Après avoir donné un 3e volet à sa série « Maudit sois-tu », entamé les diptyques du « Bossu de Montfaucon », de « l'Enfer pour aube » et « Furioso », continué ses « histoires de guerre », il nous invite dans le Paris de la Belle Epoque. Dans « Automne en baie de Somme », il est accompagné au dessin et à la couleur par Alexis Chabert et ce magnifique one shot est paru dans la collection « Grand Angle » chez Bamboo édition.

ENTRE « LES BRIGADES DU TIGRE » ET « 1900 »

Pelaez innove donc une fois de plus et s'essaie pour la première fois au genre du polar. Si Grand Angle, c'est au départ une collection pour faire de la BD « comme au cinéma », on retrouve dans cet album un découpage, un rythme, et une intrigue qui nous font penser aux enquêtes des « Brigades du Tigre » (les plus vieux comprendront !) et de la série « 1900 » conçue elle aussi par scénariste de bande dessinée Fabien Nury.
On a en effet une histoire qui se déroule à la Belle Epoque et qui commence in media res avec un cadavre : un bateau est échoué sur une plage de la baie de Somme, un homme ensanglanté sort en rampant de la cabine et meurt sur le pont. Il s'agit d'un riche industriel, Alexandre de Breucq. Un policier parisien l'inspecteur Amaury Broyan – est-ce un hasard que le dessinateur lui ait donné les traits du Burma de Tardi ? - est chargé de l'enquête. Très vite il soupçonne la veuve de la victime qui n'a même pas attendu une période de deuil raisonnable pour prendre en main les affaires de feu son mari. Mais Alexandre avait également une belle rousse, modèle de son état pour le peintre Mucha, comme maîtresse et n'était pas aussi lisse qu'on voudrait le laisser croire…

Les sous-intrigues se multiplient : ainsi Broyan a également un drame personnel à élucider ce qui permet de donner de l'épaisseur aux personnages et de brouiller les pistes en retardant le moment de la découverte du coupable. Mais le seul regret qu'on éprouvera pour cette histoire complète , c'est qu'elle n'ait pas pu courir sur davantage de pages car parfois les ellipses sont un peu trop brusques, la romance entre Axelle et le jeune peintre expéditive, et surtout les coïncidences trop marquées (comme de bien entendu les deux arcs narratifs principaux finissent par se rejoindre et certains témoins sont étonnamment volubiles).On aurait aimé davantage de pauses narratives et de déambulations en doubles pages muettes dans ce Paris si bien reconstitué.

POL-ART

En effet, l'un des atouts principaux de cet album est son graphisme. Dès la couverture, ses couleurs pastel, ses incrustations dorées, ses motifs floraux art nouveau et sa silhouette féminine vaporeuse on perçoit l'hommage à Mucha que l'on retrouve également dans les têtes de chapitre. Cependant d'autres artistes et courants picturaux sont également convoqués comme l'impressionnisme présent sur la couverture de l'édition de luxe mais aussi dans la marine au bas de l'édition classique…

Alexis Chabert a travaillé en couleurs directes à l'aquarelle principalement mais avec des rehauts d'acrylique, de pastels et les silhouettes cernées au stylo à bille ! Et l'ensemble est fascinant. Au détour d'une case et surtout quand il s'en affranchit, alors qu'il nous dépeint les célèbres cabarets du « lapin agile » ou du « chat noir » ou les Moulins de Montmartre, il nous évoque tour à tour Toulouse-Lautrec, Pissarro ou Van Gogh ; quand il arpente la haute société on pense à Manet tandis que ses vues des grands boulevards nous rappellent les tableaux de Monet et de Renoir.

UN ROMAN GRAPHIQUE SOCIETAL

Enfin, s'il est distrayant et beau tout à la fois, ce livre donne également à penser. On peut le qualifier de « roman » graphique car sa narration est très écrite dans les récitatifs et confine même à la poésie. Il n'est pas sans rappeler en cela un autre album récent de Pelaez : « l'Enfer pour aube » placé sous l'égide d‘Hugo. Mais quand dans le premier titre, chaque chapitre était délimité par une citation extraite de l'album lui-même, ici le scénariste choisit de commencer chacun des 4 chapitres qui le constitue par des passages de « Quelques lances rompues pour nos libertés » de Nelly Roussel une pamphlétaire qui lutta contre l'avortement et pour la libération de la femme. Ainsi, l'album se mue en une oeuvre engagée qui questionne la place de la femme à l'époque et montre les tentatives de certaines (dont les deux héroïnes) pour échapper au sort qu'on veut leur réserver.


« Automne en baie de Somme » au titre poétique et polysémique est donc tout à la fois un polar historique, un album hommage aux maîtres picturaux de l'époque, une expérimentation scénaristique et une oeuvre engagée. Cette bande dessinée a les qualités des grands albums : à la fois un graphisme époustouflant mais aussi un scénario ciselé et intelligent bien plus profond qu'il n'y paraît. Ce one shot devrait être le tome inaugural d'une série (tétralogie à la Vivaldi ?) car on annonce pour bientôt l'arrivée d'un deuxième opus avec l'inspecteur Broyan intitulé « Hiver à l'Opéra » qui devrait s'inscrire dans les traces de Degas. On s'en réjouit déjà !
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Au petit matin, un voilier s'échoue sur une plage de la baie de Somme. A son bord un riche industriel parisien, mort, assassiné. Pour l'inspecteur Broyan, l'enquête va se poursuivre dans le Paris de la Belle époque, entre milieu artistique et grande bourgeoisie.

Une enquête policière assez basique mais dont l'histoire traite de sujets beaucoup plus sérieux et qui fait écho à l'actualité. Sans le vouloir les auteurs collent avec ce qui se passe aux Etats-Unis : une nation dite libre et civilisée qui retire aux femmes le droit d'avortement. Ce sera-t-il le retour de cette terrible époque où les femmes risquaient leur vie pour une grossesse non désirée? A travers l'histoire personnelle de l'enquêteur, dont la fille s'est faite violée puis est décédée en faisant appel à une faiseuse d'ange, c'est toute la condition féminine d'une époque qui est critiquée. Ou même à travers la veuve, pas si éplorée que ça, qui va enfin pouvoir prendre les rênes de l'entreprise familiale car mariée elle n'était que la chose de son mari, rien de plus...
A travers ses sujets abordée avec sensibilité et douceur, ce sont aussi des personnalités féminines qui donnent vie à ce récit. La veuve de Breucq, femme de caractère voulant reprendre d'une main astucieuse l'entreprise de son mari et qui représente la haute bourgeoisie. Et la belle et sensuelle Axelle, modèle de Mucha, qui représente la vie d'artiste et de bohème en vogue à l'époque.
L'art de la Belle Epoque est mis à l'honneur ici. Alfons Mucha fait quelques apparitions dans l'histoire, le voit peindre sa fresque des quatre saisons dont Axelle est la muse de l'automne. Mais aussi à travers cette très belle couverture et ces ouvertures de chapitres tout aussi beaux. Tout dans les aquarelles des pages rappelle ce Paris Belle Epoque qui fait vibrer les ambiances tout en subtilité.

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La Belle Epoque.
Coincé entre les étaux prussiens de 1870 et allemands de 1914, la France est en pleine expansion économique, culturelle, politique, s'ébattant dans l'insouciance et la fête. le chemin de fer et la vogue des bains de mer ouvrent le littoral picard aux Parisiens. En 1896, le maître des forges Alexandre de Breucq qui avait ses habitudes en baie de Somme est découvert sur sa goélette, étouffé dans son sang. Cet industriel à l'écoute de ses ouvriers, à l'empathie paternaliste, semble sincèrement pleuré à son enterrement hormis par sa veuve, unique héritière de l'empire de Breucq. Pour l'inspecteur de police parisien Amaury Broyan, entre une coupable toute désignée et le passé de plus en plus trouble de la victime, l'enquête ne fait que débuter avec ses fausses pistes et ses chausse-trapes, ses rebondissements et ses twists.
L'histoire imaginée par Philippe Pelaez tisse habilement la réalité à la fiction. « L'Automne » est une oeuvre réalisée en 1896 de l'artiste de l'Art nouveau Alfons Mucha. C'est aussi la date charnière choisie par le scénariste pour ancrer son récit. En déplaçant « L'Automne » en baie de Somme, il lui confère une aura supplémentaire en l'associant aux lumières douces soufflées par les vents d'ouest, épandues sur les vastes espaces sableux de l'estuaire. Pourtant, l'essentiel de l'enquête se déroule sur Paris mais le charme des openfields opère à distance. le travail à l'aquarelle en couleurs directes mené par Alexis Chabert où l'eau et les pigments agissent de concert est dans l'esprit de l'oeuvre. Les transparences des pages liminaires constituent une belle entrée en matière. D'autres artistes sont conviées plus discrètement à l'exemple d'Henri Gervex et de son tableau, « Rolla ou le suicide pour une courtisane » (1878), inséré dans la bande dessinée non comme un objet de décoration mais en tant qu'élément constitutif de la narration. Les personnages principaux et secondaires ont une belle présence et pour certains une superbe prestance. Ils s'incarnent à mesure que leur passé se révèle ainsi du policier Amaury Broyan, bien campé et tourmenté ou encore du modèle de Mucha, Axelle Valencourt, magnifique muse flamboyante que la mélancolie nimbe d'une voilette diaphane. A ces multiples qualités qui irriguent discrètement l'enquête policière s'ajoute, au début de chacune des trois parties de l'album, une citation de Nelly Roussel (1878-1922), écrivaine libre-penseuse et féministe avant-gardiste qui s'insurge contre les violences faites aux femmes, un sujet sociétal toujours d'une insupportable actualité.
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J'avoue en voyant la couverture, je ne m'attendais pas du tout à un polard. Mais alors pas du tout. de plus, habitant Picardie où se trouve la très belle baie de Somme, j'ai du faire un rapprochant avec le fonds local de la bibliothèque municipale du coin. Enfin pour vous dire que j'était à côté de la plaque. J'étais agréablement surprise par cette histoire finement bien ficelée. Les illustrations rendent superbement hommage aux peintres de l'époque où la narration se situe. Un petit bijou qui n'en a pas l'air au premier abord. J'aurai eu cependant envie de voir, mais cela n'est que personnel, un peu plus de baie de Somme.
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Une enquête dans les années 1900 sur l'assassinat d'un riche industriel en Baie de Somme. L'argent, le sexe, l'avortement clandestin, le pouvoir, la peinture et ses modèles au coeur de l'intrigue bien menée dans un graphisme qui reflète bien l'époque et les personnages.
Quelques planches au début et à la fin sur l'infinie pâleur d'un automne en Baie de Somme.
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« À la Belle Époque, elles détiennent deux armes d'exception : la beauté et l'argent.»
1896. le corps d'un riche industriel est découvert à bord d'une goélette échouée dans la baie de Somme. Pour une affaire de cette importance, on envoie le meilleur policier de Paris, Amaury Broyan.
Très vite, l'inspecteur soupçonne la veuve, héritière de l'immense empire. L'enquête révèle alors que l'industriel avait également une maîtresse, Axelle Valencourt, un modèle ayant posé pour de nombreux artistes et notamment Alfons Mucha. Des quartiers cossus de Paris aux cabarets de la Butte Montmartre, l'inspecteur se retrouve plongé dans une affaire complexe et périlleuse, dans laquelle chaque personnage, y compris l'inspecteur, va révéler sa part d'ombre.
La bande dessinée « Automne en Baie de Somme » Scénario : Philippe Pelaez et Dessin : Alexis Chabert Ed: Grand Angle.
Je viens de passer un moment savoureux où j'associe volontiers le mot policier à bande dessinée. Ce qui pour moi, est une première. le scénario admirablement écrit nous entraîne dans une enquête double. Celle d'un père rongé par la mort de sa fille et celle du professionnelle qui recherche qui l'assassin de Mr Breucq. je trouve que Amaury Broyan a un air de Nestor Burma de Léo Malet.

Chaque partie est introduite par les citations de Nelly Roussel. Ceci ajoute de la réflexion politique. Car en effet, cette BD n'est pas seulement de l'art, ni là pour distraire. Elle véhicule une multitude de messages sur la condition du peuple à la belle époque. Les bourgeois et les actionnaires. Sans oublier les anarchistes. Tout ce qui fait qu'il faut la lire et la relire pour apprécier le travail des artistes.
Pour aller plus loin : le site de Philippe Pelaez et BENZINE
Claudia
Lien : https://educpop.fr/2023/01/0..
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Malgré une scène déterminante en baie de Somme et contrairement au titre , ce polar assez sombre se déroule en 1896 dans le Paris de la Belle Epoque, comme l'évoque la magnifique couverture Art Nouveau.
Un très riche industriel est retrouvé mort dans une goélette échouée en baie de Somme. Eu égard à l'identité de la victime, Paris dépêche sur place l'inspecteur Amaury Broyan, lui-même rongé par un drame familial récent. Son enquête va nous mener des ors des salons bourgeois aux bas-fonds de la Butte Montmartre. Nous y côtoyons des héroïnes issues de toutes les strates de la société car un accent est particulièrement porté sur la condition et le sort réservés aux femmes dans cette société patriarcale. Elles n'ont que leur séduction ou leur argent comme armes. Ce plaidoyer s'intègre parfaitement à l'intrigue puisque la veuve, qui a apporté en dot la fortune qui a fait la richesse de son industriel de mari et la maîtresse de ce dernier qui pose comme modèle pour subvenir à ses besoins sont toutes deux suspectées.
Alexis Chabert nous offre ici, au travers de magnifiques décors , un superbe portrait du Paris de la Belle Epoque. Il parvient parfaitement à nous faire ressentir aussi bien l'atmosphère lumineuse du Paris Haussmannien des salons que la misère noire du Paris des bas-fonds et des ruelles coupe gorges. Les dessins Art Nouveau aux traits fins et soignés sont magnifiques. Les femmes ont les silhouettes élancées, délicates et élégantes des codes de l'Art Nouveau et les hommes qui règnent en maîtres sont rudes et violents. La plongée dans les rues de Paris ou dans les bas-fonds est vertigineuse.
Philippe Pelaez et Alexis Chabert nous offrent ici un polar sombre, merveilleusement bien illustré, au dénouement inattendu.
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