Quel thème passionnant que l'histoire de la destruction des bibliothèques! Et particulièrement en notre temps, où, sous des formes certes différentes, la transmission du patrimoine culturel de nos civilisations semble ne plus être aussi assurée que nous pourrions le souhaiter.
Le livre est passionnant, parcequ'il est très dense en faits particulièrement intéressants de toutes époques et toutes civilisations ; mais d'une part l'auteur aurait pu se relire, (notamment à l'occasion de la réédition de l'ouvrage en poche) car la lecture en est rendue parfois difficile par de fréquentes maladresses d'expression, voire fautes de français, sans parler des endroits où surgissent inopinément des expressions familières, et même grossières. Et ce qui gêne surtout, c'est l'option pour une approche passionnelle plutôt qu'objective, qui empêche l'auteur de replacer les faits dans le contexte des civilisations respectives, et lui fait donc courir un grand risque d'anachronisme.
On a donc en fait une collection, riche sans doute, d'informations non hiérarchisées, non problématisées, avec un auteur qui place sur le même plan des évènements et décisions qui n'ont absolument pas le même niveau de conséquences (comme des décisions, certes contestables, prises pour la gestion des bibliothèques dans des villes gérées par des élus du FN, qui sont placées au même niveau que les exactions nazies..... et l'interruption de l'abonnement à Libération sur le même plan que les destructions volontaires des bibliothèques de Pologne ou de Tchecoslovaquie avec leurs millions de livres!!)
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L'appauvrissement du vocabulaire et de la pensée qui a démarré il y a une cinquantaine d'années, et ne reviendra sans doute pas en arrière avant des lustres, est entériné par la simplification quand ce n'est pas la vulgarité des médias naguère les plus respectés. L'absence d'humour et de distance faisant partie de la règle éditoriale un peu partout, de même que cette légèreté intellectuelle que procurait une bibliothèque mentale bien garnie, un François Mauriac aurait aujourd'hui un mal fou à placer son "Bloc-Notes", pour ne prendre qu'un exemple en France, œcuménique de surcroît. La vraie vie va-t-elle se réfugier dans les revues académiques ? Il y a dans l'air comme une organisation mondiale de l'insignifiance, à laquelle chacun est ravi d'apporter chaque matin sa petite collaboration en travaillant à se montrer le moins profond, le moins subtil et le moins savant possible. Tout à l'heure on avait Donald, voici maintenant Simplet. Cette orchestration de l'existence par l'importance donnée à la marchandise idiote et au relationnel basique ne pouvait évidemment que faciliter l'entrée en scène de ce qui a toujours été en coulisses prêt à remplir le vide des esprits : la religion, elle aussi gadgétisée en ses signes extérieurs et rebaptisée "spiritualités" par le marketing... (p. 321, 'Les nouveaux biblioclastes")
Enrichir sa bibliothèque est la compulsion partagée par les maîtres du monde et ceux qui cherchent à percer les secrets du monde. Elle consiste dans tous les cas à conserver, juxtaposer les livres, encore et encore jusqu'à l'infini, à rassembler "parallèlement", comme dit le poète, l'essentiel ou le total de ce qui est dit, étudié et raconté. Au moins pour voir la taille ainsi obtenue.
Or donc la taille importe peu; une bibliothèque sera grande avec quelques poignées de manuscrits pour telle communauté, le million de titres étant l'unité de mesure ailleurs: les moines de Patmos sont aussi fiers de leurs trois cent trente livres au XIIIe siècle que la Library of Congress quand elle a dépassé les cent millions de cotes vers la fin du deuxième millénaire. Et il a même existé à plusieurs reprises des bibliothèques universelle à un seul livre, les plus difficiles à détruire comme on va le voir.
Page "11"
"Tripoli, en l'an 1080, est un riche et brillant port de Syrie, une des premières fabriques de papier hors d'Asie; des quantités importantes de livres s'y font.
On dit que la bibliothèque qui vient d'y être fondée est déjà la plus riche du monde, certains parlent de 3millions d'ouvrages, 50 000corans et
20 000commentaires, 180scribes sont payés simultanément de façon à se qu'il y en ait en permanence au moins 30 au travail nuit et jour..."
Page 102
Incantations, rêves, comptes et contes de l’humanité sont indissociables de la matière dans laquelle ils s’inscrivent. Or celle-ci va les yeux fermés vers toujours plus de finesse et de légèreté au fur et à mesure que s’écoulent les siècles. À chaque changement, elle devient plus vulnérable.
Le livre se cache dans la bibliothèque aussi sûrement que l'arbre au sein de la forêt.
… le livre est le double de l’homme, le brûler équivaut à tuer.