Merci à Masse Critique et aux éditions ErickBonnier pour l'envoi de ce livre.
Je tiens toutefois à préciser que je pensais avoir choisi un autre livre...
Quel ne fut pas mon étonnement en constatant le titre qui me serait envoyé. le Manifeste du bien-manger n'appartient pas en effet aux types de livres que je lis habituellement.
Est-ce une erreur de Babelio ou ai-je coché par inadvertance, peu importe, j'ai reçu le livre, j'en ferai donc la critique !
Véronique Richez-Lerouge est ici un véritable procureur, elle livre une attaque virulente contre l'industrie agro-alimentaire, accusée de tous les maux.
Sa diatribe est forte, elle relate les divers scandales alimentaires que nous avons récemment connus : la crise de la vache folle en 1996, le scandale du poulet à la dioxine en 1999, le lait contaminé à la mélanine en Chine en 2008, les oeufs au fibronil en 2017, les laits infantiles 1er âge de Lactalis entre nombre d'autres crises alimentaires.
Quels sont les griefs de cette industrie agro-alimentaire ? Ils sont nombreux, l'auteur nous les expose avec beaucoup de conviction, elle cite nommément les entreprises fautives (Monsanto, Nestlé, Lactalis,...), les produits transformés (Babybel, les confitures Bonne-Maman, ...), et leurs complices : les chaînes de distribution (Supermarchés, ... ), les chaînes de restauration rapide (Pizza Hut, Léon de Bruxelles, Starbucks, Paul,...), les programmes de télévision qui ne privilégient pas les circuits courts et la qualité des produits (Meilleur pâtissier, Top Chef,...), de grands noms de la gastronomie française (même Bocuse et Troisgros figurent parmi les prévenus...).
L'ouvrage fourmille de chiffres et de statistiques alarmantes, il est extrêmement bien documenté !
Parmi ces griefs citons :
- l'abandon d'une agriculture classique pour la remplacer par une course à la production. On parle rendement et finances plutôt que de s'intéresser à ce qui figure dans nos assiettes
- L'utilisation de pesticides (la France en est le troisième pays utilisateur au monde).
- L'utilisation de semences traitées
- La mauvaise alimentation donnée aux animaux et les souffrances qui leur sont infligées
- La baisse énorme de la qualité nutritive des aliments qui a des impacts sur la santé et qui est responsable de l'augmentation des intolérances alimentaires (au gluten, à la lactose par exemple), de certains diabètes et cancers.
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Certes, des voix s'élèvent mais elles sont trop faibles encore. Des recommandations sont distillées au public «Mangez cinq fruits et légumes par jour » mais sans s'attacher à la qualité de ceux-ci, « achetez Bio» mais sans définir correctement ce que cela représente... d'où l'on voit que le Bio devient également un outil de marketing pour les grandes enseignes. Nestlé et Danone soutiennent les démarches autour de la nutrition et de la naturalité, mais on met sur le même pied tous les produits, on parlera du taux de sucre, des divers ingrédients mais sans faire de différence entre un produit industriel standard et un produit naturel, sans avoir défini au préalable les paradigmes.
Certes il y a des règles mais elles privilégient hélas l'agriculture intense (l'Europe ne vient-elle pas d'autoriser le camembert au lait pasteurisé). Au nom de ces règles, on préférera dans nos écoles, traiter avec Sodexho abandonnant la cantine de notre enfance.
Il y a des organismes de contrôle et des qualifications AOP mais que valent ces contrôles si l'industrie agro-alimentaire fait partie des ces organismes...
Ces grands groupes se faufilent partout et également dans les filières du paysan à l'assiette.
L'agriculture faisait bon ménage avec l'alimentation avant que Le France n'opte pour une agriculture industrie de pointe.
Les paysans ont été incités à transformer leur ferme en usine. Tout a suivi hélas, l'utilisation de sélection génétique, de semences industrielles, la disparition des commerces de proximité au profit des supermarchés, les gaspillages alimentaires, les enfants ne savent plus que le lait vient de la vache...
La faute est collective nous dit Véronique Richez-Lerouge, on a créé des besoins inutiles, on a donné aux gens l'illusion du luxe en leur donnant du saumon d'élevage et du mauvais foie gras toute l'année. On se bat pour un pot de Nutella en promotion, on ne cuisine plus préférant acheter des plats préparés, on achète des produits sucrés , des boissons du type soda, on oublie les saisons.
Il faut donc reconstruire une cuisine pensante, l'alliance Slow Food va dans ce sens, développer la biodiversité, retrouver des aliments avec une valeur gustative et nutritionnelle, respecter les produits, ne pas les gaspiller, être en conformité avec les saisons, proclamer le droit au bien-manger pour tous, réhabiliter les produits du terroir et les circuits courts, les consommateurs doivent s'informer, poser des questions !
Je ne puis, dans le cadre de cette critique, reprendre tous les développements faits par l'auteur. le livre ne fait pourtant que 118 pages mais il est dense !
Qu'en ai-je pensé alors que je vous l'exposais plus haut, ce type de livre ne fait pas partie de ma bibliothèque ?
Le pamphlet est fort, extrêmement bien documenté, les arguments sont nombreux et fort bien exposés et écrits. La lecture est aisée.
Le point faible pour moi est dû sans doute à ma formation juridique : j'ai entendu la plaidoirie du Procureur, il me manque celle de l'avocat de la défense pour me faire une opinion tranchée bien que je soupçonne que le rôle de ce défenseur sera difficile.
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Rien ne sert de détourner le regard, plus l'humanité avance, plus on observe que l'assiette fait tourner le monde. Plusieurs fois par jour, nous ingérons consciemment ou non ce que la nature veut bien nous donner encore, de moins en moins à en juger par l'appauvrissement des sols et la diversité végétale, mais surtout ce que l'industrie agroalimentaire produit. Même la gastronomie qu'on pensait au-dessus de tout soupçon porte le masque d'une idéologie progressiste entièrement dédiée à nourrir une filière agro-industrielle. Notre assiette, qu'elle soit modeste ou luxueuse, simple ou grimée, est le miroir de cette réalité alimentaire indigente qu'on nous sert partout, et à laquelle il est hélas difficile d'échapper.
De gré ou de force, il faudra bien agir. Encore faut-il changer radicalement les mentalités aussi bien en amont de la chaîne dans les modes de productions agricoles qu'en aval dans notre manière de nous nourrir. On ne réglera pas la question du réchauffement climatique sans traiter celle de l'agriculture dans sa dimension systémique. Mais chacun se renvoie la balle sans percevoir que nous sommes collectivement responsables. Le paysan, l'industriel, l'artisan, le cuisinier, le mangeur. La gastronomie tour d'ivoire s'est voilé la face, complice d'un système agroalimentaire cruel et injuste, toxique pour la santé humaine et dangereux pour l'avenir de la planète.
Véronique Richez-Lerouge. La vache qui pleure.