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(01/01/1900)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Dans le bourg, au bas des collines et au bord du lac, Marie Grin ne connaît pas le bonheur, un père ivrogne, une mère acariâtre et son amoureux, le Parisien, vient de se suicider...
Marie se transforme en martyre en prenant la souffrance de ceux qui viennent la visiter et en acceptant de porter leurs maux. Ces guérisons miraculeuses déstabilisent la communauté et le père Grin, devenu prophète et organisateur de manifestations, est jeté en prison par les notab... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ma fascination pour ce romancier-poète ne cesse de se confirmer au fil des romans que j'ai lu (c'est le treizième).

Il y a la merveilleuse poésie de la narration, mais le plus extraordinaire, c'est l'écriture, à laquelle aucune autre n'est comparable., même si parfois, cela m'évoque la puissance de celle de Rimbaud.
Comment peut-on écrire ceci:
« Les grands ormes étaient beaux à voir. Leur feuillage se gonflait comme de la crème qu'on fouette. »
Ou encore, cela:
« En haut des grands vieux ormes ronds, des nuages passaient très vite, comme une débandade de jupons blancs. »

Il y a aussi la beauté mystérieuse des images, leur mouvement quasi-cinématographique, et puis le rythme incroyablement changeant, parfois calme, parfois haletant, ou même frénétique, une sorte de composition musicale.

L'histoire c'est celle d'une jeune fille de 16 ans, Marie, dont le père est un ivrogne et la mère une mégère, et dont s'éprend un homme perdu, le Parisien, qui retrouve goût à la vie à son contact, mais qui, devant les hésitations de Marie, se suicide par noyade.
Alors, après avoir connu une période de désespoir qui la cloue au lit, un changement quasi-surnaturel va se produire chez Marie et celles et ceux qui viennent la voir, car ces derniers seront guéris alors qu'elle va prendre tous leurs maux jusqu'à en mourir, et créant une effervescence populaire qui irrite beaucoup les notables et les bourgeois (ce qui dans ce village est à peu près la même chose).
Ce récit qui aurait pu être un roman catholique édifiant, dans un registre « eau bénite » un peu bêtifiant, est ici magnifié par l'incroyable manière de raconter, et puis, cette langue, magnifique.
« Trouver une langue… Cette langue sera de l'âme pour l'âme …» écrivait Rimbaud. Oui, pour moi, c'est cette langue là qu'a trouvée Ramuz
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1917 : le septième roman-poème de Charles Ferdinand RAMUZ paraît une toute première fois aux "Editions des Cahiers vaudois" à Lausanne (en 3 cahiers brochés en un volume unique) : par nécessité mais aussi par claire volonté de ciseler un "Ton neuf" à l'art littéraire, l'auteur a dû se faire éditeur deux ans plus tôt.

Procédant par défi ("philosophie de l'imprudence" que revendiquera plus tard Brel), il a fondé avec quelques amis ces fameux "Cahiers" où il a déjà publié — dans ces mêmes conditions artisanales et militantes — "La Guerre dans le Haut-Pays" (son sixième roman) en 1915.

Car depuis l'été 1914, la guerre rend très difficile la circulation d'oeuvres publiées en Suisse.

Confidentialité totale (à peu près garantie) de tout ce qui s'y publie alors... Le lectorat — si lecteurs il doit y avoir — sera donc majoritairement "suisse francophone d'obédience calviniste" : bref, très "local"...

La rédaction de "La Guérison [...]" a commencé à Treytorrens — près Cully — au cours de l'été 1914, dès le retour de Paris du romancier-poète, toujours si exigeant mais aux si faibles ressources matérielles (et l'on peut aisément imaginer ici ce qui relia exigence et grande pauvreté).

On reconnaîtra la topographie de ce "Cully-des-rives-du-Lac" dans la bourgade où demeure la très misérable famille Grin — celle-ci survivant en une sorte de "Pension Vauquer" balzacienne, mode lausannois. Le plancher s'y effriterait puis s'effondrerait si Mme Grin mère frottait un rien trop fort au caillou plat (la cire coûtant évidemment beaucoup trop cher).

En 1924, l'éditeur Bernard Grasset choisira de republier entièrement le roman, corrigé et modifié — il sera le premier des romans de Ramuz à renaître chez cet éditeur parisien.

"Ramuz, c'est comme un baume", commentait Christian Bobin.

Rien de plus juste : les "pastilles d'espace-temps" ramuziennes se succèdent et parfois se superposent en de très doux fondus enchaînés. Le Lac se tait. Les étoiles se reflètent. Un ancien ouvrier vigneron boit tout l'argent de son ménage. Mais voilà, la petite Marie Grin (16 ans) a "un don" ; d'ailleurs le Parisien qui tourne autour d'elle change, repeint sa soupente au lait de chaux, coupe sa mèche, "s'habille" et trouve un emploi à l'usine à gaz...

Les demoiselles Chappuis (Alice et Rose) commentent depuis leur balcon à colonnettes de bois peintes ; Guicherat le banquier et Bolle le notaire se révèlent — en surveillant les allées et venues de Mme Grin à l'épicerie Duport — plus "pipelettes" encore que nos deux vieilles filles solitaires, compatissantes et rêveuses — mais silencieuses — au balcon...

"Les fenêtres nous guettent..."

Au fond, "L'histoire, on s'en fout" — selon notre credo personnel de lecteur (parti-pris ou constat qui isole considérablement)... car "Y a la manière" : d'abord le STYLE... bref, cette "langue propre" qu'a inventé Ramuz. Que certains et certaines, aujourd'hui encore, n'admettront jamais...

Car tout est poésie chez Ramuz : tout, absolument tout ! Y compris la montée des marches de deux étages du Père Grin dans son logement insalubre - bien sûr à la manière chaloupée de "Charlot rentre tard" [1916] de Charlie CHAPLIN, ou de "A jeun" [1967] de Jacques BREL...

" Parfaitement à jeun
Vous me voyez surpris
De n'pas trouver mon lit ici
Parfaitement à jeun
Je le vois qui recule
Je le vois qui bascule aussi

Guili guili guili
Viens là mon petit lit
Si tu n'viens pas-t-à moi
C'est pas moi qui irai-t-à toi
Mais qui n'avance pas recule [...] "

Tragi-comédie de la vie.
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Sommes-nous au Moyen-Âge ? Car dans ce décor entre lac, vignes, forêt et montagnes, tout semble figé, hors du temps, sans signe de modernisation. Les paysans scrutent la météo, redoutant la grêle et regardant leur raisin pousser, les pêcheurs se rendent en barque sur le lac, les notables cherchent à s'enrichir, et pour cela veulent la stabilité. A l'intérieur des familles, les femmes s'occupent du ménage et des enfants, les hommes boivent pour oublier la dureté de l'existence et peuvent parfois être violents tout en aimant leurs petits enfants. La lune, elle, éclaire de façon immuable le lac, permettant les confidences des amoureux.
Un pays hors du temps donc semble-t-il, avec la poésie habituelle de Ramuz pour décrire le paysage, et sa langue subtile et délicate pour évoquer les relations humaines.
C'est dans ce paysage hors du temps que se déroule un miracle hors du temps. Un miracle laïc pourrait-on dire car, si le texte est empreint de religiosité, il n'y a pas de référence directe au christianisme, l'écriture n'est jamais appuyée ou le parallèle forcé. Marie est une martyre et une sainte, mais de sa propre religion. Elle accueille à elle ceux qui souffrent, sans prêcher, sans message même - elle ne leur souhaite que la lumière. Ses prêtresses sont des marginales, vieilles filles et prostituée.
Cela pourrait être lourd, c'est très beau, doux et lumineux, grâce à la célébration de la nature, grâce à la justesse des relations humaines. Encore une belle oeuvre de Ramuz, que j'apprécie toujours plus à chaque lecture.
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"Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses." (Sainte Thérèse de Lisieux)

Troublante parabole. Dans un petit bourg vaudois, entre vignoble et lac, la jeune Marie Grin, "à l'hérédité chargée", se métamorphose soudain en martyre et endosse les souffrances et les péchés du monde : inédie, irradiance, pouvoirs de guérison... jusqu'à la transfiguration finale.

Cantilène mystique, La Guérison des maladies -titre au prosaïsme cependant malaisant- compte parmi les oeuvres les plus accomplies de Ramuz. de la première à la dernière ligne, le romancier réinvente son écriture, l'échenillant jusqu'à la perfection : ce n'est pas tant le parcours de sa petite extatique qui fascine que la beauté épurée d'un style qui sublime le moindre tableau. Brisant la syntaxe, Ramuz subjugue par ses métaphores inouïes, son emploi des temps bigarré, son absence-présence au texte -narrateur omniscient puis témoin complice- et ses réitérations poétiques.

On se plaît à réciter cette prose hypnotique, rayon de cire dont chaque phrase dégoutte d'un miel suave. Pointilliste, Ramuz dépose taches et macules sur la toile blanche de ses visions et dépeint une spiritualité étrangement athéiste : sa fragile sainte et martyre ne se réclame d'aucun dieu et nulle figure de prêtre n'obombre cette expérience anagogique.

Sans bondieuserie donc, cette hagiographie profane subsume des croyances populaire en un chef d'oeuvre humble et fragile, puissant et charpenté.

Un évangile en papier de soie.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Fille d'un père ivrogne et d'une mère plutôt acariâtre, dénuée de beauté, la jeune Marie Grin renonce à l'amour d'un Parisien, qui se noie de désespoir. Bientôt, les villageois viennent à elle en nombre car elle a le pouvoir de guérir leurs maladies, prenant sur elle physiquement les maux dont ils sont atteints. C'est ainsi que l'aveugle recouvre la vue, mais que Marie est atteinte de cécité, que la femme qui se traînait sur des béquilles redevient ingambe, Marie ne pouvant presque plus bouger. La jeune fille accepte avec joie son statut de thaumaturge sacrificielle.
Cette inspiration mystique n'est pas celle qui me touche le plus chez Ramuz dont je préfère les romans qui dépassent le quotidien en y trouvant cependant leur ancrage.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Et il semble qu’on ne va pas pouvoir pousser plus loin. La pente devant vous devient tout de suite tellement raide qu’on est comme pendu en l’air. Tout l’espace, en une seule fois, monte du fond de son trou, vous sautant contre. D’abord, on ne ressent qu’une impression de profondeur, et le choc fait qu’on recule. Puis, peu à peu, l’étendue se construit, elle se peuple, elle s’organise ; les choses de tout côté se montrent, elles sont là partout dans leur beauté. Et on vient de très loin admirer cette vue, parce qu’il y a encore dans le bas tout le lac, toute l’immensité du lac ; et il est ridé, crevassé, taché, de toutes les couleurs ; il est d’une seule couleur et transparent comme du verre ; tellement transparent parfois qu’il semble qu’il n’y a plus de lac, et c’est comme si, par le trou percé là, on apercevait l’autre ciel, le ciel qui règne de nouveau sur l’autre face de la terre...
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Elles aussi faisaient exception à la règle, étant deux vieilles filles romanesques, qui tenaient une petite école et aimaient les fleurs et les animaux. Ces belles nuits étoilées les faisaient rêver à des choses comme si elles avaient eu vingt ans (bien plus peut-être encore que si elles avaient eu vingt ans) ; alors elles venaient s'installer sur leur galerie à colonnettes de bois peintes en gris, tout enguirlandées de jasmin, et s'y oubliaient jusqu'à des minuit, des 2 heures, assises l'une à côté de l'autre dans des fauteuils d'osier, bien emmitouflées dans des châles, les mains croisées sur leurs genoux.
Elles ne parlaient pas, rien qu'un soupir de temps en temps ; c'était assez ^pour qu'elles se comprissent. Cette petite communication d'un soupir dans la nuit suffisait, ou encore les mains qu'on décroise, son châle qu'on ramène parce qu'il a glissé. Tout au plus si, à un certain moment Mlle Rose montrait une étoile : " C'est bien Cassiopée ? " et Mlle Alice, qui était la plus savante des deux : "Non, c'est Orion " ; puis de nouveau elles se perdaient en esprit dans cet infini grenier de là-haut, où la Voie lactée semble un tas de farine ; et ailleurs on dirait que des sacs de blé ont crevé.

[C.F. RAMUZ, "La Guérison des maladies, 1917, Chapitre II - page 1130 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Tout près de la maison, il y avait le lac ; pourtant on ne voyait pas le lac de la maison : à peine si on apercevait le ciel, en se penchant par la fenêtre. C'est ces vieilles petites villes du vignoble, qui sont assises entre la pente du mont et l'eau, et la place leur est avarement mesurée, parce que la terre a trop de valeur. Une tête de Vierge sculptée se voyait encore au-dessus de la porte d'entrée.

[C.F. RAMUZ, "La Guérison des maladies, 1917, Chapitre premier, I ( incipit) - page 1117 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Ils n'ont connu d'abord que la porte s'était ouverte qu'au bruit que fit le lac qui entra ; puis la porte fut refermée et le lac se tut à nouveau.
Grin, justement, tenait un discours ; il se tut en même temps que le lac.

[C.F. RAMUZ, "La Guérison des maladies, 1917, Chapitre IV, II - page 1145 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Tout ce premier bout de chemin, elle le fit dans une obscurité profonde. Et parce qu'elle tenait la tête baissée, ce fut seulement par la couleur de la route à ses pieds qu'elle connut plus loin le changement qui s'était fait.
Mais alors elle leva la tête, et tout était tellement changé qu'elle s'arrêta. Le ciel s'était montré, la lune pendait dedans. Il faisait doux et bleu, extraordinairement bleu et doux partout, et, dans cette douceur de bleu baignait le lac, baignaient les choses. Elle se tenait là ; qui sommes-nous, sait-on jamais ? On s'est dit qu'on se dépêchera de rentrer, parce que votre mère doit être inquiète et qu'il faudra se lever de bonne heure le lendemain ; on n'y pense déjà plus. C'est une telle douceur. La fatigue s'en est allée. Cette peine qu'on s'est donnée, on voit qu'elle n'était rien ; il y a autre chose en nous. Et c'est cette autre chose maintenant qui se réveille.

[C.F. RAMUZ, "La Guérison des maladies, 1917, Chapitre III, II - page 1138 de la réédition La Pléiade, "C.F. RAMUZ : ROMANS", Tome I, 2005]
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Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

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