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4,3

sur 2059 notes
Dans son carnet d'impressions, Joseph Ponthus invente une nouvelle langue, cadencée au rythme des machines qui conditionnent autant les bestioles qui traversent les lignes de production que les ouvriers qui les alimentent de leur force de travail.
Pas de rimes pour ceux qui dépriment, des vers libres pour des femmes et des hommes emprisonnés dans des vies d'automates jetables.
L'auteur, de formation littéraire, est aussi peu préparé à ces métiers pénibles que les vaches qui franchissent le portail des abattoirs. Il a quitté son métier d'éducateur spécialisé et sa région par amour, compétence d'aucune utilité sur un CV.
Il passe par une agence d'intérim, club de rencontres professionnelles sans lendemain, coups d'un soir, d'une semaine ou d'un mois et il enchaîne les expériences. Trieur de crevettes, dépoteur de grenadiers, égoutteur de tofu, pelleteur de bulots, agent d'abattoir, des intitulés presque poétiques si leur exercice ne détruisait pas le dos, si le froid des usines ne tétanisait pas les muscles et si les odeurs des abats n'engourdissaient pas les cerveaux.
Et puis, il y a eu aussi la préparation des poissons panés. Je suis alors tombé de mon confortable fauteuil Club bourgeois. Mon père m'avait donc menti quand, petit bonhomme, il me disait qu'il pêchait des poissons rectangulaires sans arêtes pour que j'accepte de les avaler, la chapelure gorgée de jus de citron… Un mythe s'effondre.
Ce roman est un journal de bord, de survie en milieu hostile, pas une enquête sociologique universitaire, genre « Prolo vue du Ciel ». Y.Arthus-Bertrand pourrait survoler pendant des heures avec son hélicoptère les usines de production, jamais il ne parviendrait aussi bien que Joseph Ponthus à décrire à la fois la souffrance au travail et la fraternité unissant ces ouvriers.
L'écriture sauve l'auteur, avec la complicité de la littérature. Sur la ligne, pour tenir, supporter le temps qui passe et la répétition des gestes, il se récite sans cesse les vers de ses poètes préférés, repense à ses classiques et masque le bruit des machines en chantonnant du Charles Trenet.
Ce texte m'a chamboulé. Outre cette vie quotidienne de l'usine si bien carnée et incarnée, certains passages sont d'une rare beauté. Je ne citerai pour l'exemple que la relation si pudique entretenue par l'auteur avec sa mère.
Je me suis moins retrouvé dans quelques envolées Zadistes, convictions parasites du livre, mais elles ne constituent pas l'âme de l'ouvrage et toutes mes pensées restent attachées à ces personnes qui exercent encore aujourd'hui ces terribles métiers.
Pourquoi n'offrir que cinq petites étoiles à cette oeuvre qui mériterait une manif de constellations ?
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Tout a été dit déjà, livre coup de coeur lu d'une traite, constitué de vers libres sans ponctuation au rythme entraînant, soutenu , surprenant , touchant qui nous happe , nous émeut...nous laisse sans voix...

Une forme originale , atypique qui consigne avec précision les gestes du travail de ces oubliés levés à l'aube , fatigués déjà, ces précaires ,ces intérimaires , ces invisibles , ces « Sans Grades »comme dirait un philosophe connu ...

Leur corps cassé , frigorifié, souffrant , exposé, ces sans grades qui travaillent huit heures par jour pour nourrir , subvenir aux besoins élémentaires d'une société totalement indifférente , sans aucune reconnaissance, ni prise de conscience ...

Ah, les cadences de l'usine ce monstre à l'indifférence crasse, les odeurs, le sang, le froid , les pleurs de fatigue .... la souffrance lancinante des douleurs musculaires ..sans compter la peur du lendemain de l'intérimaire , cette peur chevillée au corps ....les mêmes gueules aux mêmes heures , les mêmes gestes automatiques,....les mêmes questions .....

Heureusement l'ouvrier a eu une autre vie.

En plus de son journal intime , pour supporter son gagne pain mal payé et inconsidéré il convoque Dumas, Guillaume-Apollinaire, CharlesTrenet et d’autres ..

En allant à la ligne il rejoue le bonheur dominical, l'odeur de la mer , la tendresse pour la ....femme aimée.

La PHOTO en grand d'un monde qui souffre et endure, tour à tour fraternel et coléreux.
Magie d'une écriture, de mots choisis avec grand soin qui déversent sur le lecteur un trop plein d'émotions fortes !
Un bel ouvrage poétique réaliste ....qui prend aux tripes !



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Je finis à l'instant la lecture de "A la ligne" de Joseph Ponthus, et j'en ressors totalement conquise et bouleversée…

Conquise par cette écriture particulière, sans ponctuation, terriblement efficace, qui revient “mécaniquement” à la ligne - comme à l'usine - et par la puissance poétique de ce texte ; par le courage de Joseph Ponthus, son endurance et sa force intérieure ; par son humour, ses moments de révolte, de colère et son absence d'auto-apitoiement ; par sa tendresse aussi, infinie, pour son épouse, sa mère ou ses compagnons de galère ; et par sa sincérité sans effets de manche, sans artifices de langage, qui me va droit au coeur…

Conquise, oui, mais aussi bouleversée par ce qu'il nous raconte - de l'intérieur - du travail précaire et des conditions à accepter pour “gratter” quelques sous, du quotidien de l'usine, des réveils à pas d'heure, de la puanteur, du froid, du bruit, des gestes que l'on répète à l'infini comme en enfer, des charges trop lourdes, des dos qui vrillent, des corps épuisés, à la peine - esclavage moderne de centaines de milliers d'anonymes pour le profit de quelques-uns -, et de la noblesse, aussi, du travail, comme une forme d'ascèse.

Et puis, posée là comme un viatique, précieuse comme un jardin secret, il y a la littérature, les grands auteurs et les chansons, les bribes de textes et de poèmes qui accompagnent, qui réchauffent, qui donnent du sens jusque dans l'absurde, qui aident à tenir un peu, à aller jusqu'à demain, à aller à la ligne, une ligne de plus, une ligne encore, sans point final… et c'est probablement l'un des plus beaux hommages que j'ai lus, l'un des plus sincères en tous cas et des plus profonds, aux livres et à l'écriture.

Un premier roman exceptionnel et - ce qui est encore plus rare - un grand moment d'humanité. Merci, Monsieur Ponthus !

[Challenge Multi-Défis 2020]
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Joseph Ponthus est l'une des vraies surprises de cette rentrée. Sa description du monde de l'usine en une longue phrase, sorte de poème scandé sur quelques 272 pages, va vous prendre aux tripes.

À chaque rentrée littéraire, on croise quelques OVNIS, objets au verbe nouveau inimitables. En septembre, K.O. de Hector Mathis avait ainsi émergé. Pour la rentrée de janvier, c'est À la ligne qui rafle la mise. Oubliez la ponctuation et laisser vous emporter par ce long poème en prose, par le rythme imposé par ces lignes. Essayez la scansion et vous constaterez dès les premières lignes combien vous êtes plongé dans un monde qui ne vous laisse quasiment pas respirer, un monde qui cogne, qui tape, qui aliène
« En entrant à l'usine
Bien sûr j'imaginais
L'odeur
Le froid
Le transport de charges lourdes
La pénibilité
Les conditions de travail
La chaîne
L'esclavage moderne »
C'est ce quotidien que doit endurer le jeune homme qui arrive en Bretagne, ne trouve pas d'emploi dans son domaine et se retrouve contraint à accepter des contrats d'intérimaire dans des usines de transformation du poisson et fruits de mer puis dans un abattoir. le choc est rude pour lui qui est plutôt intellectuel. le rythme, le bruit, l'odeur sont autant d'agressions physiques mais aussi morales. Aux caisses de crevettes qu'il faut laver, trier, empaqueter va bientôt succéder le nettoyage des abattoirs, du sang des animaux découpés à la chaîne dans des cadences qui ne permettent pas d'éviter quelques dérapages avec l'éthique. Ni le pouvoir des petits chefs mis eux-mêmes sous pression par une hiérarchie avide de gain.
« Le capitalisme triomphant a bien compris que pour exploiter au mieux l'ouvrier 
Il faut l'accommoder 
Juste un peu 
À la guerre comme à la guerre 
Repose-toi trente minutes 
Petit citron 
Tu as encore quelque jus que je vais pressurer » 
Pour résister, il y d'abord cette solidarité entre exploités qui n'est pas un vain mot. L'imagination, les petits mots d'encouragement, les tactiques pour gagner un peu de temps, un peu d'air, un peu de liberté sont autant de soupapes qui aident à tenir.
Puis viennent les stratégies individuelles, les moyens développés par chacun pour s'échapper en pensée. Pour le narrateur, ce sont les poèmes et les chansons. Apollinaire, Aragon, Céline ou Cendrars vont l'accompagner tout autant que Trenet, Souchon, Goldmann, Barbara ou «ce bon vieux Pierrot Perret». Des chansons que l'on fredonne et qui sont le vrai baromètre de l'ambiance.
« L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire à un de ses collègues 
"Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement speed que j'ai même pas le temps de chanter"
Je crois que c'est une des phrases les plus belles les plus vraies et les plus dures qui aient jamais été dites sur la condition ouvrière 
Ces moments où c'est tellement indicible que l'on n'a même pas le temps de chanter 
Juste voir la chaîne qui avance sans fin l'angoisse qui monte l'inéluctable de la machine et devoir continuer coûte que coûte la production alors que
Même pas le temps de chanter 
Et diable qu'il y a de jours sans »
Après avoir cuit des bulots et déplacé des carcasses viendra finalement le jour de la délivrance. Mais de cette expérience il nous restera cet OVNI, comme une pierre précieuse qui, à force d'être polie et repolie étincelle de mille feux.
Lien : https://collectiondelivres.w..
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***** 5 mars 2021.... j'aurais préféré ne jamais ajouté cette note atroce. Joseph Ponthus nous a quittés très prématurément en février 2021, ayant lutté très courageusement contre la maladie... voici un lien précieux pour signaler son dernier écrit précieux, hommage à Henri Calet

voir lien : https://www.la-croix.com/JournalV2/inedit-posthume-Joseph-Ponthus-2021-03-04-1101143671

"Je ne sais qu'écrire ma vie" de Henri Calet - Préface de Joseph Ponthus / Presses Universitaires de Lyon , 2021 ]
***************************************

Une pépite totale sur un sujet pourtant abondamment traité, mais ce
récit a un ton, un rythme, une forme qui sortent de l'ordinaire, nous
prenant "aux tripes", littéralement" !

"Ce n'est pas du Zola mais on pourrait y croire
On aimerait l'écrire le XIXe et l'époque des ouvriers
héroïques
On est au XXIe siècle
J'espère l'embauche
J'attends la débauche
J'attends l'embauche
J'espère

Attendre et espérer
Je me rends compte qu'il s'agit des derniers mots
de Monte-Cristo
Mon bon Dumas
"Mon ami, le compte ne vient-il pas nous dire
que l'humaine sagesse était tout entière dans ces
deux mots : Attendre et espérer ! " (p. 18-19)

----------------------------------

Je me suis décidée à lire ce premier roman en écoutant l'auteur à une
émission littéraire... Il a dû être convaincant pour un grand nombre
de lecteurs (dont moi-même !!)... vu le nombre déjà non négligeable
des "billets" des camarades ! et il semble que cela soit bien mérité vu
l'originalité du ton et de la forme, à partir d'une expérience personnelle de
travail en usine, qui abrutit et endort les individus !...

Je transcris un extrait de la dédicace, qui est déjà des plus significatives:
Une reconnaissance pour la richesse du quotidien partagé avec les
camarades, la solidarité des ouvriers dans une précarité commune,et le soutien des mots de la littérature et de certains chanteurs "à textes"...dans des univers de travail juste "infamants", intolérables... ce livre est...

"fraternellement dédié aux prolétaires
de tous les pays aux illettrés et aux sans dents avec lesquels j'ai tant
appris ri souffert et travaillé
A Charles Trenet sans les chansons duquel je n'aurais pas tenu..."

Heureusement, notre auteur a la passion de la littérature, des textes
qui lui permettent de "tenir bon" , dans ces emplois "à la chaîne" qui épuisent mentalement et physiquement...les personnes, grignotent leur vie !!

Jeu de mots du titre... représentant doublement un terme lié à l'usine pour
dire "à la chaîne"... et le travail d'écriture de l'auteur....

La forme atypique du récit ne peut qu'intriguer, emporter ou freiner ! Pour ma part, j'y ai trouvé une musique, un rythme tout à fait prenants !

Poème en prose, sans ponctuation, allitérations nombreuses qui rendent excellemment la routine, la monstruosité des mêmes gestes mécaniques, uniformes...et une seconde de grâce dans ces enfers de l'usine, des conserveries de poisson ou des abattoirs: le souvenir d'une chanson ou d'un beau texte... et notre auteur-ouvrier s'envole dans le "baume" de mots magnifiques, qui l'aident à se sentir à nouveau, un Homme, à part entière !...


"Maman

(....)
Je sais que ma situation à l'usine t'inquiète même
si tu ne m'en parles pas de ne pas trouver de
"vrai" boulot d'avoir bientôt quarante ans d'avoir
fait des études tout ça pour ça

Je sais que tu as travaillé dur toute ta vie
notamment pour me payer l'école que tu as fait
énormément de sacrifices pour me permettre
d'avoir une bonne éducation ce qui est je crois le
cas
Peut-être pense-tu que c'est du gâchis d'en arriver
là à l'usine
Franchement je ne crois pas bien au contraire
Ce que tu ne sais sans doute pas c'est que c'est
grâce à ces études que je tiens le coup et que j'écris

Sois-en remerciée du fond du coeur (...)

Tout va bien
J'ai du travail
Je travaille dur
Mais ce n'est rien
Nous sommes debout

Ton fils qui t'aime" (p. 214-219)


J'avoue avoir appris un terme sans doute très connu, mais complètement ignoré de ma part, pour nommer "les pauvres" : "Les sans - dents " !! ...
direct , violent et imagé à l'excès ... comme l'est cet excellent roman,
successivement poétique, tendre, brutal, cru, terne comme ce quotidien dévorant de gestes toujours mêmes ,du corps qui fatigue, s'abîme.. mais surgit toujours un instant de grâce : un sourire, la plaisanterie d'un camarade, la clope savourée à la pause, les mots magiques d'une poésie, d'une chanson ou d'un texte littéraire, pour reprendre une goutte d'énergie, de suspens réparateur ...!


Je termine sans terminer ...ce billet avec ce passage très fort...Il ne peut y avoir de fin pour parler des "sans-dents", de la souffrance, de la pénibilité extrême de certains emplois, avec cette lancinante "précarité" qui abîme, épuise les individus...dans cette société en manque d'humanité et surtout de reconnaissance, de dignité dans le travail des personnes!

Cette lecture, en dépit de la dureté des expériences en usine de l'auteur, offre plusieurs lumières salvatrices : la vie, la lumière des paysages marins, l'amour de l'épouse pour laquelle l'auteur s'est retrouvé à Lorient, amputé momentanément de son travail premier , d'éducateur social, le courage et la solidarité des camarades , emportés dans la même galère que lui!


"Il y a qu'il faut le mettre ce point final
A la ligne

Il y a ce cadeau d'anniversaire que je finis de
t'écrire

Il y a qu'il n'y aura jamais
même si je trouve un vrai travail
Si tant est que l'usine en soit un faux
Ce dont je doute

Il y a qu'il n'y aura jamais
De
Point final
A la ligne "
(p. 262)

Une curiosité qui sera éveillée pour suivre avec attention cet écrivain original et percutant !
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Et voilà comment on délaisse le livre papier pour le livre numérique. On télécharge un extrait, un soir, comme ça, juste pour voir , sauf qu'on ne peut plus se détacher du récit et on achète le livre en un clic et on le lit d'une seule traite. Englouti. Goulûment.Mais non encore digéré, tellement il est génial.
Diplômé de lettres, sans emploi, Joseph Ponthus se retrouve intérimaire et catapulté dans le monde froid, métallique, mécanique, uniformisant et répétitif de l'usine. Ce purgatoire de métal sans fenêtres, aux néons blafards, aux odeurs crasses, aux pauses clopes et cafés minutées, et les gestes routiniers, harassants, abrutissants qu'il enfante, l'écrivain les subit de façon robotique avec le corps qui lâche, rompu aux douleurs aiguës.
L'usine , paradoxale, personnifiée, écrase les certitudes de l'auteur. Tantôt destructrice, tantôt « divan de psy », tantôt anxiogène tantôt substitut à l'angoisse.
Et on le suit sur ces lignes de production, au gré des embauches et débauches, travailleur à la chaîne ou travailleur social, lecteur solidaire et compatissant de la servitude de l'auteur. Mais surtout lecteur admiratif de la construction de ce « récit-ovni », de sa poésie et de sa force. Construit comme un poème moderne, sans ponctuation, avec de nombreux passages à la ligne, des phrases aérées, des mots accumulés, isolés, répétés, ce récit est aussi parsemé d'humour, usant parfois d'un langage cru et argotique. L'auteur puise sa force de résistance chez nombre d'auteurs et d'artistes.
Car oui pour s'échapper de cet univers , déshumanisé, ennuyant et ne pas devenir fou, creux, vide: il rêve, il pense, il récite, il chante. Et il écrit.
Ainsi au milieu des crevettes, poissons panés, tofu, carcasses, abats, machines…apparaissent :
Claudel, Appolinaire, Dumas, Aragon, Perrec, Rabelais, Monet, mais aussi Brel et Trenet pour ne citer qu'eux, comme échappatoire.
En filigrane il y a aussi un déchirant cri d'amour à sa mère, à son épouse et à son chien.
Un livre unique, un livre marquant, qu'il faut lire absolument, point.
A la ligne

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Paru en 2019, cet ouvrage m'avait échappé. Quelle erreur ! Parce que Joseph Ponthus est un écrivain, il raconte avec une sobriété de mots qui n'enlève rien à l'émotion, bien au contraire.

Joseph Ponthus parle du travail en usine, d'abord dans une conserverie de poisson, ensuite dans un abattoir. le travail y est pénible, insupportable, mais le narrateur n'a pas le choix, il doit bosser, coûte que coûte. Il ne trouve pas d'emploi dans sa partie et il a besoin d'argent, comme tout le monde.

C'est un seul et unique thème, même si, ça et là, apparaissent en filigrane, sa vie en dehors de l'usine, avec sa femme, avec son chien ou dans son métier d'éducateur.

Joseph Ponthus s'appuie sur son expérience, mais il ne démontre rien, ne cherche pas à théoriser. Il raconte ce qu'il a vécu et le livre en est d'autant plus puissant.
Attendez-vous à un choc parce que la syntaxe est inhabituelle : pas de ponctuation et des retours à la ligne. Chaque retour à la ligne est un petit coup de poing que j'ai reçu dans l'estomac. Alors forcément, la lecture de cet ouvrage m'a laissée éreintée.

A lire absolument

Lien : https://dequoilire.com/a-la-..
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J'ai aimé ce roman, sa construction. Il est écrit comme un slam. Des mots lancés comme des coups de poing parce que l'on ne peut pas décrire un monde dur, impitoyable avec des paroles enrobées de sucre. On entend parfois les basses d'un rap qui vous cognent en plein coeur. Pas de triche, pas de fioriture, juste du viscéral, pour restituer la réalité des bourlingueurs du bas de l'échelle.
Merci pour ce récit de société qui met en avant l'armée des petits hommes.
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Cette façon d'écrire avec, parfois, une ligne qui ne fait qu'un mot, n'est pas unique. Ce qui est plus rare c'est le contexte. L'usine, l'intérim, les cadences, la souffrance, l'odeur, le froid, l'exploitation, le relationnel, les livres, les chansons. Les mots de Joseph Ponthus m'ont marquée quand il a dit que son contrat ne sera pas renouvelé pour passage à la LGL et quand F. Busnel lui demande ce qu'il fera du premier argent qu'il touchera à la vente de son livre, il a répondu : me refaire faire les dents, parce qu'un ouvrier ne peut pas se le permettre. Ces propos étaient comme une claque sur ce lieu où de grands bourgeois friqués sont passés avant.
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« Mais tout ça en fait, on ne peut pas le raconter (…) Celui qui n'a jamais égoutté de tofu pendant neuf heures de nuit ne pourra jamais comprendre ».

Poursuite de mes séances de rattrapage avec Joseph Ponthus et À la ligne, ces « Feuillets d'usine » autour desquels j'avais beaucoup tourné à leur sortie, sans franchir le pas. Fort heureusement, la bien nommée @point à la ligne a réparé l'erreur : grâce lui en soit rendue !

Trois ans après sa sortie, tout a probablement été dit sur ce livre essentiel, ce qui m'en (vous en) épargnera le pitch. Mais pas deux-trois réflexions à la volée.

Si mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde selon Camus, est-ce que parfaitement les dire c'est en soulager la souffrance ? Voilà ce à quoi nous confronte Ponthus. Et forcément ça pique.

Parce que Ponthus nomme. Il met des mots sur ce qui pour beaucoup – moi inclus - est un concept, un aperçu de réalité voire une inconnue totale. Je ne parle pas du travail à la chaîne en usine, mais de la souffrance au travail, du corps qui crie et de l'esprit qui tente de tenir le coup, du déclassement (et pitié, pas du sentiment de déclassement !), de l'avenir limité au jour d'après, du week-end qui n'en est pas un…

« Sois sage ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille »

Vous en voulez encore ? du sommeil qui ne répare plus rien ; de la pression des casquettes rouges ; de ce qu'apporte un cursus universitaire étoffé à la cuisson des bulots ou à la parfaite trajectoire des carcasses de boeufs sur un rail d'équarrissage ; de la camaraderie vraie quand elle s'est forgée dans l'effort partagé ; de la culture enfin, universelle et transclasse.

Alors à défaut de soulager la souffrance, nommer les choses et les écrire pour en garder une trace c'est contribuer à s'affranchir de cette souffrance, tout comme Ponthus s'affranchit de sa ponctuation et des règles de syntaxe ou de mise en page. Et ce faisant, c'est un premier pas vers la liberté, ce qui est déjà beaucoup et permet de garder l'espoir, un concept accessible à tous.

Ce livre est précieux. Son auteur l'était encore plus.
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