Auteur d'une oeuvre poétique remarquable,
Paul de Roux fait pourtant partie de ces poètes injustement méconnus.
"Au jour le jour" est, avec "Les intermittences du jour", le titre de plusieurs carnets écrits à partir de 1974 jusqu'en 2005 et publiés en cinq volumes aux éditions le Temps Qu'il Fait. Ils rassemblent sur plusieurs années des impressions informelles, une prose en guise d'autoportrait.
Dès les premières textes, on est saisi par la dimension réflexive, méditative de l'écriture. Il y a chez
Paul de Roux comme une tentative de restituer les choses dans leur pleine durée, dans leur essence, leur consistance. Instants fugaces, paysages observés, sons recueillis comme autant d'indices d'une vie portée jusqu'à l'extrémité du regard, de la sensation.
Les textes de Paul de Roux sont ceux d'un homme sceptique, mélancolique, qui ne croit qu'aux dimensions d'une vie intérieure. Il ne croyait pas aux idées, aux théories. Il n'y a pas chez lui de prétention à vouloir fixer et décrire des instants décisifs, essentiels. Chez Paul de Roux, le réel se dérobe sans cesse, il est éphémère, instable. L'écriture apparaît alors comme un moyen de donner un ancrage à cette errance, de lui donner un point de vue, une raison d'être.
Au gré du temps, des saisons, des promenades et des lieux (le vieux Valescure, les paysages du Vaucluse, des Soleillants, de la Sorgue, de Mauregny, de l'East Lyn ou encore de Paris), le poète se révèle dans une écriture d'une sensibilité et d'une grâce superbes. Il décrit l'instant où le regard se pose sur les paysages, les couleurs, les variations de la lumière, le mouvement des nuages, sur l'étendue des forêts dans les reliefs, le mouvement de la rue, des passants, la présence fugace d'un oiseau, d'un chat…
" Petits cris d'oiseaux dans le gris
graines vocales du printemps
sur les fenêtres, les trottoirs mouillés
on n'a pas assez de coeur pour les accompagner
mais eux sont déjà embarqués
avec le soleil qui monte
qu'on ne voit pas
qui monte et qui les emporte. "*
Écriture à la beauté subtile, la poésie de Paul de Roux autant que ses impressions livrées dans ses Carnets est celle d'un coeur inquiet mais entier.
(*) 15 mars 1976.