C'est une lecture absolument fascinante.
Il s'agit de la première plaidoirie criminelle d'un jeune avocat romain de 26 ans, qui devait se faire par la suite un nom dans l'histoire, puisqu'il s'agit de
Cicéron.
On reste interdit devant une telle maîtrise, d'emblée, de l'art de la rhétorique dans tous ses compartiments. Quand on pense, par ailleurs, que les avocats ne devaient pas s'adresser aux juges en lisant un texte, et que par conséquent,
Cicéron a du l'apprendre par coeur, on est ébloui.
On l'est davantage encore par le courage qu'il a fallu à ce jeune avocat inconnu pour se saisir d'une cause que tous les juristes à la réputation assise avaient déclinée, du fait de l'implication dans l'affaire, le vrai coupable, selon notre futur consul et pourfendeur de l'agitateur Catilina, d'une personne très proche du dangereux dictateur Sylla dont les listes de proscriptions ne laissaient aucune chance à ceux dont il souhaitait la disparition. Certes, c'était l'occasion rêvée de se faire un nom, mais à quel prix éventuel !
L'affaire est digne d'un roman policier qui aurait été écrit par un auteur particulièrement imaginatif. Sextus Roscius de la ville d'Amérie est accusé d'avoir tué son père, crime qui vaut, à Rome, une sanction atroce, puisque le condamné était jeté dans un sac avec un chien affamé, un serpent et un coq, sac que l'on jetait dans le Tibre. Cette simple accusation lui vaut de se voir confisquée sa très belle succession, avec des propriétés foncières qui sont vendues aux enchères au profit de la République, et achetées à bas prix par un certain Chrysogonus, bras droit de Sylla.
Cui bono, à qui profite le crime ? fait remarquer
Cicéron.
L'intrigue, le risque pris par l'avocat, la beauté du texte, la richesse de l'argumentation, l'intelligence de l'exorde, la magnificence de la péroraison, tout fait de ce discours un délice de lecture.
Et le mode d'énonciation des faits, des raisonnements qui conduisent immanquablement à la conclusion de l'innocence de Sex Roscius, leur puissance rhétorique, l'implication suggérée sur le rôle des juges et l'avenir même de la justice s'ils venaient à ne pas reconnaître l'évidence, tout cela est fascinant.
Pour ceux qui ont fait du latin, mais qui ne maîtrisent pas cette langue, l'édition bilingue des belles lettres permet, avec une lecture de la traduction française, de se reporter facilement au texte latin pour les passages dont on aurait des raisons de penser que la formulation latine, avec sa concision, doit avoir une élégance particulière.