Appelé musée imaginaire, on considère toutes ces oeuvres photographiques qu'on possède aisément reproduits dans les livres ou au détour d'un poster, ne sont en fait qu'un vaste musée. Un musée qui se balade, mais un musée imaginaire, nous possédons des visuels de choses que nous-mêmes n'avons jamais vus. Ils sont la trace, la preuve, que cette oeuvre à laquelle nous ne pouvons accéder existe.
C'est justement ce qui nous intéresse dans cet ouvrage, si, en effet, j'ai dit qu'il est si dense que ça le rend un peu difficile à la lecture, il n'en demeure pas moins passionnant. J'ai mis du temps à le lire, mais du bon temps, même s'il m'a duré un bon bout de temps… Bref, comment voir une oeuvre invisible ? En se focalisant sur les traces qu'elle laisse, une réelle enquête se déroule à travers cet essai. Que sont les oeuvres invisibles, et quels témoins en avons-nous ? Une oeuvre enfouie, sans autre preuve que la parole d'artiste : l'oeuvre est-elle réelle ou la parole de l'artiste – qu'on est libre de croire ou non – fait-elle oeuvre ? La présence d'un cartel rend-t-elle l'oeuvre enfouie plus réelle ? Que dois figurer sur ce cartel ? Une question fascinante, d'ailleurs,
Daniel Buren a semé quelques oeuvres vouées à êtres cachées derrières d'autres tableaux, dont seul le cartel fait voir. Ressentir la présence de l'oeuvre, savoir la présence de l'oeuvre suffit-elle à faire oeuvre ? Enfin, l'art olfactif, l'art sonore, sont-ils réellement invisible du moment où ils peuvent être ressentis ? D'où vient ce culte de l'invisibilisation de l'oeuvre, courant dans l'art contemporain qui tente de renverser les codes visuels, allant jusqu'à enfouir des reliques sous Montparnasse, mais qui pourtant n'est pas un culte nouveau : une tradition à longtemps voulu qu'on couvre d'un linge un tableau pour pouvoir le découvrir lors d'un vernissage, comme un levé de rideau.
Cela est tant de questions et d'analyses présentes dans ce livre fascinant. D'autant plus que les exemples sont pertinents et parfois relèvent réellement du fun-fact dont la culture populaire est si friande. Ainsi, c'est un livre qui, s'il est un peu difficile à lire – à mon sens – mérite tout de même qu'on s'y attache, car, au-delà des questionnements de l'esthétique pure, il y a réellement la découverte d'un monde qui nous entoure, d'une manière de faire de l'art et de penser l'art tout à fait fascinent, avec des exemples à la portée de tous : qui s'apparentent à la vie de tous les jours.
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