Son 1er recueil de nouvelles où l'on trouve déjà la grande écrivaine en herbe : travail sur la forme (déconstruction de la ponctuation, prose « poétique » ; répétitions) ; et tjrs cet art formidable de dire, avec une simplicité déconcertante, des « choses » profondes, humaines, sensibles.
Ce n'est pas de l'autobiographie mais on peut parler d'autofiction car, à travers les personnages et les situations, on retrouve la Janet d' « un ange à ma table ».
Nouvelle préférée : le tigre : Janet parvient à se remettre dans la peau de la petite fille qu'elle a été
qui se nourrit d'un désir, d'une obsession ( avoir un tigre) que rien n'arrêtera et qui obtiendra satisfaction à Noël… avec un beau tigre en peluche.
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Combien les abeilles étaient grosses. Certaines semblaient avoir été piégées dans les fines gorges rouges des gueules-de-loup qui se balançaient maintenant dans le vent vers le haut et vers le bas. À l'intérieur, les abeilles marmottaient et toquaient et Ruth, assise au soleil sur les marches de la véranda, les observait. Combien les abeilles étaient grosses, et combien les gueules-de-loup étaient fines. Quand on pressait le gosier des fleurs elles suffoquaient leurs mâchoires rouges se desserrant d'un coup et les abeilles aveuglées sortaient en bourdonnant, se heurtaient à la lumière du soleil, puis bien sûr elles retrouvaient leur sens de l'orientation et établissaient leur plan de vol, et s'envolaient. Peut-être. Ruth se souriait à elle-même. Quand on était libre est-ce qu'on s'envolait toujours ?
(Gueules-de-loup)
— Tous les écrivains ont des difficultés pour écrire. Il y a toujours des moments de détresse.
Elle a baissé les yeux.
Sans être triste, effondrée, ni tenir des propos désespérés, elle était néanmoins douloureusement enfoncée dans sa solitude et je sentais dans ses silences s'agiter sa tragique pensée.
(Postface de Nadine Ribault)
Maman disait toujours partie ou bien éteinte ou bien passée dans l'au-delà lorsqu'elle parlait de la mort. Comme s'il ne s'agissait pas vraiment de la mort, seulement de faire semblant.
(Keel et Kool)
Elle marchait dans le Parc toute la journée. Elle allait et venait et tournait en rond, pieds nus sur le moelleux tapis d'herbe verte.
Je la regardais marcher, jusqu'à ce que mes yeux soient fatigués, et je pensais que je n'oublierais jamais.
Je la regardais marcher, et là j'ai compris.
Il n'y avait pas de parc, en réalité. Il n'y avait pas d'arbres, ni d'herbe. Hélène allait et venait à l'intérieur de son propre esprit. Elle ne savait pas où elle allait. Elle tournait en rond à l'intérieur d'elle-même.
(Le Parc)
Ou bien devons-nous répondre, dans notre décor ensoleillé,
avec nos rideaux verts et bleus, tondeuses, crèmes glacées,
et pourtant un quelque chose de maudit dans le bungalow ou l'abri à bateaux,
que le tourment est l'habitat naturel des êtres humains.
(Cette propriété désirable)
Une petite fille, presque adolescente, façonne un bonhomme de neige dans son jardin. Celui-ci observe à travers ses yeux de charbon de bois l'agitation humaine. Ces êtres de chair et de sang ne sont-ils pas destinés à la décrépitude et l'anéantissement ? se demande-t-il avec circonspection et un rien de pitié. En tant que créature minérale et glacée, il se sent invincible, apte à survivre à sa créatrice. Le Flocon de Neige Éternel apparaît alors pour lui expliquer la vie, la mort, celle des êtres humains, mais aussi la sienne.
Après avoir présenté sur France Inter ce conte métaphysique et poétique de Janet Frame au micro d'Augustin Trapenard dans l'émission « Boomerang » du 25 mars 2022 , Isabelle Carré lit aujourd'hui « Bonhomme de neige Bonhomme de neige » dans son intégralité en livre audio pour « La Bibliothèque des voix ».
En précommande dès le 1er août 2022, le livre audio numérique sera disponible à la vente à partir du 18 août. Retrouvez-le le 1er septembre 2022 en librairie au format CD MP3.
Le texte français, traduit depuis l'anglais (Nouvelle-Zélande) par Élisabeth Letertre et Keren Chiaroni, a paru aux éditions des femmes-Antoinette Fouque en 2020. Le conte original a été publié pour la première fois en recueil en 1963.
Directrice artistique : Francesca Isidori.
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