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4,3

sur 1325 notes
Ce n'est pas le premier roman à aborder les thèmes lourds de l'inceste et de l'enfance martyre, mais il le fait avec une audace et un brio incomparables qui rendent ce livre marquant dans une vie de lecteur. On y sent à quel point l'auteur n'a pas cherché à "faire quelque chose", on ne sent jamais l'intention, on sent juste l'urgence, incandescente, à raconter la vérité d'un homme maltraité par la vie au point de dire à la nuit «  tu ne me feras pas peur j'ai plus de noir que toi dans mon enfance ».

Dès les premières lignes, j'ai été attrapée à la gorge par la puissance qui se dégage de ce récit. Duke est en prison, au soir de sa vie, il entame un travail d'écriture, obsédé par la perspective de sauver quelque chose de lui, sauver son âme en se débarrassant de ce démon qui le harcèle, le déborde. Ce démon, c'est l'incarnation de cette absence d'explications à ces actes criminels. Ce démon, il est apparu sur la colline aux loups, dans la maison où il a grandi, violenté par ses parents, violé par son père. Tout le roman est centré sur cette bataille intérieure extrême.

« Je sentais bien que j'avais à l'intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide ».

Le premier tiers du roman raconte des faits insoutenables, de ceux qu'on entend dans les tribunaux ( l'auteur est journaliste judiciaire ) et qui donne envie de se boucher très fort les oreilles de peur d'être souillé par les images qu'ils charrient. La lecture est émotionnellement éprouvante, et pourtant j'ai refermé le livre presque apaisée ou du moins libérée d'une tension exténuante. L'outrenoir est traversé de rais de lumière bouleversants lorsque Duke découvre la beauté du monde ( anagramme de démon ) : une délicieuse sucette, le prénom de sa soeur, l'herbe entre les orteils, la houle de la mer qui accomplit ses rêves de rébellion, de force et de liberté, une séance de cinéma avec un documentaire animalier qui lui donne envie d'être un oiseau et de ne plus être un homme.

Mais delà de ces instants d'éphémère lumière, c'est la formidable écriture de Dimitri Rouchon-Borie qui permet de surmonter le sordide décrit. Ce parler, qui devient écrit, est une plongée directe dans la tête de cet homme-enfant. Il faut l'apprivoiser. Elle n'a aucune virgule, aucune conjonction de coordination, sa syntaxe est brisée, syncopée, la logique des enchaînements complètement décalée. Et pourtant, sa respiration vient toute seule au bout de quelques pages. Les mots de Duke sont d'une authenticité absolue, l'auteur parvenant à capter toute la candeur et la vérité de cet homme brisé par son enfance. de cette langue si singulière naît la représentation du monde qu'il a construit autour de la genèse de la violence.

La langue comme rédemption possible. Les dernières pages sont sublimes et basculent tout naturellement vers une réflexion quasi philosophique, existentialiste, sur l'hérédité du Mal, sur le liberté de nos choix et la responsabilité de nos actes. Au final, l'épilogue sublime le flot de sensations et d'émotions qui ont saturé le roman.

Juste époustouflant. Mon ultime coup de coeur pour l'année 2021.
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Une claque ce livre! Qui soit révulse soit subjugue et s'il subjugue, on est à même de se demander quelle part noire sommeille en nous pour lire autant d'horreurs.

Ce livre pourra en rappeler d'autres. de mon côté, c'est à Né d'aucune femme auquel je pense.

Duke le narrateur va nous raconter son histoire qui l'a conduit jusqu'à la prison. Avec des mots qui sont à lui parce que l'homme n'a quasiment pas été à l'école et qu'il a grandi comme un animal. Ce n'est que très tard qu'il connaîtra son prénom. Dans la maison de l'horreur, les enfants dorment par terre, dans les crottes des nombreux chats. Duke est traité pire qu'un animal. Battu et humilié, il faudra en arriver au viol pour que la police intervienne. . Bienvenue en enfer. Même la lumière a ici des relents poussiéreux et amères.

Duke va grandir placé mais terriblement détruit et traumatisé par son enfance. Il sent le Démon grogner en lui. Il le muselle tant qu'il peut mais comment lutter contre ce mal qui le ronge ?

C'est un texte d'une noirceur sidérante qui nous saute aux yeux non sans mal. Un texte qui nous retrace la fatalité d'un adulte qui n'a pas eu les armes ou les fleurs pour se construire, à qui on aura légué que du laid, et deviendra cette continuité de la nuit de Dante.

Malgré tout, la lumière viendra se poser car Duke ressent aussi le beau et le bon. Il en aura peur parce que quand on a vécu si longtemps dans le noir, le beau ne peut faire que passer. Parce qu'il y a des ombres qui jamais ne quittent son maître. C'est son histoire. le démon de la colline aux loups. Âmes sensibles s'abstenir.
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J'ai éprouvé quelques réticences avant de me plonger dans ce roman à l'écriture d'emblée particulière. Après un premier échec, la deuxième tentative sera la bonne et l'ensemble sera dévoré avec avidité .
Il faut dire qu'il est difficile de ne pas éprouver une empathie immédiate pour ce pauvre gamin maltraité au point de ne pas connaître son propre prénom lorsqu'il rejoint les bancs de l'école.
Ce fait témoigne des violences psychologiques, des graves manquements éducatifs, mais ce n'est qu'une partie de ce qu'il a subi, parce que très vite le pire lui sera infligé.

Le narrateur s'adresse au lecteur de la prison où il est enfermé pour des faits que l'on découvrira peu à peu. Et par ses écrits on comprend le cheminement de ses pensées, qu'il a parfois du mal à exprimer tant son « parlement » est défectueux, faute d'avoir été nourri. Ce qui est certain, c'est qu'il est convaincu d'être possédé par le Démon, celui qui sur la Colline aux loups armait la folie de son père et qu'il est persuadé d'avoir reçu en héritage.

J'ai été terriblement remuée par ces confidences maladroites, par le récit du calvaire et le parcours sans espoir de rédemption. Les carences affectives et éducatives ont laissé des traces profondes qui sont superbement illustrées par cette écriture chaotique.

Ce qui était parti pour être un rejet est finalement devenu un coup de coeur .
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Mon Dieu, quelle claque ce premier roman !

Dimitri Rouchon-Borie y raconte l'histoire d'un homme emprisonné, qui revient progressivement sur son enfance saccagée, ainsi que sur les événements qui ont d'abord fait de lui une victime… puis un bourreau condamné à la perpétuité pour les crimes qu'il a commis.

Si le garçon c'est pris les horreurs de la vie en pleine tronche dès le plus jeune âge, il a par contre loupé l'école. du coup, il n'a pas tous les mots pour exprimer ce qu'il a vécu, s'invente un vocabulaire pour décrire l'innommable et livre des phrases dépourvues ponctuation. Il faut donc un peu de temps pour s'habituer à ce style qui au niveau de la forme fait parfois mal aux yeux, mais qui au niveau du fond vous transperce souvent le coeur.

« Je disais à la nuit tu ne me feras pas peur j'ai plus noir que toi dans mon enfance »

L'absence de ponctuation a en effet de quoi déstabiliser, mais cela vaut finalement la peine d'apprivoiser le style du narrateur car il a tellement d'émotions à partager, que le lecteur en ressort inévitablement bouleversé. L'horreur qui parsème le récit peut également rebuter, mais l'innocence avec laquelle celle-ci est racontée a tendance à diluer toute cette infamie et constitue toute la beauté de ce roman, certes coup de poing, mais également coup de coeur !

Le trauma de ce narrateur dont je ne révèle délibérément pas le nom est d'une profondeur extrême et la lutte intérieure qui se déroule sous nos yeux entre le démon dont il a hérité et cette humanité dont il déborde, s'avère absolument bouleversante. Emboîtant ses pas et ses pensées, nous recherchons avec lui cette rédemption tellement méritée, éclairant de son amour, de sa naïveté et de sa bonté ce chemin d'une noirceur profonde.

« Je sentais bien que j'avais à l'intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide. »

« le démon de la Colline aux Loups » a méritoirement remporté le Prix Première, décerné depuis 2007 par la RTBF à un premier roman francophone.

Une pépite à classer quelque part entre « Les Monstres » de Maud Mayeras, « My absolute darling » de Gabriel Tallent et « Papillon de nuit » de R.J. Ellory…voire même peut-être au-dessus !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Du fond de sa prison et au bord de la mort, Duke, le narrateur, écrit fébrilement. Dans un dernier exutoire, il se hâte de jeter sur le papier la catastrophe qu'a été sa vie depuis le premier jour : une vie marquée par la violence, subie dès le plus jeune âge au sein de la cellule familiale, et qui ne s'est jamais éteinte, au-dehors, mais bientôt aussi, au-dedans de lui, comme par un inéluctable phénomène de vases communicants...


L'entrée dans ce livre ressemble à un uppercut. S'y succèdent des scènes choc, révélant une large fratrie traitée comme une portée d'animaux par des parents au paroxysme de la monstruosité. Séquestrés, dénutris et maltraités de toutes les manières possibles, les enfants sont des êtres sauvages, privés de langage et de développement mental, réduits à leurs instincts les plus primaires. le narrateur nous fait vivre cette période de l'intérieur, alors qu'il nous la relate dans un langage fruste et sans ponctuation, caractérisé par une spontanéité naïve et sans fard, dans un tourbillon de sentiments qu'il tente d'ordonner et d'extérioriser. le texte évolue ensuite vers l'impossibilité d'une vie sociale ordinaire pour l'enfant placé en famille d'accueil, puis pour l'adulte instable qu'il est devenu, sa quête d'une normalité impossible, sa fuite désespérée qui ne parvient pas à distancer un mal qui le poursuit et le pénètre, l'exposant à des crises de violence incontrôlable face à l'injustice.


La souffrance, la rage et la solitude de cet être, irrémédiablement relégué en marge de l'humanité par ses propres parents, frappent d'autant plus le lecteur qu'elles sont exprimées avec une sincérité et une impuissance confondantes. Duke évoque sa violence et ses fautes avec une absence de malignité et une ingénuité qui auréolent sa culpabilité d'innocence. Quelle est la part de la victime et du coupable chez cet homme torturé à qui la vie n'a laissé aucune chance ? Comment juger du bien et du mal quand viennent s'en mêler l'hérédité, l'éducation et l'incapacité collective à porter secours à un être martyrisé comme celui-là ? Quelles sont les limites de la responsabilité et des circonstances atténuantes ? A-t-on le droit de faire un mal pour un bien ? Enfin, la rédemption est-elle possible ?


En concluant par les interrogations mystiques de Duke en prison et par sa découverte, grâce à l'aumônier, des Confessions de Saint-Augustin, le texte achève de poser la question de la justice et du pardon. Constatant l'incapacité des hommes à combattre le mal inhérent à leur nature, n'est-ce pas Saint-Augustin qui les engagea à renoncer à leur justice, par trop manichéenne, et à régler leurs différents par le pardon, la grâce de Dieu seule pouvant les élever vers le bien ? Une réflexion qui en dit long sur les drames dont l'auteur a pu être témoin au cours de sa carrière de chroniqueur judiciaire, quand, de génération en génération, tant de victimes deviennent bourreaux à leur tour… Coup de coeur.

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La Colline aux Loups, c'est là qu'il a grandi. Avec ses cinq frères et soeurs. D'aussi loin qu'il se rappelle, c'est l'impression d'une chaleur qui lui revient lorsqu'ils étaient tous blottis sur la même couverture, à même le carrelage de la pièce. Une pièce sombre aux volets toujours fermés. Et des ombres qu'il voyait apparaître de temps en temps. Ce n'est que plus tard qu'il a compris que ces ombres étaient ses parents. Des parents violents qui les frappaient, les battaient, les humiliaient. Si une dame de l'assistance sociale n'était pas venue à la Colline aux loups, il n'aurait pas fréquenté les bancs de l'école. Et n'aurait pas su qu'il s'appelait Duke...
Comment se construire lorsqu'on a manqué de tout ? Lorsqu'on a subi les pires violences ? Et surtout lorsque le Démon a lui aussi grandi à la Colline aux Loups ?
De sa cellule de la prison, Duke tente, avec ses mots, de raconter son histoire, même si c'est pas une belle histoire...

Ce n'est peut-être pas une belle histoire tant elle regorge de noirceur et de violence mais les mots de Duke, il en est certain, sont inoubliables tant ils racontent innocemment cette horreur... du fond de sa cellule, Duke remonte le fil du temps et essaie de comprendre comment et pourquoi il en est arrivé là. Avec ses mots à lui, qui lui manquent, faute de déscolarisation, il revient sur son enfance blessée, volée, violée. Sur les personnes qui auront tenté de mettre un peu de chaleur et de lumière dans sa vie, notamment sa soeur, Clara, ou sa famille d'accueil. Mais comment s'en sortir lorsque le Démon est là, tapi au fond de lui ? Ce court roman se lit d'une traite, en apnée. Et l'on en ressort groggy, anéanti, secoué. Secoué par tant de noirceur que seul, parfois, un rai de lumière bouscule. Secoué par ce personnage pour qui l'on éprouve aussitôt une profonde empathie. Secoué surtout par ses mots. Bruts. Puissants. Viscéraux. Fracassants. Bouleversants. Dimitri Rouchon-Borie signe, avec le Démon de la Colline aux Loups, un roman tragique, crépusculaire, d'une force et d'une profondeur rares.
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Première impression, c'est quoi ce bordel, ces phrases foutraques ??
Le gars n'avait-il souscrit qu'un forfait majuscule/point pour oblitérer tout ce qui ressembla de près ou de loin à une virgule, un point-virgule, le deux-points, signe de respiration, donc de vie.

Puis survient l'immersion, pleine, entière, scabreuse au possible.
Un flot de paroles libéré par son auteur encagé.
Un torrent de mots pour illustrer des torrents de larmes.

Alors oui, on pardonne d'autant plus qu'au regard de son inéducation violente, bestiale, l'homme fit fi de toute ponctuation parasitaire tant le besoin de dire était vital.

Le Démon de la Colline aux Loups est une baffe monumentale.
Passé l'effet de sidération, ne subsistent que la peine, profonde, associée à un désir forcené d'imaginer la victime aspirer à des jours meilleurs.
Mais ce que le démon a semé, nul ne saurait lui ravir ses vendanges, fussent-elles tardives.
Ce combat enragé entre l'homme de bien qu'il rêve d'incarner et cette autre entité, tapie dans l'ombre, ne demandant qu'à être libérée pour semer le chaos, force l'admiration.
La lutte se voudra indécise, acharnée, incessante.
L'escarmouche finale à la hauteur de ce récit magistral.

Le démon de la colline aux loups, vous n'êtes pas prêt à hurler de plaisir.
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«Comme un arbre pourri avec ses racines dans le marais de l'enfance»

Première grande révélation de cette rentrée, Dimitri Rouchon-Borie a réussi avec le démon de la colline aux loups un premier roman aussi prenant que glaçant. Une belle réussite!

Le narrateur de cette terrible histoire est en prison pour longtemps. Et comme le temps, c'est tout ce qui lui reste, il s'en sert pour lire et écrire, pour retracer son histoire, quand Fridge, son compagnon de cellule, dort. Celle d'un homme qui est «comme un arbre pourri avec ses racines pour toujours dans le marais de l'enfance». Un marais bien glauque, comme cette pièce avec une couverture posée sur le carrelage sur laquelle se pelotonnent les six frères et soeurs, se tenant chaud dans l'obscurité. Ce n'est qu'après avoir pris des coups de leurs père et mère qu'ils franchiront la porte, qu'ils pourront sortir. Quand les services sociaux contraignent les parents à scolariser les enfants, une lueur d'espoir semble briller dans les yeux de celui qui découvre qu'il s'appelle Duke. Il découvre un monde, une institutrice prévenante, un docteur qui prend soin de lui et de ses blessures et même deux gendarmes qui sermonnent les parents. Mais ce répit sera de courte durée. Aux coups de son père s'ajoute une punition bien plus douloureuse, le viol. Dès lors Duke souffre, mais s'endurcit. Il ne veut pas que sa soeur, qui le réconforte, subisse le même sort. Alors il s'érige en rempart. Alors, il raconte ce qu'il subit. Alors, après un séjour à l'hôpital qui est comme un paradis sur terre, son père est arrêté et incarcéré. Les enfants sont alors placés en famille d'accueil, mais aussi séparés, ce qui cause un nouveau traumatisme. Duke se retrouve chez Pete et Maria et leurs deux fils, les jumeaux David et Bob. Il passera plusieurs années au sein de cette famille. C'est avec eux qu'il vivra l'épreuve du procès et la condamnation de ses parents.
«J'ai compris cette chose-là c'est qu'ils s'occupaient de moi et tant qu'ils le faisaient je pouvais compter sur eux c'était comme museler un fauve en fui faisant des caresses. Je sentais bien que j'avais à l'intérieur une trace qui ne partait pas c'était la déchirure de l'enfance c'est pas parce qu'on a mis un pont au-dessus du ravin qu'on a bouché le vide. J'avais le manque des frères et soeurs et je n'osais pas demander parfois on voyait des juges ou des éducateurs et pas un ne me parlait de Clara ou de la Boule est-ce qu'ils pensaient à moi? Petit à petit j'avais commencé à m'intéresser à la solitude qui était une sorte de permanence au-dedans et à la fin on revient toujours à ce qui est constant mais je ne savais pas encore si c'était une porte fermée ou une porte à ouvrir je le tournais comme ça dans ma tête.»
Malgré, ou peut-être à cause de cette affection qu'ils lui portent, Duke décide de partir, sans vraiment savoir où. Il avale les kilomètres et décide finalement d'aller voir la mer. Sur la plage, il «aimante» Billy, une junkie avec laquelle il trouvera refuge dans un squat. C'est alors que ses ennuis vont commencer, que la spirale infernale de la violence va l'entraîner...
Dimitri Rouchon-Borie est la première révélation de cette rentrée. Il a trouvé une langue, un «parlement» comme il dit, qui colle parfaitement au récit, mélange de sentiments qui n'arrivent pas à s'extérioriser et de naïveté qui donnent au final encore davantage de force et de gravité au roman. Comme a si bien su le faire Jean-Paul Dubois avec Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon
– un titre qui aurait aussi parfaitement convenu à ce roman – on s'attache à ce détenu. On le regarde se démener avec son histoire et avec son Démon. On espère avec lui que le prêtre qui vient lui rendre visite lui apportera un certain réconfort, mais on se rend vite compte que la spiritualité ne parviendra qu'à lui laisser entrevoir une autre vie. «Je crois que c'est ma souffrance qui m'a tué depuis longtemps je ne crois pas que je suis vivant autrement que par mes fonctions biologiques mais dedans je suis mort. Et cette mort profonde c'est elle qui est en train de monter en moi et de conquérir tous mes organes je le sais je ne peux que l'accepter et c'est ainsi. Et c'est aussi sans doute ma souffrance qui a fait le lit du Démon et qui a causé la mort de tous ces gens que j'ai tués. J'ai lu aussi cette phrase où elle dit que l'âme s'égare parce qu'elle est obsédée par ses douleurs alors elle pense qu'elle est la solution enfin le remède alors qu'en fait quand l'âme essaie de se soigner toute seule elle fait pire et encore pire merde alors. Je crois que ce qu'il faut c'est tout abandonner à Dieu et avoir faim de lui mais je n'ai jamais appris cet appétit ni aucun autre je n'ai plus rien désiré quand j'ai tout perdu.»
Un roman noir, un roman dur, mais qui laisse transparaître une jolie lumière que l'on pourrait appeler l'humanité. Dans cet univers proche de celui du Franck Bouysse de Buveurs de vent, le primo-romancier ferre le lecteur dès les premières pages. D'abord intrigué puis horrifié, révolté puis compatissant, il aura bien de la peine à lâcher le récit avant la fin. Et une fois la dernière page tournée, il en redemande encore!


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Je savais bien que le thème de ce livre n'était pas facile, il est resté longtemps dans ma pile, en mode attraction/répulsion.
J'ai fini par oser me lancer.
Ai-je vraiment bien fait ? J'en ressors très mitigée.
Je n'ai pas particulièrement apprécié cette écriture, ces phrases sans virgule, qu'il me fallait souvent reprendre pour bien en comprendre le sens.
Autant j'avais aimé ce procédé dans le livre de Sandrine Collette On était des loups, autant ici il ne m'a pas plu, je l'ai parfois trouvé artificiel.
Le narrateur, Duke, collectionne les horreurs depuis son enfance puis tout au long de sa vie ; victime de parents pédophiles, il va ensuite commettre des meurtres.
Même si l'on ne peut s'empêcher de penser à Outreau, j'ai trouvé dans cette collection de malheurs une surenchère dans l'horreur, ce qui m'a empêché d'accrocher au personnage de Duke, qui ne découvre son prénom qu'à sept ans et ignore les prénoms de ses frères et soeurs (là aussi ça m'a semblé assez irréaliste même dans une famille maltraitante).
Je comprends que ce livre ait pu plaire par son style si particulier et son sujet pas très souvent abordé, mais je n'étais pas le bon public ou ce n'était pas le bon moment pour moi, je n'ai pas été touchée.
Qu'une personne aussi peu éduquée puisse ensuite s'intéresser à Saint-Augustin et espère trouver des réponses dans les livres m'a également laissé perplexe…
Ni la forme ni le fond ne m'ont convaincue, même si le texte est émaillé de phrases parfois très percutantes. Si je ne regrette pas ma découverte de ce livre, ce n'était pas celui que j'espérais …
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Il y a un peu plus de trois mois, je ressortais bouleversée de la lecture du roman "Les monstres" de Maud Mayeras. Et voyant passer les critiques de celui-ci, je m'étais promis de le lire un peu plus tard, le temps de faire une pause, car le thème des violences faites aux enfants est l'un de ceux qui me touchent au vif, comme nombre d'entre vous je présume.

Comme je m'y sentais prête, J'ai pris une grande inspiration, et j'ai plongé droit dans l'histoire de ce jeune garçon, en apnée jusqu'au dernier de ses mots, sans presque reprendre mon souffle. C'est lui-même qui se raconte, avec son "parlement" qui est à lui, et les "cases qui manquent à (son) entendement".
Tout comme dans "Les monstres", cet enfant qui ignore jusqu'à son prénom passe ses premières années dans une sorte de terrier, avec ses frères et soeurs entassés tels une portée de chatons. mais des chatons dont on ne s'occupe guère, sinon pour leur jeter un peu de nourriture quand on y pense. D'ailleurs très vite, deux d'entre eux disparaissent.... Les parents, si on peut qualifier de parents des êtres aussi abjects ne sont que des ombres fugaces dans le paysage limité de l'enfant. Jusqu'au jour où son horizon va s'élargir parce qu'une assistante sociale débarque à La Colline aux Loups, et va l'envoyer à l'école. Il y découvrira qu'un monde existe au-delà de son univers étriqué, et surtout qu'il a un prénom, qu'il est une personne, et qu'il peut apprendre à lire et à écrire.
Et c'est du fond d'une prison, des années plus tard, qu'il mettra ces connaissances à profit pour tenter d'exorciser ce démon qu'il croit avoir hérité de ses parents, et que toute sa courte vie il aura tenté de dominer, parfois sans succès. S'appuyant sur des livres prêtés par l'aumônier de la prison ("Les confessions" de saint-Augustin", notamment) Il nous retrace son chemin de vie, si douloureux et parfois presque insoutenable à lire, mais émaillé aussi de quelques belles rencontres. On comprend petit à petit l'enchaînement de circonstances qui l'ont mené à être condamné, et on se dit (enfin moi en tout cas) que la vie peut se montrer complètement dégueulasse parfois, que même s'il a fait de mauvais choix, en était-il vraiment responsable ? A chaque lecteur d'en juger...

Ce récit n'est pas à mettre entre les mains de lecteurs trop sensibles, de réelles horreurs y sont décrites, avec peu de mots crus mais c'est presque pire, parce que ce sont les ressentis de l'enfant qui nous sont directement jetés en pleine face, sans filtres. Et ce qui se passera plus tard au cours de son adolescence puis de sa vie de jeune adulte n'est guère plus facile à appréhender, d'autant plus qu'en nous le contant, il nous rend témoin de sa lutte incessante pour contrôler ce fameux démon. Et de ses échecs....

L'écriture est très particulière, il m'a fallu quelques pages pour m'y faire, mais elle est essentielle dans l'atmosphère du récit, elle le rend vraiment immersif et crée une empathie entre le lecteur et le narrateur.
Je ne trouve pour ainsi dire aucun bémol à ma lecture, si ce n'est peut-être le décalage entre le degré d'instruction du narrateur et les livres que lui donne l'aumônier pour lui permettre de rédiger son témoignage-testament.
Mais "Le démon de la Colline aux Loups" mérite ses cinq étoiles, je ne suis pas prête d'oublier ce roman.

J'ai eu beaucoup de mal à poser des mots sur mon ressenti, et à le relire je me dis que je donne l'impression qu'il n'y a que de la noirceur dans cette histoire. Ce n'est pas le cas, on y trouve également de l'amour, de la tendresse et de la solidarité parfois. Néanmoins, je vais avoir du mal à enchaîner sur la Masse Critique à laquelle je dois m'attaquer maintenant, et qui je présume ne sera pas une lecture légère non plus, puisqu'il s'agit du dernier Karine Giebel...
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