Poèmes du dire autant que de l’écoute des morts à l’impossible vengeance, et non de la réconciliation judéo-allemande comme on le lui a reproché à tort, ses élégies comme ses chants funèbres ont plus que jamais un écho.
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Tandis que…
Tandis que
sous ton pied
naissait la constellation de l’Exode aux ailes de poussière,
une main jeta du feu dans ta bouche.
Ô parole d’amour enclose
ô toi soleil embrasé
dans la roue de la nuit –
Ô mon soleil
sur le tour je te façonne : tu pénètres
les oubliettes de mon amour où meurent les étoiles,
l’asile de mon souffle,
cohorte de suicidés silencieuse entre toutes.
Érode ma lumière
avec le sel des fuites océanes sans refuge —
et des paysages de l’âme en leur éclosion
rapporte le message du vent.
Les lèvres contre la pierre de la prière
toute ma vie j’embrasserai la mort,
jusqu’à ce que le chant de la semence d’or
brise le roc de la séparation.
Voici la pomme noire…
Voici la pomme noire de la connaissance,
la peur ! Soleil d’amour éteint
qui fume ! Voici la fleur de la hâte,
en goutte de sueur ! Voici les chasseurs
tout de néant, d’exode seulement.
Voici des proies qui dans les tombes emportent
leurs mortelles cachettes.
…
/ Traduit de l’allemand par Mireille Gansel
Voici le sable…
Voici le sable, effrayé
avec des guirlandes d’adieu.
Voici la terre qui s’élance dans l’immensité,
à bout de souffle
dans l’humilité de l’air.
/ Traduit de l’allemand par Mireille Gansel
S’il en est un qui vient
de loin
avec une langue
qui peut-être renferme
des sons
avec le hennissement de la jument
ou
le pépiement
de jeunes merles noirs
ou
aussi comme une scie stridente
qui entaille toute proximité –
S’il en est un qui vient
de loin
avec les mouvements du chien
ou
peut-être du rat
et que c’est l’hiver
alors habille-le chaudement
il se peut aussi
qu’il ait du feu sous ses semelles
(peut-être prit-il
pour monture un météore)
alors ne le gronde pas
au cas où ton tapis crierait par ses trous brûlés –
Un étranger porte toujours
son pays natal dans ses bras
comme un orphelin
pour lequel il ne cherche peut-être rien d’autre
qu’une tombe.
Nelly Sachs
Voici, des fugitifs…
Voici, des fugitifs, l’heure planétaire.
Voici des fugitifs l’exode lancinant
dans ce haut mal, la mort !
Voici la chute stellaire hors des captivités magiques
du seuil, du foyer, du pain.
…
/ Traduit de l’allemand par Mireille Gansel
Samedi 19 septembre 2020 / 14 h
De Virginia Woolf à Emily Brontë...
Marie Cosnay est écrivaine, traductrice de textes antiques. Elle a récemment publié IF (L'Ogre, 2020), Les Enfants de l'Aurore (Fayard, 2019), Voir Venir. Écrire l'hospitalité avec Mathieu Potte-Bonneville (Stock, 2019), Vie de HB (Nous, 2016), Jours de répit à Baigorri (Créaphis, 2017) et Éléphantesque (Cheyne, 2018). Les Éditions de l'Ogre ont également publié Cordelia la Guerre (2015) Aquerò (2017) et épopée (2018). Marie Cosnay a reçu le Prix Nelly Sachs et le Prix Bernard Hoepffner pour sa traduction remarquée des Métamorphoses d'Ovide (L'Ogre, 2017).
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