Je ne sais si c'est à cause de la saison, lumière diffuse, tamisée, couleurs en demi-teintes, le corps qui se replie, face au vent froid, ce même vent qui fait courber les peupliers, qui fait bruisser les feuilles gelées et bousculées. Je ne sais si c'est à cause de la musique, "A perfect circle", sombre, sauvage et douce à la fois. Je ne sais si c'est le bercement du train, filant le long des paysages frileux, sans plus de vert mais pas encore de blanc. Je ne sais si c'est dû au présent qui s'infiltre, à mon présent, chien galeux, enragé et aveugle, qui aboie sans plus trop savoir pourquoi, qui a faim, mais ne sait plus de quoi. Je ne sais pas non plus si c'est dû à ce coeur qui s'émeut pour un louveteau tremblant de solitude.
Je ne sais rien du tout en fait, du pourquoi de l'impact. Je sais juste l'impact. Cette lecture m'a éblouie. Elle m'éblouit encore. Même après l'avoir finie. Persistance rétinienne, phosphorescence, phosphène qui prend son plaisir là où y a des gènes, des similitudes. Béatitude de l'esprit qui déborde dans les veines, qui éclabousse même l'inconscient.
Les pages refermées sur elles-même, partage éternel entre elles du secret qu'elle contiennent, continuent de murmurer à mon oreille une passion silencieuse "sa marche dansante ne fit aucun bruit", "mais avec une grande fureur silencieuse", une rage à peine contenue, une folie douce et esthète, desservie par une écriture subtile et féroce, juste et dangereuse. Toujours sur le fil, tendue et sans attente à la fois, comme ces 4 personnages qui agitent la foi de Jeanne d'Arc comme étendard, qui signent leurs actes "
Arthur Rimbaud".
Jeunesse désespérée, vengeresse et aveugle, "Moi je me suicide à l'absurde. Soit j'en meurs, haché par une mitraillette, soit j'en réchappe et, de ne plus pouvoir revivre telle lumière, je serai mort le restant de mes jours." Amour inconditionnel, conditionné, réconfortant et effrayant, "Si Anna ne vient pas, je vais en dégueuler mon corps et mon âme.". Constat désabusé, "Je sens ma vieillesse s'enfoncer, s'effacer sous un sourire naissant. Cela paraît imbécile de le dire comme ça, mais je le ressens, je perds ma fliquitude. Celle-ci s'enfuit dans un grand dégoût, dans un grand absurde."
Jonglage des points de vue, l'auteur fait de nous un funambule, équilibriste des mots. "Je", "Il", intérieur, extérieur, on sait tout, on ne sait plus rien. On prend partie, on récuse. On ne peut rester indifférent. face à tant de différences, face à ce mélange des genres, si complexe, qui paraît si simple, si évident.
Maîtrise du mouvement, exécution parfaite.
Émerveillement.
(nov 2006)
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