Le professeur Grammaticus, alors qu’il traversait la Sardaigne à cheval, ouït crier : — Au secours ! Au secours ! Il regarda autour de lui. L’endroit était solitaire et désertique. Pas une maison en vue, rien que les pierres menaçantes d’un «nuraghe ». À mi-côte, un troupeau paissait tranquillement. C’est du moins ce qu’il semblait. Le cri, pourtant, était venu de là-haut. Le berger, était-il peut-être en difficulté ? Le professeur Grammaticus ne resta pas à s’amuser avec les points d’interrogation: il éperonna son cheval et partit au galop dans la direction voulue par son courage. Et voilà que, comme pour le confirmer dans la justesse de ses suppositions, c’est de cette direction que vint de nouveau le cri: —Au ztecours ! Au ztecours ! Les mounttons ! Les mounttons ! — C’est certainement le berger qui appelle, se dit-il, en dansant sur la selle, l’audacieux professeur. Il ne mériterait pas pourtant que je coure à son secours. Pourquoi changer ou ajouter toutes ces consonnes là où il n’en faut pas ? «Au ztecours », «mounttons ». Du point de vue des doubles consonnes, les Sardes, sans vouloir les vexer, sont à l’opposé des Vénitiens : à Venise ils mangent toutes les doubles, ici ils redoublent sans discernement n’importe quelle consonne. Je ne serais pas étonné de savoir que tous les malheurs du berger naissent justement de cette erreur tragique.
Conférence de Bernard Friot
Le Centre national de la littérature pour la jeunesse, service du département Littérature et art de la BnF, propose chaque année une dizaine de conférences qui donnent la parole à des historiens du livre ou des spécialistes de l'enfance et de la jeunesse venus présenter leurs travaux.
Bernard Friot rend hommage au plus grand écrivain italien pour la jeunesse, Gianni Rodari dont on a fêté le centenaire de sa naissance en 2020.