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EAN : 9782702416532
186 pages
Le Masque (27/11/1985)
3.8/5   5 notes
Résumé :
Quatrième de couverture :
Mort naturelle ? Sûrement pas. Il y avait bien trop de cyanure dans le thé de Nounou pour qu'elle soit morte de sa belle mort. Mais de là à conclure au meurtre, il y a une marge qu'il serait imprudent de franchir. Car on n'assassine pas chez les Hilton : on est trop bien élevé pour cela.
Une famille qui a compté parmi ses membres un vice-président des États-Unis et qui fricote avec les grands de ce monde n'aurait pu engendrer un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Death & The Darling Daughters / La Mort & Les Chères Petites


Il y a très souvent beaucoup de cruauté chez Jonathan Stagge. Oh ! certes, elle n'a pas la brutalité qui s'étale sans complexe dans le polar classique et pourtant, dans son genre, elle est terrible. Les deux auteurs policiers qui se dissimulent sous ce pseudonyme n'ont pas seulement cherché à "faire" du policier et à en vendre : ils ont aussi pris comme cible la société américaine de leur époque, tout spécialement la bourgeoisie aisée ou encore, comme dans "Pas de Pitié Pour la Divine Daphné", dont nous parlerons bientôt ou la série des "Puzzle", le monde de Broadway, du cirque, du théâtre ...

Entre tous peut-être, "La Mort & les Chères Petites" demeure leur chef d'oeuvre publié sous le pseudonyme de Stagge même si "Pas de Pitié ..." arrive presque ex aequo. On retrouve le décor habituel du petit village américain où tout le monde connaît tout le monde et qui peut se targuer d'avoir vu naître une ou deux célébrités. Dans ce roman, il s'agit de Benjamin Hilton, obscur président ou vice-président américain du XIXème, qui a essaimé avec conscience et dont les descendants viennent de débarquer en grande pompe à Hilton House. En avant-garde, la fine et toujours belle Mrs Lanchester, née Hilton, l'une de ces femmes et filles de politiciens qui font les beaux jours de Washington ou de Boston. Accompagnée de ses deux filles, Rosalind et Perdita (voyez déjà les prénoms shakespeariens) qu'elle habille comme elle ferait de simples servantes et qu'elle condamne à jouer et rejouer sans cesse tel ou tel adagio sur leurs instruments de prédilection - qu'on leur a imposés, bien sûr, dès l'enfance. le tout en prévision de l'un de ces concerts familiaux qui réunira bientôt l'intégralité du clan autour de la glorieuse et indiscutée figure du Dr George Hilton, médecin, chercheur et par-dessus tout homme d'affaires avisé ; de son beau-frère, un Anglais, le Dr Kenton-Oakes, dont on ne saura jamais pourquoi il a épousé la soeur de Mrs Lanchester; Belle la Bien-Mal Nommée mais qui a au moins le mérite d'appeler un chat un chat ; Belle elle-même, qui s'enfourne des oignons crus à la cuisine avec autant d'élégance qu'apporterait sa soeur à grignoter des toasts au caviar ; Helena, la fille unique et gâtée du Dr Hilton, le tout avec le concours maussade mais résigné de leurs commensaux : le Dr Lotte Stahl, Autrichienne d'origine juive, chassée de son pays par l'arrivée d'Hitler au pouvoir, très brillante et aussi très excentrique scientifique, et le Dr Vic Roberts, beau gosse qui en a pas mal dans la cervelle malgré tout et dont George Hilton, qui le jalouse terriblement, cherche sournoisement à s'attribuer les découvertes.

Ajoutons à cela Nounou, Nounou-la-Terrible, vieille nourrice d'origine écossaise, qui clame partout que "quelqu'un" en veut à son "petit George." (Pour elle, le Dr Hilton n'a pas encore passé l'âge des culottes courtes et il faut veiller sur lui comme on veillerait sur la plus belle pierre des Trésors de Golconde.) Et aussi que Lotte Stahl, au franc-parler comiquement germanisé, est une fanatique du violon La chose a son importance car, ayant entendu jouer Dawn, la fille du Dr Westlake, elle a décrété que tout était à reprendre dans son éducation musicale et a consenti, pour la somme de trois dollars par heure, à lui donner des leçons. Tant devant la volonté impérieuse de l'Autrichienne - qui ressemble à l'un des rats de son laboratoire, s'enthousiasme Dawn - que devant celle, tout aussi implacable, de sa rejetonne, le malheureux Westlake n'a eu qu'à s'incliner.

Et c'est donc ainsi que le héros habituel de Jonathan Stagge, appuyé aux moments opportuns par le Lieutenant Cobb, le flic local, se retrouve mêlé à l'illustre assemblée hiltonienne. Nounou en effet a eu un malaise et Mrs Lanchester, ayant entendu parler de lui par Dawn, lui demande de venir consulter. de fil en aiguille, Westlake apprend, de la bouche même d'une Nounou hyper-excitable et hyper-excitée, que son "cher petit George" est en danger et que tout le monde (ou presque) veut le tuer.

Divagations d'une vieille femme légèrement paranoïaque ou qui veut se donner une importance que l'âge et ses infirmités lui ont fait perdre ?

Toujours est-il que, au retour d'un pique-nique organisé par Mrs Lanchester (ah ! les immortels pique-niques de la famille Hilton, auxquels prirent part, en leur temps, "ce cher Rudyard (Kipling)" à moins que ce ne fût le "cher Oscar (Wilde)" , on retrouve Nounou bel et bien morte, probablement empoisonnée par le cyanure que contenait la poudre à récurer l'argenterie dont elle faisait grand usage.

Mais Westlake n'est pas seulement médecin. Il est aussi coroner et, au grand scandale des Hilton-Lanchester-Kenton-Oakes, demande l'intervention de la police ...

Et ce n'est que le début ... comme le chantait l'autre. La prédiction de la vieille Ecossaise, qui aimait tant espionner "les chères petites", les dénoncer à leur implacable mère, fureter partout (sans oublier son addiction déclarée pour le thé un peu trop noir) se réalise enfin : George Hilton s'écroule, victime du cyanure lui aussi - Nounou aurait, selon Perdita, fourbi la flûte dont il jouait dans l'orchestre familial avec son fameux produit ... Là-dessus, Helena, ruisselante de larmes comme une fontaine à champagne et en pleine crise d'hystérie, s'empresse d'accuser sa belle-mère, la pauvre et niaise Janie, d'avoir assassiné son époux qui, d'ailleurs, voulait divorcer. Et ...

Mais là, je m'arrête car je vous en dirais trop. Ce roman finement ciselé, magnifiquement composé, avec une cruauté que je n'hésiterai pas à qualifier de magistrale, est à lire et à relire tant il possède, au-delà les prénoms de ses héroïnes, quelque chose d'infiniment shakespearien : les décors s'effondrent, les masques s'arrachent ou se délitent, la Vérité apparaît, hideuse. C'est bien simple : ce "cher, cher Sigmund" aurait a-do-ré ... ;o)
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] ... - "Salut ! Vous êtes le père de Dawn, hein ?"

Je sursautai. Préoccupé par mes réflexions, je n'avais pas vu une porte s'ouvrir dans le couloir et une forme mince paraître sur le seuil. Dans la voix féminine qui m'interpellait ainsi, je reconnu le même souci de détacher chaque syllabe qui m'avait frappé chez Mrs Lanchester ainsi que chez Perdita et qui conférait à leur accent une subtile saveur étrangère. La pénombre n'était pas telle que je ne puisse distinguer, dans une broussaille de cheveux blonds, l'étroit et pâle visage d'une jeune fille d'environ dix-neuf ans.

- "Moi, je suis Rosalind," se présenta-t-elle. "Une des deux enfants à problème. Maman vous a sûrement parlé de nous."

Elle poursuivit, parodiant férocement sa mère :

- "Les chères petites ... les pauvres chéries ... elles sont si timides et empotées avec les hommes !"

Rosalind n'était pas mieux attifée que sa soeur : même robe de coton informe, mêmes espadrilles éculées. Elle fixait sur moi un regard scrutateur, presque cynique et qui, s'il possédait la nuance bleu pâle de Mrs Lanchester, n'en avait en tous cas pas la douceur enveloppante.

Elle ricana, dévoilant de petites dents aiguës :

- "Mon pauvre vieux ! Vous feriez aussi bien de céder tout de suite. Vous êtes fichu."

Je souris :

- "Vous voulez dire que l'enfant problème va faire de moi l'un de ses problèmes ?

- Non, ce serait trop beau. Mais maman, oui. Vous avez déjà entendu parler de ces déesses païennes auxquelles il faut immoler leur ration régulière de mâles. Maman est comme ça. Oh, le tout se passe évidemment avec le maximum de style et la plus totale absence de sexualité ! Mais vous êtes déjà ligoté sur l'autel de ma chère génitrice. La victime de cet été."

L'étonnante fille changea de voix et reprit, en imitant à nouveau sa mère :

- "J'ai maintes et maintes fois essayé de les mettre en relation avec des jeunes gens charmants. J'ai donné des dîners, organisé des bals ... Mais, au bout de la soirée, je me retrouvais immanquablement avec ces jeunes gens sur les bras ... Je ne comprendrai jamais pourquoi ..." ... [...]
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Mais ce furent les Hilton de la génération précédente qui m'intéressèrent le plus. Leurs trois visages traduisirent - chacun à sa manière - le même sentiment, non point d'effroi et de chagrin, mais d'indignation, comme si la mort eût fait preuve du plus impardonnable manque de tact en les privant d'un membre de leur personnel domestique sans avoir au préalable sollicité leur autorisation. Je pouvais presque entendre les réflexions de Mrs Lanchester :
" Ce que la mort peut se montrer vulgaire, parfois ! Ce que tout ceci peut être ...a-mé-ri-cain! "
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...Elle m'assaillit aussitôt de questions sur les résultats des analyses effectuées par la police.
- Je vois,approuva-t-elle lorsque je les lui eus communiqués. Dans les romans policiers anglais, toujours le valet de chambre qui tue. Maintenant j'ai compris. C'est à cause de toute cette argenterie. Une terrible tentation pour les assassins.
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- Ma chère, répliqua Mrs Lanchester avec un sourire exaspérant, si tu avais voyagé autant que moi, tu saurais que, lorsqu'on habite à Rome, on compte forcément le Pape parmi ses relations.
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- Je relis Proust. Si vous saviez quels trésors d'ingéniosité j'ai déployé pour cacher ces douze volumes à maman et à Nounou ! J'adore Proust. J'y retrouve tout ce que j'ai observé autour de moi : politesse et culture à la surface,pourriture et saloperie en dessous.
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