Il y a des livres qui vous projettent littéralement dans la vie de papier de personnages inoubliables. Ceux qui proposent des scènes cinématographiques qui défilent littéralement devant vos yeux. D'autres qui offrent des dialogues si forts et uniques que vous en ouvrez grand les yeux (et qui détendent vos zygomatiques). Certains qui évoquent des sujets de société qui vous touchent au coeur, avec un engagement sincère. Et ceux qui sont écrits avec une plume aussi personnelle qu'enthousiasmante.
Tous ces livres ne font rarement qu'un.
Joueuse est de ceux-là, rares.
Jouissif ! Ce troisième roman de
Benoît Philippon est jouissif de la première à la dernière ligne. Avec des pics d'émotions d'une rare intensité.
Avec
Mamie Luger, l'écrivain avait déjà créé un personnage mémorable, immortalisant une mamie de 103 ans, gravée au panthéon des personnages du roman noir (oui je suis dithyrambique, et je n'ai pas fini de l'être dans cette chronique).
Avec
Joueuse, il passe un autre cap. Il nous fait don, non pas d'un personnage qui marque de manière indélébile l'imaginaire, mais de quatre d'un coup !
J'en ressors enthousiasmé et touché comme rarement, emballé totalement.
La vie est un jeu où les cartes ne sont pas distribuées avec équité, où il faut tirer son épingle (du jeu) et donner un sens à ce vaste bazar. Trois des quatre « héros » de cette histoire sont des joueurs invétérés, tous accros au poker, mais pour diverses raisons. Leur point commun : des failles béantes dans leurs passés qu'ils tentent de colmater grâce aux cartes et à la gagne. Jusqu'à la partie ultime où ils jouent bien davantage que leur pognon.
Aucun résumé ne pourra vous laisser imaginer le flot d'émotions, d'étonnement et de réjouissances qui vous attend en entrant dans la partie. Cette histoire se vit avec les tripes et le coeur. Un écrivain qui a tous les talents et qui progresse de livre en livre de manière assez ahurissante.
Benoît Philippon sait, mieux que personne, rendre ses scènes visuelles, dont certaines sont d'anthologie. Est-ce une surprise quand on connaît le pedigree du bonhomme ? Il est aussi réalisateur de films, de films d'animation et scénariste.
Rajoutez des dialogues à tomber, drôles et poignants. Et une plume qui sait tout écrire, tout décrire, tout ressentir. La beauté et la puissance des mots, avec une sacrée verve. A la fois « à l'ancienne » (quand on savait se flinguer avec classe avec de simples mots) et pourtant résolument moderne.
Mais son exploit le plus grand est bien sa manière de façonner ces quatre personnages. Leurs cassures, mais aussi leurs aspérités qui les rendent complexes et profonds, m'auront marqué comme rarement. Sans oublier que tout est histoires de rencontres, même si elles se déroulent de manière abrupte.
Et, cerise sur le gâteau, le sieur Philippon a des convictions et s'en sert de ciment pour bâtir ses histoires. Il n'a pas attendu la vague #metoo pour se faire entendre à travers ses écrits, mais il est donc complètement dans l'actualité. Ses héroïnes sont tout sauf des victimes expiatoires, elles se battent pour leur honneur. Et les hommes de ses histoires, ceux auxquels on s'attache, défendent (ou tendent également vers) ces valeurs.
Joueuse est un livre singulier, d'une qualité rare. Intrigue, personnages, dialogues, écriture, valeurs… tout concourt à en faire un livre mémorable. Et surtout totalement jouissif !
Benoît Philippon met tellement de talent dans tout ce qu'il touche que s'en est limite indécent.
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