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EAN : 9782264072795
384 pages
10-18 (06/09/2018)
4.06/5   93 notes
Résumé :
Un premier roman poignant, par une auteure injustement oubliée dans l'héritage du Harlem Renaissance, un véritable morceau de bravoure vendu à plus d'un million d'exemplaires lors de sa parution aux États-Unis, en 1947. Dans le Harlem des années 1940, le combat acharné de Lutie Johnson, jeune mère célibataire noire, qui tente de s'élever au-dessus de sa condition.

Avec La Rue, la collection " Vintage " poursuit son exploration du noir, genre aux multi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (39) Voir plus Ajouter une critique
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Enorme coup de coeur pour ce roman écrit en 1946, un livre-rupture dans l'histoire de la littérature puisqu'étant le premier écrit par une femme afro-américaine à connaître le succès ( plus d'1 million d'exemplaire vendues ) dès sa sortie , un événement dans une Amérique encore ségrégationniste d'autant que dans The Street, il n'est question que d'Afro-Américains et de leur douloureuse condition à Harlem.

La Rue, c'est la 116ème, entre les 7ème et 8ème avenues.
C'est celle des Noirs, des pauvres, celle dont on ne sort pas.
C'est celle de Lutie Johnson, mère célibataire, dont elle veut absolument sortir pour sauver son fils, une obsession qui la ronge.

Cela fait très longtemps que je n'avais rencontré une héroïne aussi marquante, une mère-courage belle, intelligente mais tellement plus que ses adjectifs clichés, une femme forte surtout qui a des valeurs et n'est prête à transiger avec la moindre même quand le piège de la Rue menace de se refermer sur elle, même quand la prostitution pourrait sembler une issue pour ne plus crever de faim.

En fait, c'est le grand roman de l'anti-rêve américain vu par les exclus. Le constat est terrible. A travers cette extraordinaire Lutie, on sent toute la douleur, la colère, la rage à se retrouver coincé dans la misère et la fatalité dans une Amérique faite pour les riches Blancs, à se sentir une proie pour les hommes qui rôdent lorsqu'on est une femme désirable.
Tous les autres personnages qui gravitent autour d'elle sont fortement dessinés et contribuent grandement à faire la Rue un univers clos et oppressant, profondément romanesque, des personnages comme sortis d'un conte terrible : Mrs Hedges, la mama proxo, défigurée, la vigie de l'immeuble insalubre où vit Lutie ; Mr Jones, le concierge libidineux et menaçant ; Boots Smith, le dandy séducteur ; Junto, le seul Blanc de l'histoire, qui règne sur le quartier ; Min, sa voisine qui recourt au service d'un mage pour ne pas se faire mettre à la rue par un homme qu'elle n'a jamais aimé.

La fin est magistrale, inattendue, déchirante, tellement radicale qu'elle m'en a coupé le souffle. J'ai refermé La Rue la rage au ventre.
Un chef d'oeuvre noir, brut et poignant.

Lu dans le cadre de l'US book challenge du groupe Facebook du même nom ( livre 2 : lire le roman d'une auteure ) https://www.facebook.com/groups/294204934564565/
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« Vous ne pouvez absolument pas voir à quoi ressemble un nègre. Vous ne le pouvez pas : un nègre n'est jamais un être humain. C'est une menace ; un animal, une malédiction, un déshonneur ou une plaisanterie ».

Et voilà, c'est dit.
Nous sommes à Harlem, dans les années 40. Dans un lieu sordide, un trou à rats, impasse de l'enfer. Saletés, cafards, cochonneries. Promiscuité abominable, violence à tous les étages, dans tous les recoins.
Les Noirs n'ont droit qu'à ça. Ils n'ont droit qu'à la haine des Blancs, à leur peur.

C'est là, dans cet antre du démon, la 116ème rue, qu'habite la jolie Lutie, mère d'un gamin de 8 ans. C'est une jeune femme courageuse, qui s'est séparée de son mari lorsqu'elle a découvert que celui-ci la trompait alors qu'elle travaillait pour des Blancs et que lui végétait, sans travail. Sort partagé par bien des femmes noires !
Son but ? Sortir de cette rue ! Sortir de ces conditions de vie effroyables. Trouver un autre lieu pour y élever son fils sereinement. Mais pour ça, il faut de l'argent.
« Quel être au monde n'aurait pas souhaité quitter cet abominable endroit ? Il n'y avait qu'un moyen : économiser. C'était un cercle infernal, auquel personne ne pouvait échapper. Les Noirs qui vivent à New York et qui n'ont pas d'argent ne peuvent habiter que des maisons comme celle-ci. Et pendant qu'ils travaillent au-dehors pour payer leur misérable loyer, la rue se charge d'élever leurs enfants. Elle leur sert de père et de mère. Père démoniaque, mère vicieuse, elle les modèle à son image. le peu de temps qu'ils lui échappent, ils n'entendent parler que d'argent ».

La prostitution ? Non ! Devenir la maitresse d'un Blanc ? Non ! Pourtant, être considérée comme un beau corps, un joli visage, voilà le lot de Lutie. Mais elle est tenace, opiniâtre. Entre la concupiscence des hommes – Blancs ou Noirs - , l'odeur immonde de la rue et des maisons, ou plutôt cages à poules, les brutes en tout genre, la misère intégrale, elle slalome. Elle lutte. Sa haine pour les Blancs ne fait que grandir...

Ce roman paru en 1946 par une auteure Noire est une bombe. Il nous explose en pleine figure. A chaque page, je me suis demandé pourquoi cette haine envers les Noirs, pourquoi cette mise au rebut, pourquoi ces soupçons continuels, pourquoi ce mépris. Pourquoi, pourquoi ?
Les points de vue adoptés par la narration sont divers, nous passons tantôt de la tête de Lotie à celle de Bub, son gamin, pour plonger dans celle du concierge, un véritable monstre, dans celle de la pauvre femme avec laquelle il vit, ou encore dans celle du riche Blanc, patron d'un bar et d'un dancing.
Alors là, on peut dire qu'on fait le tour de la question. La question noire. La question qui tue.

Merci à Babelio qui m'a proposé cette lecture en avant-première (ce roman qui avait été oublié est réédité ces jours-ci) et aux éditions Belfond pour leur confiance.
« La rue » est un roman qui marque à tout jamais.
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La rue c'est l'endroit de tous les possibles.

Dans les années 40, pour essayer de donner une vie digne de ce nom a son fils de 8 ans, Lutie Johnson loue un appartement à Harlem.
Mais cette magnifique jeune femme sait que pour y arriver il lui faudra faire des concessions. Beaucoup de travail, beaucoup de privations pour essayer de donner un avenir a son fils. Elle espère que vivre à Harlem ne sera que temporaire. Mais la rue se rappelle incessemment à la jeune femme. Entre la prostitution, les mauvaise fréquentations, les envies sexuelles du concierge, le non respect des hommes, le racisme des blancs, la jalousie des femmes,...

Ce roman est un roman noir dans tous les sens du terme. L'auteure arrive grace a son écriture agréable et fluide à nous décrire tous les travers des Hommes, de cette vie dans cette rue, de l'insalubrité des logements, des sentiments des personnages avec force et brio.
Elle arrive a nous faire garder espoir tout au long des pages et fini par un épilogue assez particulier.. j'avoue que cette fin je ne m'y attendais pas du tout.

Je remercie Babelio et les éditions Belfond pour cette très belle découverte. J'aime l'idée de rééditer ces beaux romans qui ont été oubliés par le temps.
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Descente aux enfers d'une jeune femme noire de Harlem dans les années 40.

Lutie Johnson est pourtant intelligente, ambitieuse et belle, très belle: trois qualités qui la perdront. Il aurait mieux valu qu'elle ne réfléchisse pas, qu'elle courbe l'échine et accepte sa condition. Etre Noir signifie : pas de travail pour les hommes, ménage, tâches avilissantes ou prostitution pour les femmes. Et un cercle vicieux de misère et de honte qui s'installe.

Les hommes, alors traînent chez eux ou dans la rue, boivent parfois, traficotent. Les femmes rentrent tard, épuisées, les couples s'étiolent, elles se retrouvent seules avec leurs enfants dont elles n'ont pas le temps de s'occuper alors ils rentrent seuls de l'école, ont peur du silence, traînent dans la rue, se font embrigader par de plus forts dans la délinquance, finissent en maison de correction avec un casier judiciaire qui les suivront toute leur vie.

Hors de question se dit et se répète sans cesse Lutie. Elle se promet un meilleur avenir pour elle et son fils. Cette rue dans laquelle ils viennent d'emménager n'est qu'une adresse temporaire: les enfants livrés à eux-mêmes renversent les poubelles, l'été on y dort dans la rue ou sur le perron mais l'hiver on y meurt de froid. Son immeuble n'est pas mieux: murs sales et délabrés, entremetteuse au premier étage qui relance sans cesse Lutie, et un concierge qui attend la bonne occasion pour lui sauter dessus.
Il se trouve que Lutie a eu la chance de travailler quelques temps auprès d'une famille blanche et riche et qu'elle n'acceptera pas que sa couleur de peau soit un obstacle à sa réussite.

On suit les pas de cette jeune femme courageuse en frémissant pour elle et on l'admire pour sa force de volonté, son refus obstiné de tout ce qui pourrait les avilir, elle et son fils. Pas question qu'il soit un petit cireur de chaussures, pourtant cet argent leur ferait tant de bien! Cet argent sans lequel rien n'est possible, qu'il serait si facile à gagner parce qu'elle belle, si séduisante...

Ce roman avait eu un énorme succès aux Etats-Unis quand il avait été publié, en 1946. Il s'agit ici d'une réédition de la collection Vintage Noir, de Belfond, après être passé inaperçu la première fois en 1948. Replacé dans son époque, c'est un morceau de bravoure pour une femme noire et un témoignage triste et révoltant de la condition de la communauté noire.
Tout au long du roman, on veut y croire et c'est là tout le talent d'Ann Petry.
Je remercie Babelio et Belfond pour ce roman dur et bouleversant.
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Voici un livre choc qui nous invite à partager, dans les années 40, le quotidien de la 116éme rue à Harlem, une rue réservée aux noirs, une rue pernicieuse, une rue "Où les gens étaient entassés comme des sardines dans une boîte ".

Des papiers de toute sorte l'envahissaient .
Elle était si mal orientée qu'il ne devait jamais avoir de soleil dans les appartements .........

Pouvait-on qualifier "d'appartements " dans cette rue noire et populeuse , des vieilles maisons aux fenêtres étroites ?Plutôt "de trous à rats ."........

Ces lieux sordides , loin de l'air et de la lumiére , confinés où la saleté, les immondices, les odeurs et les cafards abondaient ?
Une rue, dévoyée, synonyme de peur, de rejet, de violence et de dangers, d'espionnite aveugle, de haine, aux planchers dégoûtants , aux escaliers souvent couverts de mégots et de poussière .
C'est là que vivait la jeune et très jolie Lutie, lucide et courageuse, déterminée, Mère de Bub, un gamin de huit ans, séparée de son mari, pris en flagrant délit de tromperie, alors qu'elle travaillait pour gagner l'argent de la famille, chez des Blancs ...
Elle tentera de toutes ses forces de se battre avec intelligence, économie , honnêteté , courage , afin de s'extraire enfin de sa condition.

Elle travaille avec acharnement tout en vivant dans ce trou à rats, confiné, étroit , parquée dans cette petite surface , avec Bub, à la merci de la folie sexuelle du concierge et de ses envies , un certain Jones, furieux , violent , déchaîné , les yeux pleins de désir , qui tente de l'entraîner dans la cave, sauvée ni extremis de cette fureur inouïe , par madame Hedges, une tenancière de Bordel , au passé douloureux , toujours à sa fenêtre .......n'en disons pas plus!
Au sein de ce livre où l'impensable rejoint le sordide, l'auteur conte , avec une efficacité redoutable, une intelligence et une finesse rares, l'espèce de fatalité où les hommes et les femmes ne peuvent vivre dans la dignité sans échapper à la corruption , à des sursauts de violence et des haines inextinguibles .
Les femmes partout travaillaient pour entretenir leur famille, car, nulle part, les hommes ne trouvaient de travail..
Comme dans un cercle vicieux , ils s'ennuyaient, végétaient , sortaient , trafiquaient , les enfants restaient seuls.
C'est ce qui vieillissait prématurément les femmes : le poids écrasant du dur labeur quotidien .
Une peinture sombre, noire, poignante, bouleversante, réaliste, une analyse minutieuse et clairvoyante, qui arrache le coeur, dont on sort troublé et abasourdi, sans voix, ( comme dans les romans de la grande Toni-Morrison.)
L'exploration d'une misère sociale et humaine extrêmes, aux multiples facettes, où régnaient en maître le désarroi, l'amertume, la haine, la colère, la corruption,la fatigue , l'horreur insurmontable , l'envie, le fracas, l'horrible obsession de la chair !
Superbe , à lire sans rêver des caves ....



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critiques presse (1)
LesInrocks
13 juin 2022
Le roman est sidérant, ne laisse rien au hasard et dit tout des dangers qui encerclent Lutie, des limites qui l’entravent, d’une menace qui plane sans cesse sur elle et son enfant. Comment empêcher celui-ci de mal tourner en cédant aux mauvaises influences et autres rencontres de “la rue” ?
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Porteur ! Porteur par-ci, porteur par-là ! Garçon ! George. Hep-là, vous !
Après chaque voyage, il recevait une poignée de pièces de monnaie. Mais une montagne d’or n’aurait pas payé assez cher la honte d’être anonyme. Sans nom, cire mes souliers ! Sans nom, tiens mon manteau ! Sans nom, brosse mes vêtements ! Sans nom, porte mes valises ! Sans nom, sans nom !
Les nègres volent. Fermez vos malles à clef ! Les nègres mentent. Où est mon portefeuille ? Appelez le chef de train ! Le porteur – les nègres violent ! Couvrez-vous bien, ne voyez-vous pas comme ce nègre vous regarde ? Dieu damne ce porteur, où est-il passé ? Porteur ! porteur !
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L'univers où nous vivons présente de grands contrastes. Mais puisqu'une barrière si haute la séparait du monde de la richesse, elle aurait préféré naître aveugle pour ne pas voir sa beauté, sourde pour ne pas entendre ses rumeurs, insensible pour ne pas être effleurée par sa douceur. Mieux encore, elle aurait préféré naître idiote et incapable de comprendre quoi que ce soit, même de soupçonner l'existence du soleil, du confort et des enfants heureux.
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"Elle essaya de crier : aucun son ne sortit de sa bouche.
C'était pire qu'un cauchemar, car ici tout se passait sans bruit......
Il n'y avait que ce visage contre le sien, un visage tordu, effrayant, assoiffé de désir, la bouche béante , et ce corps tendu et moite qui la forçait peu à peu à descendre dans la cave."...
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J’ai l’impression que ma vie s’en va si vite que je n’arriverai jamais à rien retenir. Cela ne serait pas si grave si seulement je pouvais voir autre chose devant moi que ces murs hostiles prêts à se refermer.
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En descendant du métro, elle pensa qu’elle ne se sentait jamais tout à fait un être humain avant d’avoir atteint Harlem, loin des yeux hostiles des femmes blanches qui la dévisageaient dans les rues du bas de la ville ou dans le métro – loin des hommes blancs dont elle sentait les regards la déshabiller et tenter de deviner ses formes.
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