Il y a un peu plus de trois mois, je ressortais bouleversée de la lecture du roman "Les monstres" de
Maud Mayeras. Et voyant passer les critiques de celui-ci, je m'étais promis de le lire un peu plus tard, le temps de faire une pause, car le thème des violences faites aux enfants est l'un de ceux qui me touchent au vif, comme nombre d'entre vous je présume.
Comme je m'y sentais prête, J'ai pris une grande inspiration, et j'ai plongé droit dans l'histoire de ce jeune garçon, en apnée jusqu'au dernier de ses mots, sans presque reprendre mon souffle. C'est lui-même qui se raconte, avec son "parlement" qui est à lui, et les "cases qui manquent à (son) entendement".
Tout comme dans "Les monstres", cet enfant qui ignore jusqu'à son prénom passe ses premières années dans une sorte de terrier, avec ses frères et soeurs entassés tels une portée de chatons. mais des chatons dont on ne s'occupe guère, sinon pour leur jeter un peu de nourriture quand on y pense. D'ailleurs très vite, deux d'entre eux disparaissent.... Les parents, si on peut qualifier de parents des êtres aussi abjects ne sont que des ombres fugaces dans le paysage limité de l'enfant. Jusqu'au jour où son horizon va s'élargir parce qu'une assistante sociale débarque à La Colline aux Loups, et va l'envoyer à l'école. Il y découvrira qu'un monde existe au-delà de son univers étriqué, et surtout qu'il a un prénom, qu'il est une personne, et qu'il peut apprendre à lire et à écrire.
Et c'est du fond d'une prison, des années plus tard, qu'il mettra ces connaissances à profit pour tenter d'exorciser ce démon qu'il croit avoir hérité de ses parents, et que toute sa courte vie il aura tenté de dominer, parfois sans succès. S'appuyant sur des livres prêtés par l'aumônier de la prison ("Les confessions" de saint-Augustin", notamment) Il nous retrace son chemin de vie, si douloureux et parfois presque insoutenable à lire, mais émaillé aussi de quelques belles rencontres. On comprend petit à petit l'enchaînement de circonstances qui l'ont mené à être condamné, et on se dit (enfin moi en tout cas) que la vie peut se montrer complètement dégueulasse parfois, que même s'il a fait de mauvais choix, en était-il vraiment responsable ? A chaque lecteur d'en juger...
Ce récit n'est pas à mettre entre les mains de lecteurs trop sensibles, de réelles horreurs y sont décrites, avec peu de mots crus mais c'est presque pire, parce que ce sont les ressentis de l'enfant qui nous sont directement jetés en pleine face, sans filtres. Et ce qui se passera plus tard au cours de son adolescence puis de sa vie de jeune adulte n'est guère plus facile à appréhender, d'autant plus qu'en nous le contant, il nous rend témoin de sa lutte incessante pour contrôler ce fameux démon. Et de ses échecs....
L'écriture est très particulière, il m'a fallu quelques pages pour m'y faire, mais elle est essentielle dans l'atmosphère du récit, elle le rend vraiment immersif et crée une empathie entre le lecteur et le narrateur.
Je ne trouve pour ainsi dire aucun bémol à ma lecture, si ce n'est peut-être le décalage entre le degré d'instruction du narrateur et les livres que lui donne l'aumônier pour lui permettre de rédiger son témoignage-testament.
Mais "Le démon de la Colline aux Loups" mérite ses cinq étoiles, je ne suis pas prête d'oublier ce roman.
J'ai eu beaucoup de mal à poser des mots sur mon ressenti, et à le relire je me dis que je donne l'impression qu'il n'y a que de la noirceur dans cette histoire. Ce n'est pas le cas, on y trouve également de l'amour, de la tendresse et de la solidarité parfois. Néanmoins, je vais avoir du mal à enchaîner sur la Masse Critique à laquelle je dois m'attaquer maintenant, et qui je présume ne sera pas une lecture légère non plus, puisqu'il s'agit du dernier
Karine Giebel...