Erreur de casting?
Comment mon esprit cartésien a t il sélectionné ce livre proposé dans le cadre de l'opération masse critique (dont je remercie Babelio et les éditions Quanto)?
Erreur de sélection?
Pas du tout! Le titre ( et son sous titre) à lui seul laisse entrevoir que l'ouvrage ne se résume pas à un récit d'un "retour en grâce" du LSD, ou à une histoire du psychédélisme.Il est le résultat d'une enquête approfondie d'un journaliste scientifique, qui au delà d'un sujet de livre, s'est passionné pour ce thème. A tel point qu'il a tenu à vivre lui même les expériences sous psilocybine (le chapitre "carnet de bord" y est consacré).Cet ouvrage ne vise à être ni un brûlot, ni une apologie des psychédéliques.
Certes, son volume (400 pages ) ne le met pas à l'abri de quelques longueurs ou redites. Elles sont cependant vite éclipsées par l'autodérision (notamment quant à son matérialisme le freinant dans l' utilisation du mot mystique, qu'il finit par retenir ... faute de mieux: "un mot qui transpire trop le surnaturel pour moi") et un certain humour, la sincérité de l'auteur, qui admet volontiers quelques peurs, travers, ou déceptions par rapport aux expériences vécues ou personnes rencontrées. de même ses interrogations de matérialiste face au mysticisme sont rafraîchissantes: toujours septique, il remplit consciencieusement un test "Mystical Experience Questionnaire" pour déterminer s'il a vécu une expérience "mystique".
C'est à la fin du chapitre dédié aux neurosciences que l'ampleur du projet de
Michael Pollan est énoncée précisément. Il s'agit de la recherche d'une expérience spirituelle que son matérialisme solidement ancré veut soumettre à une analyse rationnelle. Plus précisément " il s'agissait pour moi de franchement secouer ma "boule de neige" afin de savoir si je pouvais réinventer ma vie mentale en y introduisant davantage d'entropie et d'incertitude... Mon objectif était de voir s'il n'était pas trop tard pour m'affranchir des sillons les plus profonds creusés dans mon esprit par mes habitudes de longue date".
Et c'est bien la l'intérêt majeur de ce livre. Les LSD et autres psilocybine sont relégués au rang d'instrument pour atteindre cet objectifs. Voire ils sont mis en concurrence avec d'autres approches comme la méditation, la respiration holotropique, le jeûne etc.Les descriptions des expériences sous psychédéliques (que le langage peine à traduire et se réduisent souvent selon Pollan à des "banalités" ou des "platitudes") sont complétées par les convergences ou contradictions avec des expériences IRMf, confrontées aux théories freudiennes concernant le moi, l'inconscient. Bergson est également évoqué.
Cela conduit par exemple à un débat intéressant quant à la pondération souhaitable d'un lâcher prise de l'ego, du cerveau (plus précisément le Mode Par Défaut ou MPD).D'un coté, comment se passer du rôle de gardien de l'efficacité qu'est l'ego et de son "codage prédictif" qui s'appuie sur l'accumulation des expériences qui lui permettent de filtrer les émotions...De l'autre, ce même ego, risque de distorde les émotions ou de les négliger en proposant rapidement une interprétation issue de l'expérience, rapide mais basée sur un nombre limité de sensations triées sur le volet.En allant un peu plus loin, les psychédéliques: source de créativité, ou au contraire retour arrière à un état primaire, de nouveau né inexpérimenté? "Simple" (mais efficace) source d'allègement des souffrances d'un malade en phase terminale, ou ouverture à un altruisme, à une fusion avec la nature perdurant après les séances de psychédéliques?
En conclusion: une lecture instructive .... et qui pousse à la réflexion.