À vingt ans, Nissim a écrit un roman, avec ses tripes, d'un seul jet. Mais lorsqu'ils lisent le manuscrit, ses parents n'apprécient pas du tout, se fâchent, et coupent les vivres à leur fils unique.
Pourtant il a bonne conscience car il est persuadé n'avoir rien mis d'autobiographique dedans. D'ailleurs lorsqu'il se présente, il invente pour chaque nouvel interlocuteur une histoire familiale différente, des origines étonnantes, une enfance bouleversante.
Il vit de petits boulots, est finalement publié, mais son livre ne lui rapporte rien.
Tirant le diable par la queue, il traîne, il dérive, attendant la bonne occasion de refaire sa vie, loin de Paris. À l'hôtel borgne près de la Gare du Nord où il est veilleur de nuit, il tombe amoureux d'Alba, réceptionniste le jour. Sac au dos, il partent ensemble pour la Costa Brava, le soleil, le farniente, l'aventure rêvée.
Ça c'est le synopsis à très gros traits de la première partie du roman, intitulée “ Vie de Nissim ”. Avec les titres des deux suivantes, “ le livre de Nissim ” et “ le livre de l'exil ”, on s'attendrait presque à lire l'histoire d'un prophète ou d'un saint ! Preuve si l'en fallait de la malice de l'auteur, de son humour à froid. Car Nissim est un drôle de type pas très sympathique qu'on a du mal à plaindre (à sa décharge, il ne cherche jamais à se faire plaindre).
Sans amis véritables, presque sans famille, sans ambition : Nissim est un quasi marginal qui se laisse ballotter par l'existence mais ne veut pas le reconnaître. On peut même dire qu'il a plaisir à amplifier le mouvement de la houle, et dans le mauvais sens de préférence... Sa mythomanie pourrait être un atout pour persévérer dans la création littéraire (je blague !), mais il est trop velléitaire pour mener à bout un projet, et la paranoïa qu'il finit par développer l'entraîne sur des routes de plus en plus hasardeuses, ne renonçant malgré tout jamais à la quête d'un point d'équilibre dans son existence et d'une clé à ce qu'il a déjà vécu.
C'est le deuxième roman de David Rochefort, après "La paresse et l'oubli" . Nissim après Benjamin. le troisième livre est en chantier (voir le blog de l'auteur). Une oeuvre exigeante se construit. Un ton, un style, reconnaissables. Sans compromissions ou ménagements pour le lecteur : le romancier nous fait suivre des personnages complexes, inattendus, horripilants ou insupportables, des romantiques modernes, à la limite de la folie ou de l'inadaptation sociale. Sans imposer avec précision les clés de leurs comportements décalés.
Des vies comme ça, je pressens qu'il en existe ; des jeunes comme ça, j'en croise peut-être dans le métro, dans la rue, en voyage, sans les remarquer parce que je n'ai ni le sens de l'observation ni l'imagination du romancier, ni leur âge. Il n'y a pas, même sur le papier, de consolation ou de rédemption pour ces vagabonds célestes ratés, épris de leur liberté, dont l'unique réussite indiscutable est d'être nés de la plume sublimatoire de David Rochefort.
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