Édimbourg aussi a ses Journées du Patrimoine, que l'on appelle là-bas “
Portes Ouvertes”.
Pour Robert Gissing, directeur de l'Institut d'Art, bientôt à la retraite, Mike Mackenzie, riche self-made-man dans l'informatique et Allan Cruikshank, banquier d'affaires chargé d'affaires à la “first Caly”, la First Caledonian Bank, c'est un sujet intéressant discuté autour d'un scotch dans un pub du coin.
À la suite d'une vente aux enchères sans intérêt particulier, ces trois-là vont se mettre en tête de faire un casse pour le moins original… Profiter des “
Portes Ouvertes” pour se servir, non pas au sein du grand musée du coeur de la ville, mais à Granton, face à la mer, dans un immense entrepôt, où sont stockés de milliers de pièces, tableaux, sculptures, poteries, livres anciens, riches tapis, bijoux inestimables, mais inventoriés à l'occasion, c'est à dire rarement, voire très rarement.
Le modus operandi du casse relève plus du tour de passe-passe que de la grosse attaque à main armée avec otages couchés à terre, masques de carnaval et autres gadgets trop communs ; puisqu'il s'agit de remplacer des originaux de valeur par de parfaites copies remises à la bonne place, ce qui posera un problème de taille lors de l'inventaire qui suivra, puisqu'il ne manquera rien… Mais trois hommes, même motivés, c'est peu et pour mettre leur projet à exécution ils vont devoir s'adjoindre les services de quelques malfrats pas trop bien triés sur le volet mais toujours prêts à un mauvais coup pourvu que ça rapporte, avec à leur tête une brute épaisse, Chib Calloway, sorte de parrain de la pègre locale et ignare artistiquement. Quant au faussaire, rien de plus simple pour le Pr Gissing de choisir et convaincre de petit génie parmi les étudiants de fin d'année.
Hors de la série des enquêtes de l'Inspecteur John Rebus,,
Ian Rankin nous propose là un “one-shot” original sur un sujet souvent traité mais pas avec la patte de l'écrivain écossais pur malt ! Son coup de crayon pour dresser le portrait de malfrats mal embouchés, de flics tenaces et hargneux et quelques autres personnages atypiques est toujours de grande qualité. La connaissance de sa ville de prédilection, Edimbourg (faut-il le rappeler ?) lui permet de nous balader dans des quartiers que lui seul proposerait à des touristes et son écriture donne la verve qui sied bien aux dialogues des protagonistes.
Ce qui m'a plu davantage encore que la préparation, le déroulement et la conclusion du “casse”, est le récit en parallèle de l'enquête du flic Ransome, qui ne sait pas du tout où il va, mais qui y va quand même en ramassant les petits cailloux blancs, semés par nos “héros” et ignorés par les flic “officiels” chargés de l'enquête. L'intrigue est fort bien menée, certes, mais je mettrais un bémol pour les longueurs provoquées par les états d'âme de certains individus qui cassent le rythme du récit.
Bref un très bon roman avec son lot de surprises et de contretemps, raconté quasiment par les personnages eux-mêmes, et qui laissent le lecteur assez loin des enquêtes habituelles de John Rébus, et autres polars bâtis sur le thème classique du fric-frac, de l'enquête et de la trahison ou de la pièce manquante qui va confondre le coupable.
M.G.