Changements d'adresse : Une philosophie du déménagement

J'ai déménagé 10 fois au minimum. À chaque déménagement, toujours à cause du boulot, du conjoint, j'ai trouvé des points positifs. Nouveau boulot, nouveau quartier, nouvelle maison, nouveaux amis, nouveaux lieux à découvrir.

J'ai toujours pensé que c'était positif. Que bouger c'était une façon de rester vivant, d'éviter de s'enraciner quelque part et finir par y mourir. Qu'avancer c'était une façon de progresser, de grandir, de s'affirmer et qu'on ne pouvait le faire qu'en déménageant.

Et j'ai lu cette étude. Et elle est bien menée, cette étude. Parfois un peu trop littéraire, un peu trop intellectuelle, très philosophique, elle parait ardue au premier abord, car on ne s'attend pas à quelque chose d'aussi intense mais je me suis laissée prendre à la réflexion car je m'y suis totalement reconnue, et elle m'a fait réfléchir sur mes déménagements, sur ma vie.

Au fil des pages, le parallèle entre ce que je lisais et ce que j'ai vécu s'est installé. La réflexion s'est faite spontanément.

Chaque phrase, chaque mot tombe juste.

Chaque situation est analysée avec justesse. Chaque cas de figure évoqué. Jusqu'à l'inscription sur les listes électorales. Les confinements. J'ai bien aimé ces passages qui arrivent comme ça avec tellement de justesse. Je me suis reconnue dans tout.

J'ai même moi aussi les disques oubliés et les mauvais livres qui me suivent de déménagements en déménagements. Tous ces objets qui font partie du tri, qu'on avait oubliés, qui refont surface dans ces occasions et qu'on garde car ils font partie de notre passé et on est heureux de les retrouver à chaque fois.

Le lieu qu'on quitte qui se vide mais qui se révèle comme “un lieu de bonheur à tout jamais perdu”.

Le lieu où l'on va qui peut être un espoir, une reconquête.

Et au milieu, le déménagement qui est un no man's land. Une salle d'attente entre la tristesse et l'espoir. Une zone de liberté aussi.

Cette lecture m'a fait penser à un film “A ghost story”. Un fantôme condamné à errer dans une maison qu'il ne peut se résigner à quitter. Il ne parvient pas à laisser le souvenir de son bonheur, et il va rester là, témoin de tous les locataires ou propriétaires successifs. Jusqu'à la démolition et la reconquête des terres. Un éternel recommencement.

Une présence là éternellement. Une mémoire dans les murs. Alors qu'on s'en va et que d'autres viennent nous remplacer pour vivre la même vie à peu de chose près.

Souvent on garde une certaine nostalgie « C'était bien tu te souviens? »

Et c'est vrai que ce qu'on prend pour de la nostalgie, en fait, ce sont ces souvenirs qui sont ancrés en nous, qui font partie de nous, de notre personnalité, de notre résistance. Moi, j'aime ces souvenirs, ça m'aide aujourd'hui à affronter les épreuves.

Et pour la première fois, j'ai presque regretté tous mes déménagements !! Oui, je l'avoue. Sans tristesse ni pessimisme. Mais c'est vrai que je me suis posée la question.

Aujourd'hui, retraitée, ayant bourlingué un peu partout au hasard de ma vie, ayant testé la philosophie du déménagement et les changements d'adresse successifs, je reviens à la maison familiale, avec son histoire et mes souvenirs. La boucle est bouclée.


Remerciements à l'auteur pour la réflexion que cette lecture a entraînée, réflexion qui n'est pas terminée car j'ai noté des références à deux romans qui m'ont interpellé et qui vont sans doute continuer de me faire réfléchir.

Et toujours un grand merci à Babelio pour ses masses critiques. À chaque fois et souvent par hasard, je tombe toujours sur un livre que je n'aurais sans doute jamais lu mais que je ne regrette jamais d'avoir obtenu.

Une réception Babelio dans le cadre d'une masse critique non fiction.
Quel ouvrage ! En le sélectionnant, j'avoue avoir sous estimé le sous-titre. Il s'agit bien ici d'un traité philosophique, écrit par un éminent professeur de la Sorbonne.
Alors voilà, c'est un ouvrage riche qui couvre tous les angles du déplacement, intérieur et extérieur. Les différentes thèses sont très bien documentées, c'est un excellent travail scientifique.
Pour ma part, c'était une lecture ardue. Je n'ai pas toutes les références et la nécessité de lire toutes les notes de bas de page a rendu ma lecture d'autant plus difficile.
Ce n'est pas un ouvrage qui se lit d'une traite (sauf si vous êtes dingue de philo). J'avoue avoir mis quelques chapitres de côté pour les aborder plus tard.
Un très bon ouvrage donc mais pour public averti.