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François Sauzey (Autre)
EAN : 9782851976000
213 pages
L'Herne (31/03/1980)
5/5   1 notes
Résumé :
Au coeur du travail poétique

T.-S. Eliot écrivait que les essais de Pound constituent la base de toute création poétique à venir. Nous savons désormais qu’il fut le ferment, l’initiateur et l’éducateur des nouvelles énergies créatrices : un formateur de poètes. Le bouleversement provoqué par le travail de Pound dans les théories et les conceptions poétiques du monde littéraire anglo-américain est tel qu’il est juste d’affirmer que deux générations de ... >Voir plus
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
CREDO [2]


Rythme. — Je crois en un rythme absolu, c’est-à-dire un rythme qui en poésie corresponde exactement à l’émotion ou au degré d’émotion à exprimer. Le rythme d’un homme doit être interprétatif, c’est-à-dire qu’il sera en fin de compte son propre rythme inimitable et qui n’imite rien.
Symboles. — Je crois que le symbole vrai et parfait est l’objet naturel, que si l’on se sert de symboles, on doit les utiliser de telle manière que leur fonction de symbole ne soit pas importune ; de sorte qu’un sens, et la qualité poétique du passage, ne soient pas perdus pour ceux qui. ne comprennent pas le symbole comme tel, ceux par exemple pour qui un faucon est un faucon.
Technique. — Je crois à la technique en tant qu’épreuve de sincérité ; à la loi quand on peut la vérifier ; je crois qu’il faut bouler aux pieds toute convention qui empêche ou rende obscur l’esprit de la loi, ou l’exacte traduc­tion de la poussée créatrice.
Forme. — Je crois à une contenance « fluide » aussi bien que « solide » que certains poèmes ont une forme au même titre qu’un arbre ou que de l’eau versée dans un vase. Que la plupart des formes symétriques sont utilisables. Qu’un très grand nombre de sujets ne peuvent être traduits avec précision, et par conséquent correctement, en formes symétriques. « Thinking that a/one worthy wherein the whole art is employed [3]. » Je crois à la nécessité pour l’artiste de maîtriser toutes les formes et systèmes connus de métrique, et je m’y suis moi-même efforcé avec entêtement, appliquant particulièrement mes recherches aux périodes où ces systèmes prirent naissance ou atteignirent leur pleine maturité. On s’est plaint à juste titre de me voir déverser mes carnets de notes sur le public. Je crois que ce n’est qu’après une longue lutte que la poésie atteindra un tel degré de développement, ou, si vous voulez, la modernité, et que cela concernera la vie même des gens qui se sont habitués, pour la prose, à Henry James et Anatole France, pour la musique, à Debussy. Je ne cesse d’affirmer qu’il a fallu deux siècles de Provence et un siècle de Toscane pour étayer le chef-d’œuvre de Dante ; de même pour les latinistes de la Renaissance et le groupe de la Pléïade ; et pour préparer les outils de Shakes­peare, une vie d’homme au moins de discours colorés. Il est d’une énorme importance que l’on écrive la grande poésie, mais peu importe qui l’écrit. Les démonstrations expérimentales d’un seul homme peuvent éviter à beau­ coup de perdre leur temps — de là cet enthousiasme que je professe à l’égard d’Arnaut Daniel — si un homme d’expérience s’essaye à une nouvelle poésie, ou se dispense avec bonheur de suivre le moindre iota de la sottise couram­ment établie, il n’agit qu’avec la plus extrême loyauté lorsqu’il note noir sur blanc ses résultats.
Personne n’écrit jamais beaucoup de poésie qui « compte ». Dans la masse, les poèmes décisifs sont rares, et quand un poète n’est pas appliqué à ces grandes choses, ou à dire ce qu’il a à dire une fois pour toutes et à ·la perfection ; quand il n’écrit rien de comparable à IloLxLÀ66pov’, &e&va- ;" Atpp6ÔL- ;a, ou bien à « Hist — said Kate the Queen », il ferait mieux de se livrer à des essais poétiques qui pourraient lui servir dans ses œuvres futures, ou servir à ses successeurs.
« The lyf so short, the craft so long to lerne [4] » C’est une folie que de com­mencer son ouvrage sur de trop faibles fondations, et c’est une chose regret­table qu’une œuvre ne croisse avec régularité et ne gagne sans cesse en élégance.
De même en ce qui concerne les « adaptations » ; il se trouve que les grands maîtres de la peinture ont toujours recommandé à leurs élèves de débuter par la copie des chefs-d’œuvre avant de se livrer à leur propre imagination.
De même pour ce qui est de « chaque homme son propre poète », plus on sait de choses sur la poésie, meilleur c’est. Je crois en chaque homme qui écrit de la poésie parce qu’il le veut ; il le faut. Je crois en celui qui sait suffisamment de musique pour jouer « God bless our home » sur un harmo­nium, mais je ne crois pas en tous ceux qui donnent des concerts ou publient leurs erreurs.
La maîtrise d’un art, quel qu’il soit, est l’œuvre d’une vie entière. Je n’essaie pas de faire de distinction entre un « amateur » et un « professionnel ». Ou alors il me faudrait souvent le faire en faveur de l’amateur, mais je ne tenterai pas de discriminer entre l’amateur et l’expert. Il est certain que le présent chaos durera jusqu’ au jour où l’Art de la poésie sera entré de force en chacun ; où il sera désormais connu de tous que la poésie est un art et non un passe­ temps ; où tous auront connaissance de la technique requise ; de la technique superficielle et de la technique de fond ; alors seulement les amateurs cesseront de vouloir noyer leurs maîtres.
S’il a été proféré quelque parole définitive en Atlantide ou en Arcadie 450 ans avant Jésus-Christ, ou bien en 1290 après J.-C., ce n’est pas à nous modernes de l’ignorer délibérément ou de ternir la mémoire des disparus en proférant les mêmes paroles avec moins de talent et moins de conviction.
Je ne me suis occupé des anciens et des moins anciens qu’à seule fin de découvrir ce qui avait été fait une fois pour toutes, et ce qui nous restait à faire. Il reste beaucoup à faire, car si nous ressentons toujours les mêmes émotions que ceux qui mirent à flot les cent navires, il est certain que nous les éprouvons différemment, à des degrés différents, et à des nuances différentes. Chaque période reçoit la même abondance de dons, mais seules certaines époques les rendent durables. On n’a jamais fait de la bonne poésie avec une technique vieille d’une vingtaine d’années, cela ne ferait que démontrer que l’auteur s’est inspiré de livres, de conventions et de clichés, et non de la vie même. Bien sûr un homme sentant le divorce entre la vie et son art peut tou­jours essayer de ressusciter une technique oubliée, s’il trouve en elle un levain ou quelque chose qui lui paraît manquer à l’art contemporain et qui pourrait rendre à cet art sa subsistance, c’est-à-dire la vie.
Dans l’art de Daniel et de Cavalcanti, j’ ai trouvé ce qui manquait chez les Victoriens, et qui, émotion ou sentiment externe, m’oblige à leur rendre hom­mage. Leur témoignage est celui de témoins oculaires, leurs impressions sont de première main.
Pour ce qui est du XIXe siècle, malgré tout le respect dû à ses réussites je crois qu’il nous faut le considérer comme un obscur gâchis, une période plutôt sentimentale, une sorte de période de manièrisme. Je dis cela sans pharisaïsme et sans suffisance.
En ce qui concerne l’existence d’un mouvement, ou ma participation à cette idée de mouvement, la conception de la poésie en tant qu’ « art pur », au sens que je donne à ces mots, revit depuis Swinburne De la révolte puri­taine à Swinburne, la poésie n’a été que le véhicule — oui définitivement, les scrupules et les façons de penser d’Arthur Symon à cet égard ne me retien­dront pas — la carriole et la chaise de poste à charrier des pensées poétiques ou autres. Et les « Grands Victoriens », mais ce n’est pas certain, et assurément la génération de « 90 » ont poursuivi cette évolution, mais en la limitant tou­tefois aux améliorations phonétiques et aux raffinements des tournures.
Mr Yeats a une fois pour toutes dépouillé la poésie anglaise de sa con­damnable rhétorique. Il a fait se perdre en fumée tout ce qui n’est pas poétique — et cela faisait beaucoup. Au bout de son existence il est déjà un classique et « nel mezzo del cammin ». Il a fait de notre langage poétique une langue sans heurts.
Robert Bridges, Maurice Hewlett et Frederic Manning sont, chacun à sa façon, sérieusement concernés par la révision de la métrique, par l’épreuve qu’ils ont faite de leur langage et de son adaptabilité à certaines méthodes. Ford Hueffer s’essaye également à diverses tentatives de modernisme. Le « Provost of Oriel » poursuit sa traduction de la Divina Commedia.
Quant à la poésie du XXe siècle, et la poésie que j’espère lire durant les prochaines années, elle ira, je crois, contre les fadaises : elle sera plus dure et plus saine, elle sera ce que Mr Hewlett appelle « plus près de l’os ». Elle sera aussi semblable au granit que possible, sa force sera dans sa vérité, dans son pouvoir d’interprétation (bien sûr, c’est toujours en cela que réside la force poétique) ; je veux dire qu’elle ne s’en laissera pas imposer par le tumulte de la rhétorique et par le désordre du luxe. Nous aurons moins d’adjectifs colorés obstacles à sa force et à son efficacité. Du moins pour moi, c’est ainsi que je la veux, austère, directe, libre de toutes les entraves de l’émotion.
Que peut-on dire de plus, aujourd’hui, en 1917 ?
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LANGAGE [6]


De toute évidence cette science ne peut s’acquérir sans la connaissance de différentes langues. Des découvertes semblables ont servi un grand nombre de races. Si l’on n’a pas le temps d’apprendre différentes langues, on peut au moins, et en très peu de temps, se renseigner sur ce que furent ces décou­vertes. Mais si l’on veut être bon juge, il faut y aller voir soi-même.

De mauvais critiques ont prolongé l’usage d’une terminologie démodée, en général une terminologie qui, à l’origine, avait été inventée pour décrire ce qui se faisait 300 ans avant Jésus-Christ, et pour le décrire d’une façon plutôt extérieure. Des écrivains de second ordre ont souvent essayé d’écrire des œuvres qui entrent dans certaines catégories ou classes encore inoccupées dans la littérature de leur pays. Si l’on passe en revue les classifications à appliquer à l’aspect extérieur de l’œuvre, ou à sa survenue, et si nous considérons ce qui se passe actuellement, disons, en poésie, nous trouvons que le langage est en charge, ou rempli d’énergie, de manières différentes.
C’est-à-dire qu’il y a trois « sortes de poésie » :
Melopoeia, en quoi les mots sont chargés, par-delà et au-dessus de leur sens naturel, d’une certaine propriété musicale, qui guide l’apport et l’orientation de cette signification.
Phanopoeia, qui est une présentation d’images sur le champ visuel de l’ima­gination.
Logopoeia, « la danse de l’esprit parmi les mots », c’est-à-dire que non seule­ment les mots sont employés dans leur sens direct mais qu’il est de plus tenu compte jusqu’à un certain point des habitudes et des usages, du contexte que nous nous « attendons » à rencontrer avec le mot, de son accompagne­ment habituel, de ses acceptations connues, et de l’usage ironique que l’on peut en faire. Elle comprend le côté esthétique qui est plus particulièrement le domaine des manifestations verbales, et qui ne peut manifestement être maîtrisé par les arts plastiques ou la musique. C’est le dernier venu des modes d’expression, et peut-être le plus délicat et le moins sûr.
La Melopoeia peut être appréciée par un étranger s’il a l’ouïe fine même s’il est ignorant de la langue dans laquelle est écrit le poème. Il est pratiquement impossible de la traduire ou de la rendre d’une langue à l’autre, sauf peut-être par un hasard divin, et jamais plus d’une demi-ligne à la fois.
Par contre la Phanopoeia peut être traduite, presque entièrement, ou même complètement. Quand elle est de bonne qualité, il est virtuellement impossible au traducteur de la détruire, sauf s’il agit de façon très grossière et en ignorant délibérément les règles bien établies.
La Logopoeia n’est pas traduisible ; bien que l’état d’esprit qu’elle exprime puisse être rendu par une paraphrase. Ou bien on peut dire qu’il est impossible de la rendre « localement », mais qu’ayant bien déterminé la pensée originale de l’auteur, il devient alors possible, ou impossible, de trouver l’expression dérivée ou équivalente.
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POUR UNE MÉTHODE [5]


Pourtant, la méthode que j’avais proposée était simple, c’est sans doute la seule qui permette de voir la chose littéraire d’un œil discipliné. A l’opposé, sont les forces de la superstition et de, la tendance. Les gens considèrent la littérature comme quelque chose de beaucoup plus flasque et incertain et compliqué et indéfini que, disons, les mathématiques. Son objet, la conscience humaine, est plus complexe que le nombre et l’espace. Elle n’est pas, cepen­dant, plus compliquée que la biologie, et personne n’a jamais’ songé à le con­tester. Nous appliquons un système de feuilles détachées dans nos classifications de manière à pouvoir séparer les articles morts des articles vivants. Dans l’étude des phénomènes physiques nous commençons par de simples mécanismes, coin, levier et point d’appui, poulie et plan incliné, tous aussi valables que lors de leur découverte. Nous procédons par l’étude des découvertes. On ne nous demande pas de retenir la liste des éléments qui composent une machine à roues latérales.
Et nous pourrions probablement appliquer à l’étude de la littérature un peu du sens commun que nous appliquons couramment à la physique ou à la biologie. En poésie il y a des procédés simples, et il y a des découvertes connues, désignées clairement. Comme je l’ai dit en différents endroits de mes essais fragmentaires et décousus, à chaque époque, un ou deux hommes de génie découvrent quelque chose et l’expriment. Cela tient en une ligne ou deux, ou dans la qualité d’une cadence ; et par la suite, deux douzaines, ou deux centaines, ou deux ou plusieurs milliers d’imitateurs le répètent, le modifient et lui ôtent toute efficacité.
Et si le maître voulait bien choisir des exemples pris dans les ouvrages qui contiennent ces découvertes, et seulement sur le plan de la découverte — qui tient à l’étendue de la profondeur, et pas seulement à quelque nouveauté superficielle — il aiderait beaucoup plus ses élèves qu’en leur présentant les auteurs au petit bonheur, et en parlant d’eux « in toto ».
Inutile de le dire, cette présentation serait entièrement indépendante de toute considération qui amènerait ces passages à faire de l’étudiant un meilleur républicain, monarchiste, moniste, dualiste, rotarien, ou autre sectaire. Pour éviter toute confusion, disons tout de suite qu’une telle méthode n’a rien à voir avec ces prétendues méthodes scientifiques qui abordent la littérature comme si c’était « autre chose » que la littérature, ou avec ces tentatives scientifiques pour subdiviser la littérature en éléments selon une échelle de valeurs inap­plicable à la littérature.
On ne classe pas la physique ou la chimie selon des catégories raciales ou religieuses. On ne met pas dans une catégorie des découvertes faites par des Méthodistes et des Allemands, et dans une autre les découvertes faites par des Episcopaliens ou des Italiens.
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Ezra POUND — Un périple américain (DOCUMENTAIRE, 1985) Un documentaire réalisé par Lawrence Pitkethly en 1985. Traduction : Adrien Nicodème (narrateur et intervenants) ; Jacques Darras, Ghislain Sartoris, Michèle Pinson, Alain Suied, Yves di Manno et Denis Roche (poèmes). Avec la présence de : Olga Rudge, James Laughlin, Alfred Kazin, Mary de Rachewiltz, Basil Bunting, Hugh Kenner, Giuseppe Bacigalupo, John Drummond, Rolando Monti et John Gruesen.
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