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3.59/5 (sur 23 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Paris , le 20/01/1964
Mort(e) le : 15/01/2021
Biographie :

Nadine Ribault est une écrivaine.

Elle commence des études de lettres à Metz qu’elle poursuit à Paris. Elle enseigne en France puis au Japon, et décide, en 1995, d’arrêter ce travail. Retirée au pied des Alpes japonaises elle écrit son premier recueil de nouvelles, "Un caillou à la mer" (1999).

Elle écrit des nouvelles, des romans, des poèmes, des essais, des carnets et réalise des collages qui ne servent qu'une unique chose : la Poésie. Son sujet primordial reste l’énigme de l’attraction amoureuse qui peut conduire, d’une seule secousse, les personnages vers la chambre du trésor.

Les nouvelles de son recueil "Cœur anxieux" (Ed. Actes Sud, 2004) ont été écrites ou achevées en Nouvelle-Zélande où elle a été la première lauréate à la résidence d’écrivains Randell Cottage à Wellington en 2002.

En 2012, elle publie ses "Carnets des Cévennes" et "Carnets des Cornouailles", aux Éditions Le mot et le reste. Ces livres inaugurent une série qu’elle appelle "Points d’Appui". En 2013, 2016, 2018 paraissent, aux Éditions Le mot et le reste, les tomes 3, 4 et 5.

Toujours en 2012, elle publie, en collaboration avec Thierry Ribault, "Les Sanctuaires de l'abîme - Chronique du désastre de Fukushim" aux Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, ouvrage qui traite de la catastrophe de Fukushima.

De 2016 à 2018, elle publie plusieurs recueils de poèmes. Son roman, "Les Ardents", est paru en 2019.

Ses voyages l’ont menée en Chine, en Nouvelle-Zélande, dans différents pays européens. Après avoir vécu 17 années au Japon, elle vit maintenant près de la mer du Nord, sur la Côte d'Opale.

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Quelques questions à propos de Les Ardents


20/09/2019

C`est sans doute l`un des livres dont vous entendrez trop peu parler en cette rentrée littéraire 2019, et pourtant : Les Ardents envoûte comme un feu puissant. L`action se situe au XIe siècle, dans un Moyen Age des plus sordides et sombres. Isentraud dirige d`une main de fer le royaume de Gisphild, avec la plus grande cruauté. Quand son fils épouse Goda, une étrangère à l`allure « romaine », la marâtre voit rouge. Pendant ce temps, le mal des Ardents (ergotisme) se répand dans la région et dévore de l`intérieur la population, alors que la guerre s`approche inexorablement. Sous des airs de conte pour adultes terrifiant, Les Ardents peut aussi se lire comme un métaphore politique dans laquelle les royaumes maudits évoquent ces gouvernements qui provoquent leur propre chute, en dépit du bon sens.

Dans Les Ardents vous développez un style singulier, peu courant chez les écrivains contemporains (et donc d’autant plus saisissant), très influencé par les contes et légendes du Moyen Age mais tout à fait accessible à un lecteur d’aujourd’hui. Vous étiez-vous déjà essayée à cet exercice avant ce livre ? Quelle était l’idée fondatrice de celui-ci ?

J’ai commencé à écrire Les Ardents il y a 15 ans, après avoir entendu parler de la légende de Godeleine qui prend sa source à Wierre-Effroi, un village près de Boulogne-sur-Mer, et s’achève à Gistel, en Belgique, au XIe siècle. L`histoire d’une jeune fille de noble famille qu’un seigneur de mœurs plus sauvages, d’origine viking, venu des Flandres Maritimes, parvient à épouser et emmener dans son piètre domaine où sa mère, prenant en haine la jeune fille dont l’allure dénonce les origines romaines, décide de la conduire au martyre. À partir de ce maigre squelette et d’un texte latin du moine Drogon plus qu’elliptique, j’ai mis un pas dans l’histoire et mon porte-plume en a rêvé les contours. D’autres personnages ont alors surgi du noir, se sont aimés, haï, sans que j’y puisse grand-chose.



Ces Ardents, ce sont les malades de l’ergotisme, aussi appelé « feu de Saint-Antoine », qui fit des ravages en Europe. En lisant ces descriptions de membres qui se gangrènent, de peau en lambeaux et de feu intérieur dévastateur, on pense parfois aux tableaux de Jérôme Bosch ou Pieter Brueghel. Au-delà des œuvres littéraires, avez-vous été influencée par d’autres arts durant l’écriture ?

Les œuvres de Jérôme Bosch et de Pierre Brueghel, bien sûr, me fascinent depuis longtemps et j’ai semé mon parcours de moments où j’ai pu laisser leur atmosphère baigner mon regard. Le retable d’Issenheim à Colmar aussi, où figure un petit ardent boursouflé et pustuleux. Les tableaux fous de John Martin ou Monsu Desiderio. Pour la musique, Wagner, Tristan et Iseult. Pour les écrivains, les écrits du Moyen Âge, les textes du XIe et XIIe siècle, comme ceux de Chrétien de Troyes, la légende du roi Arthur, les textes de Christine de Pizan, les farces, les fabliaux érotiques du Moyen Âge, Le songe de Poliphile au XVIe siècle, les romans gothiques de la fin du XVIIIe siècle, Mary Shelley, Julien Gracq, mais aussi les textes, pour moi fondateurs, comme ceux des premiers romantiques allemands et des surréalistes et des libres penseurs que furent George Orwell, William Morris, Lewis Mumford, Elisée Reclus qui demandait avec lucidité déjà : « Où fuir ? La nature s’enlaidit. » Quand on passe 15 années de sa vie à venir et revenir à l’écriture d’un même ouvrage, on a besoin de bien « manger » (où le « bien » est question de qualité plus que de quantité).



Vous présentez un Moyen Age des plus terrifiants, où la menace pèse sans cesse sur le château de Gisphild et sa région, des lieux maudits dont chacun prédit sans cesse la chute. Considérez-vous cette époque comme particulièrement sombre dans l’histoire de l’humanité, ou bien était-ce avant tout une toile pour habiller nos cauchemars ?

Les deux. Nous portons, dans notre présent, le passé de ceux qui nous ont précédés. Indéniablement, le fond sombre de l’humanité réside en chacun de nous, mais chacun ne s’attaque pas au problème de la même manière. Je voulais ne pas oublier aussi que, hommes comme femmes, certains sont des monstres de violence et de cruauté dont il faut stopper l’élan destructeur. Et ce n’est pas, comme le font certains écrits contemporains, en se targuant de pénétrer l’esprit des monstres que l’on s’en tirera le plus efficacement.



Plus que les chevaliers et autres forgerons qui parlent beaucoup mais agissent peu, les figures féminines apparaissent comme centrales et particulièrement redoutables : entre la cruelle Isentraud à la tête du royaume, Goda « la Romaine » et son suicide à petit feu, et Abrielle aux airs de sorcière. Ces femmes sont ambivalentes et complexes : quelle relation entretenez-vous avec vos personnages ?

Une relation puissante, car, au fur et à mesure que l’écriture avance, le personnage surgit d’un ailleurs emprunt d’ivresse dont j’ignore absolument tout. Femmes, hommes… ce sont des êtres humains avant tout qui, confrontés à la violence autant intériorisée qu’extériorisée, effectivement peuvent s’avérer complexes et ambigus. Cependant, si je porte de l’admiration au personnage d’Abrielle, ce n’est pas parce qu’elle est une femme, mais parce qu’elle ne se détourne jamais de ce qu’elle est et de ce qu’elle cherche. Du début à la fin, elle reste la même et son amour pour le chevalier sert la même cause que toujours : détruire le despote, se rire de son ridicule et lui opposer un bouleversement total de l’ordre des choses.



Depuis le titre Les Ardents jusqu’à la toute dernière phrase, le feu s’impose comme l’élément dominant du livre. Il réchauffe mais tue aussi à petit feu les malades, de l’intérieur, consume les amoureux et anime les amants… Quelle était votre intention en le mettant ainsi, partout et tout le temps, en action ?

Pas de vie sans ardeur, à mes yeux. Vivre et chercher l’ardeur de la vie, c’est une unique et même chose. L’amour ardent se nourrit du grand refus de ce monde tel qu’il est. Ce n’est pas une fuite. C’est un face-à-face avec soi-même, en même temps qu’un instrument de résistance. Basculer dans ce qu’il y a de plus grand, au risque de s’y abîmer, comme le font Abrielle et Bruny dans Les Ardents, c’est l’action suprême à laquelle vise toujours un amour digne de ce nom.



Au fond, la guerre paraît ici un danger dont on parle beaucoup mais qu’on pratique peu, qui se révèle beaucoup moins meurtrière que les forces de la nature. On pense notamment à ce terrible hiver que vous décrivez… Etait-ce une manière de donner une possible revanche à nos écosystèmes aujourd’hui menacés par l’activité humaine ? Ou plus simplement l’envie de laisser deviner sa puissance ?

Avant de répondre à votre question, juste une précision : le monde des Ardents est un monde en guerre, comme le nôtre aujourd’hui. La guerre est là, à l’horizon, pendant tout le roman et quand il se clôt, elle envahit le domaine de Gisphild. Elle sera, à n’en pas douter, meurtrière. Et donc, oui, c’était une manière de parler de la destruction de la nature et du paysage, figés dans les glaces de l’effroi. Parce que la poésie, la nature et le paysage me sont chers, j’entretiens avec la description, dans mes lectures, dans l’écriture de mes carnets, mes romans, mes poèmes, un lien puissant. L’industrialisme a toujours été et reste, à mes yeux, un assassin de paysages. Or, quand le paysage est détruit, le moi s’anéantit. La nature n’est même plus menacée, ce stade est largement dépassé, elle est d’ores et déjà, pour grande partie, amputée de ses trésors. Plus l’homme, lors d’un désastre, est touché, plus ce dernier est considéré comme un désastre, ce qui implique le dédain grandissant pour les désastres effroyables qui ne touchent que la nature (pollution des mers, des océans, des terres, des sous-sols, déforestation, etc). Face à l’homme désormais, la nature semble toute petite et très fragile, ce qui est un comble quand on y songe bien et va à l’encontre de ce que considéraient les peuplades primitives. Ne faisant pas grand cas de ce problème majeur, certains ont d’ores et déjà préféré tourner les talons vers le cosmos et ses planètes envoûtantes, fourbissant à frais mirobolants les armes pour le grand transbahutement à venir, nouvel objectif pour les irréfragables et toujours mêmes amoureux de la gloriole qui ne jurent plus que par la conquête de l’espace extra-terrestre où il s’agira de vivre tout sauf « humainement ».



Inis le Chevrier : « Le propre des Ardents, murmura-t-il, c’est qu’ils ont absorbé Satan. Nouvelle vérité, nouvelle engeance, flamme ardente, soufre chaud. Leur breuvage, sans faille, les conduit à la révolte puis aux funérailles. » Baudime l’Ardent : « Ce ne sont pas nos idéaux qui doivent voler en éclats, ce sont les têtes des bourreaux. » Après avoir lu ça, on peut difficilement contourner la métaphore (ou la parabole) politique du livre. Aujourd’hui, qui seraient les Ardents selon vous ?

Les Ardents d’aujourd’hui, ce sont ceux qui mènent leur lutte à l’action. L’industrialisme a jonché la planète de désastres plus tragiques les uns que les autres. Ceux qui prennent les décisions qui mènent au désastre doivent être stoppés net par quel que moyen que ce soit. Leur dramatique approche du monde ne peut se poursuivre. Les Ardents d’aujourd’hui ce peut être des poètes, des voyants, des éclaireurs de chandelle dans la nuit de l’hiver, comme Annie Le Brun. Ce peut être des essayistes actifs comme René Riesel, qui participait à la révolte de 1968 et aux destructions de champs d’OGM plus tard, et Jaime Semprun qui, créant les Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances a consacré sa vie à mettre au jour ces nuisances. Ce peut-être également tous les anonymes qui forment les black blocs qui, comme les ikki au Japon, au XIVe siècle, défendaient le principe de la mort du système par mille entailles. On adhérait au groupe de manière libre. L’égalité y était entière entre des membres n’appartenant à personne. Leur fronde était paysanne. Aujourd’hui, la fronde doit être anti-industrielle. Ce n’est ni une révolte de jeunes paumés, ni un activisme « citoyen ». On n’y fait pas de l’impuissance un programme, mais de la puissance de l’ardeur un point d’appui où planter le pieu qui fera dérailler la machine. Ils ont une vue poétique du monde tel qu’il devrait être et, libres ou prisonniers, n’en démordront jamais.



Quelques questions à propos de vos lectures


Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?

Les Hauts de Hurle-Vent, d’Emily Brontë.



Quel est le livre que vous auriez rêvé d’écrire ?

Melmoth ou l`Homme errant de Charles Robert Maturin.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Arthur Rimbaud.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Les chants de Maldoror, me semble-t-il.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

S’il m’arrivait, par malchance, d’éprouver la honte de ne pas avoir lu un livre, je le lirais aussitôt, mais j’ignore ce sentiment.



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Anthologie de l’amour sublime de Benjamin Péret et sur ce poète, Benjamin Péret, l’astre noir du surréalisme de Barthélémy Schwartz paru chez Libertalia. Mais chaque lecteur fait son chemin individuel en fonction de ce qu’il est, différent des autres, raison pour laquelle les injonctions médiatiques pour que toutes et tous lisent la même chose sont intolérables. La perle méconnue ne le reste pas de celui qui se met en quête de la trouver.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Qu’est-ce qu’un « classique » de la littérature ?



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

Je peux choisir une citation dans le livre que je lis aujourd’hui et que je vous cite à la question suivante, et qui pourrait devenir une citation fétiche : « La forme de gouvernement qui convient le mieux à l’artiste est l’absence totale de gouvernement. »



Et en ce moment que lisez-vous ?

L’homme et son âme devant la société, écrit par Oscar Wilde, publié par Jean-Jacques Pauvert en 1971. Les « Tyrannies industrielles » envisagées par Wilde comme futur possible, sont désormais notre quotidien à combattre, quelle que soit la crainte désespérée que nous ayons de ne pouvoir rien y changer.



Découvrez Les Ardents de Nadine Ribault aux éditions Le Mot et le Reste




Entretien réalisé par Nicolas Hecht


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En quête de bons livres à lire ? Découvrez l?actualité de Babelio et les livres du moment en vidéo. En octobre, les éditeurs et libraires spécialisés organisaient comme chaque année le Mois de l?Imaginaire, opération visant à promouvoir la littérature de genre et plus particulièrement la science-fiction, la fantasy et le fantastique. Dans cette vidéo, on vous propose de visiter avec Vincent Ferré la gigantesque exposition JRR Tolkien à la BnF, soit plus de 1000 m2 consacrés à l?auteur du ?Seigneur des anneaux?, à travers des centaines de documents rares. Retrouvez aussi tous les contenus publiés en octobre et novembre 2019 sur Babelio liés aux littératures de l?imaginaire, ainsi que la dernière partie de nos interviews d?auteurs de la rentrée littéraire d?automne. 0:14 Reportage sur l?exposition Tolkien à la Bibliothèque nationale de France, Voyage en Terre du Milieu L?événement : https://www.bnf.fr/fr/agenda/tolkien-voyage-en-terre-du-milieu Notre reportage complet : https://www.youtube.com/watch?v=FyIt92Pcg2o JRR Tolkien sur Babelio : https://www.babelio.com/auteur/JRR-Tolkien/3993 5:56 Mois de l?Imaginaire : nos articles et vidéos 5 romans de l?imaginaire conseillés par un libraire : https://babelio.wordpress.com/2019/10/01/5-romans-dimaginaire-pour-retourner-vers-le-futur/ 5 BD de l?imaginaire conseillées par un libraire : https://babelio.wordpress.com/2019/10/22/5-bd-a-decouvrir-pour-le-mois-de-limaginaire/ 5 livres jeunesse d?imaginaire conseillés par une libraire : https://babelio.wordpress.com/2019/10/30/5-livres-jeunesse-a-decouvrir-pour-le-mois-de-limaginaire/ Notre interview d?Eric Marcelin des éditions Critic : https://babelio.wordpress.com/2019/10/11/quand-babelio-rencontre-les-editions-critic/ Notre interview de Rodolphe Casso pour ?Nécropolitains? : https://www.babelio.com/auteur/Rodolphe-Casso/410175#itw 5 livres qui vont vous faire aimer la SFFF : https://www.youtube.com/watch?v=DJcuitpqQMI 8:23 Dernière partie de nos interviews d?auteurs de la rentrée littéraire d?automne 2019 Sofia Aouine : https://www.babelio.com/auteur/Sofia-Aouine/513957#itw Kevin Lambert : https://www.babelio.com/auteur/Kevin-Lambert/444294#itw Olivier Adam : https://www.babelio.com/auteur/Olivier-Adam/5708#itw Nadine Ribault : https://www.babelio.com/auteur/Nadine-Ribault/186037#itw Felix Macherez : https://www.babelio.com/auteur/Felix-Macherez/514159#itw Adam Bielecki : https://www.babelio.com/auteur/Adam-Bielecki/518334#itw Abonnez-vous à la chaîne Babelio : http://bit.ly/2S2aZcm Toutes les vidéos sur http://bit.ly/2CVP0zs Suivez-nous pour trouver les meilleurs livres à lire : ?Babelio, le site : https://www.babelio.com/ ?Babelio sur Twitter : https://twitter.com/babelio ?Babelio sur Facebook : https://www.facebook.com/babelio/ ?Babelio sur Instagram : https://www.instagram.com/babelio_/

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Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Bienheureuse en effet, celle qui a eu faim, soif, celle que l'on a fait souffrir, bienheureuse, oui, celle qui a crevé et caché son tourment, ses larmes, sa douleur pour éviter à autrui certains désagréments.(...)Car, si vous voulez le savoir, notre jeune dame ne devrait pas être pleurée comme vous le faites, mécréants ! Vous devriez danser au pied de sa couche. Car, au lieu de se protéger, elle a œuvré à disparaître. (p151)
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Ceux qui avaient attrapé cette maladie, un beau matin, sombraient dans la mélancolie et l'accablement. Ils voyaient la première tache sur un membre qui s'étendait, noirâtre, brûlante et puante. Ils cessaient de sentir le bout de leurs doigts et entendaient des voix. La gangrène s'installait. Ils sentaient la chaleur les cuire et l'étisie s'annonçant, leur peau commençait à partir. (p92)
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(...) tu négliges aussi qu'être au pouvoir, c'est veiller à un si subtil équilibre qu'un grain de poussière suffit à le rompre. Il n'est pas facile de régner. Il faut surveiller, espionner, douter de tous et tuer et tuer encore. Voir mourir satisfait mon œil le plus souvent, mais il arrive , parfois, que devoir tuer soit fatigant. Or, on ne peut régner sans tuer. Ta révolte n'entraînera pas ce que tu crois, certainement pas la fin de qui tu crois, mais d'autres, plus proches, indispensables (p188)
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Au squelette d'autrui, Isentraud, dame de Gisphild, être sans pitié, aiguisait ses canines. Au cœur faible, elle opposait le mur de son mépris. A l'esprit retors, elle réservait la torture puis une cellule sombre jusqu'à ce que mort s'ensuive. Au fauteur de troubles, elle désignait la place publique où le spectacle d'une pendaison ou d'une roue rappelait l'intérêt et suscitait le goût de la soumission.(p9)
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Au loin, le long corps de la mer brillait d'un flot de soleil couchant, métallique, aveuglant et devant de soleil qui penchait de fatigue, des barques effleuraient l'eau de leurs coques ventrues. Une jonchée d'oiseaux s'envolait. Vague par vague, au jusant, la mer s'épluchait et les euphorbes que cueillait parfois la jeune fille dans les dunes, fleurissaient.(p190)
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Cela fait longtemps que la catastrophe du 11 mars 2011 ne fait plus la une des chaînes d’infos et des journaux, sauf à la date anniversaire, et Nadine et Thierry Ribault écrivaient déjà en 2012, qu’elle avait « le caractère abstrait d’un évènement historique ». Juste un fait historique. Un de plus.
Pourtant, l’enfer nucléaire continue. Le 13 avril dernier, le gouvernement japonais annonçait sa décision concernant la gestion des eaux contaminées qui s’accumulent : elles seront bientôt rejetées dans l’océan.
C’est une bonne raison de se (re)plonger dans la lecture de ce livre revigorant paru un an après la catastrophe, dont le titre reprenant des mots du poète Friedrich Hölderlin, les sanctuaires de l’abîme, tristement toujours d’actualité : « nul ne veillera les défunts sous peine de succomber », car rien sur place n’est résolu comme on voudrait le faire croire.

Cette énergie nucléaire, hydre à deux faces, atome de guerre et atome de paix – comme le disait sans rire l’américain Eisenhower - est le pur produit de la société que nous avons créée. D’abord, incident, puis accident, la catastrophe du 11 mars 2011 recevra le 1er avril 2011 son nom officiel : le Grand séisme de l’Est du Japon.

Nadine et Thierry Ribault rappellent plusieurs faits que je ne développerais pas : la gestion qui se met en place dans les premiers jours (on tait les infos par peur de la panique, par peur de voir partir des habitants dont il faudrait s’occuper) ; les liens du monde nucléaire avec les yakuzas ; une catastrophe est un terrain d’expérimentation car les affaires restent les affaires ; ou encore, la propagande de l’industrie nucléaire et son négationnisme !

Je vais juste insister sur deux points.
1. Ce que pointent les auteurs, c’est l’auto-persuasion récurrente. On parle pour ceux qui sont intervenus pour réparer et gérer ce qui pouvait encore l’être, « de loyauté, de sacrifice, de dévouement et d’héroïsme… Le mythe est forgé de toutes pièces dans le cadre de la gestion publique du dévouement individuel ». Pourtant les « héros » sont bien démunis, tant cette main d’œuvre est peu qualifiée et peu exigeante en matière de conditions de travail (ce dont ont bien profité les opérateurs d’électricité avec la complicité des yakuzas fournisseurs de services).

De même, « les habitants sont désorientés, paniqués et incapable d’envisager une évacuation pourtant vitale ». Dans cette région l’entreprise Tepco s’est toujours occupée de tout, et les gens s’y étant tellement habitués, n’aspirent qu’à retrouver leur vie d’avant ; les autorités japonaises n’auront de cesse de faire croire à une feuille de route (de gestion de la catastrophe), comme si cette gestion était possible !

Les auteurs interrogent et ironisent sur la volonté de ne pas montrer les cadavres : « peut-être cette éclipse dans les ruines avait-elle pour utilité d’éluder l’association d’idées avec les effets de la radioactivité, qui doit rester aussi abstraite qu’elle est invisible. Mieux vaut exhiber des tableaux de désolation n’abritant ni vivants ni morts, des « non-lieux » comme en rêvent les amateurs de surmodernité ou, mieux encore, des lieux de mémoire ». C’est en fait une fausse harmonie, une fausse symbiose, que celle louée par les japonais. On verra ce qu’elle donnera, le rejet et l’ostracisme dont sont victimes les déplacés de la catastrophe !

Les auteurs vous l’aurez compris n’aiment guère les clichés et les réductions permettant aussi aux médias occidentaux d’appréhender cette catastrophe, avec la grille de lecture habituelle faites de poncifs sur ce que seraient le Japon et le comportement de ses habitant-es. Beaucoup de commentateurs n'utilisent que des stéréotypes pour éclairer cette tragédie. Pour les auteurs, en appeler constamment à l’impermanence, à la fragilité de l’existence n’est « qu’un consentement à l’ordre des choses ». Rebondir, remonter la pente, avec dignité, espoir sont des mots entendus et qui font sourire, et même rire. Le Japon est désenchanté, une société vide de sens et qui traverse une crise morale : «le système japonais qui cherche la croissance illimitée ne respecte pas les droits de la personne et il se moque éperdument de la planète. Le pouvoir est entre les mains de menteurs incompétents et irresponsables » (propos de l’historienne Miho Matsunuma citée par les auteurs).

2. Ce que montre en parallèle les auteurs, c’est d’un côté la gestion étatique et de l’autre la mobilisation de la société civile à travers de nombreuses initiatives car les habitants ont vite compris – ou savaient déjà - que : « le gouvernement ne fait pas ce qu’il doit faire, nous allons donc le faire nous-mêmes ».

Ainsi, le projet 47, en référence aux 47 départements du Japon, qui réunit des fonds pour organiser l’évacuation des sinistrés et acheter des appareils de mesure. L’objectif étant l’auto-évacuation. L’état se garde bien d’inciter les gens à évacuer des zones dangereuses (il a même rouvert les écoles !), alors qu’ils le fassent d’eux-mêmes : « il nous faut maintenant faire face au simple énoncé des faits, nous organiser et prendre nos propres décisions » (Wataru Iwata parti aider sur place dès les débits de la catastrophe).

Mais, très vite, face à cette contre-expertise civile, il y a une bataille de la mesure et de l’information : pour les autorités, contrôler les données de connexion à internet, et bâillonner. Mais cette « restriction volontaire » de la parole que dénonce un citoyen venu aider sur place, existe aussi sans arsenal juridique : dans cette région rurale touchée par le séisme, les habitants se sont habitués à l’aide des opérateurs comme Tepco. On s’habitue à tout, même à se taire.

Mais tous les japonais-es ne se taisent pas, et ils descendront longtemps dans la rue pour le dire, pour ce qui sera l’un des plus grands rassemblement anti-nucléaires du Japon. « Seules les manifestations contre les bases américaines d’Okinawa avaient atteint une telle ampleur dans un passé récent ».
Les rapprochements qu’opèrent les auteurs avec la tradition des ikki (communautés à l’adhésion volontaire et au fonctionnement non hiérarchique) sont plus qu’intéressants, et montrent, à côté par exemple des mouvements luttant contre la pauvreté, qu’il existe au Japon, loin d’être connu pour cela, des actions de transformation du système social.
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Brûlants de frénétiques découvertes, pénétrant d’un coup les entrailles de leurs âmes respectives, ils firent de leurs corps les voies du devenir, enlaçaient à leurs doigts les rubans de la ferveur.
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Toshitsuna Watanabe, le maire d'Ôkuma, bourgade désormais déserte, sur le territoire de laquelle se situe la centrale de Fukushima Daiichi, déclarait récemment :"La ville peut devenir une base de recherche nationale sur l'exposition aux faibles rayonnements et sur les technologies de décontamination. Je veux que cette expérience horrible soit transformée en quelque chose de positif." L'édile peut calmer ses inquiétudes : si l'on en croit les prévisions, le marché mondial des services et équipements de décontamination nucléaire et biochimique doublera entre 2010 et 2014, passant de 210 à 430 milliards d'euros. On voit ainsi se dessiner les contours d'un "business de la zone limitée" (l'expression est de Christian Pose), où les instituts de recherche, les sociétés de surveillance et de sécurité, sans oublier les banques et les compagnies d'assurances, pourront en toute légitimité étancher leur soif de rentabilisation des catastrophes.
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Contrairement aux fausses évidences, la nucléarisation du Japon a bel et bien été l'effet d'un choix délibéré. Le développement industriel nucléaro-centré qui en résulte fait que, si le produit intérieur brut de l'archipel est appelé à chuter de 1,4% en 2012, même en exploitant à pleine capacité les centrales thermo-électriques, il chuterait de 2,2% supplémentaires au cas où l'ensemble des centrales nucléaires du pays seraient arrêtées. Selon l'économiste en chef du Centre japonais pour la recherche économique, "la crise de la centrale de Fukushima n'est pas une simple question d'énergie. Il s'agit d'un problème à moyen et long termes pour l'économie". Dans la perspective d'u hypothétique renoncement au nucléaire, c'est moins l'accroissement induit des gaz à effet de serre qui tourmente les économistes japonais que la menace de voir fondre la "richesse nationale".
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...après seulement, on envoyait les charognards, les faux justiciers, les faiseurs de mythes, les moines, après que l’esprit fut rendu fou, l’âme abîmée, la vie gâchée, le corps légendée, la couleur passée, après le décrépissage et l’impitoyable décapage. On chantait le martyre. On fabriquait le mythe.
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