Je ne me suis jamais autant rendue compte de l'importance de la guerre dans les romans d'Ellis Peters qu'en relisant les premières lignes de ce roman. Son autre héros récurrent, Cadfael, vit dans le Xiième siècle britannique, marqué par la guerre entre l'impératrice Mathilde et son cousin Etienne. Ici, ce sont les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale qui sont à la fois le cadre et le moteur de l'intrigue. Tout repose sur les évènements survenus pendant la guerre et la situation qui s'ensuit... Un roman d'actualité à l'époque puisque qu'elle l'a écrit en 1951, après avoir vécu un engagement dans Service volontaire féminin pendant la guerre!
Il s'agit d'une relecture, et je dois avouer que si je ne me souvenais plus de la fin, le début m'avait bien marqué par contre: le jeune réfugié allemand, soi-disant antinazi, harcelant la fermière d'origine juive, qui par besoin de résilience et de réconciliation avec son ancien pays, l'avait embauché. Elle s'apercevra vite qu'elle s'est trompée sur son compte et subira des persécutions - morales, non physiques, car il est trop intelligent pour laisser des preuves - dont deux scènes glaçantes rendent compte. Peters décrit parfaitement le mécanisme entre bourreau et victime, la manière dont le premier sait faire mal à la deuxième, subtilement, appuyant sur ses points faibles, et la manière dont une victime s'enfermera dans son silence, pour ne pas déranger ou pousser à la faute son entourage... Ca ne dure pas longtemps mais on est soulagé quand ça s'arrête!
On retrouve le couple d'amoureux contrariés chers au discret romantisme d'Ellis Peters. Mais on retrouve aussi le couple d'enquêteurs, pas encore composé du moine Cadfael et du sherif Hugh Beringar, mais ici de Dominic et Georges Felse, le trublion intelligent allant recueillir des indices sur le terrain et ayant les coudées franches, étant l'adolescent, et le policier, à la tête tout aussi bien faite mais contraint par ses fonctions officielles, étant son père (la police chez Peters n'est ni ridicule, ni accessoire, mais plutôt victime du système).
La réussite du couple d'amoureux dépendra bien sûr de la réussite du couple d'enquêteurs, ce qui fait mon attachement aux livres d'Ellis Peters, comme à ceux d'
Agatha Christie, car leur construction impeccable fait de la découverte du coupable, en même temps la résolution des problèmes principaux des personnages (non, la guerre n'a pas fini ses ravages et l'antisémitisme existe toujours, mais Gerd n'est plus persécutée et le village est redevenu paisible - et les amoureux sont heureux, ce qui est déjà beaucoup).
Bref j'aime beaucoup ce livre, malgré ses défauts:
- quelques phrases que je n'ai pas comprises malgré la relecture, peut-être erreur de traduction ou coquille/oubli de mot à l'impression?
- le titre "
Pris au piège" est un peu générique, et peu mémorable je trouve même si je lui reconnais beaucoup de pertinence grâce à son ambiguité: qui est (ou sont)
pris au piège? la fermière? le tué? l'assassin qui doit continuer à tuer pour camoufler son premier meurtre?
A lire pour tout amateur de whodunit.