April est une petite fille qui se plaît mieux dans la compagnie des animaux que des autres enfants. Autant dire que l'idée de passer six mois seule avec son père sur une île déserte du cercle polaire arctique n'est pas pour lui déplaire. Son seul regret est que, sur l'île aux Ours, ne vit plus aucun ours. Normalement. Pourtant, April va y découvrir un ours polaire, isolé, prisonnier de l'île.
Si vous rencontrez un ours polaire isolé et affamé sur une île trop petite pour lui, vous avez plus de chances de devenir son casse-croûte que son ami. L'auteur, dans sa note finale, ne manque pas de le préciser. Pourtant, cette histoire d'amitié impossible, on arrive à y croire. Elle s'installe progressivement (même si l'ours est mentionné dès les premières lignes, il faut plusieurs chapitres pour mettre en place le contexte de la rencontre et les personnages qui joueront un rôle dans cette histoire). Elle ne peut pas tout à fait éviter l'écueil inhérent à ce genre d'histoire : une action un peu lente, voire un manque d'action. Mais le sort tragique d'Ours et le départ inévitable d'April installent une tension dramatique suffisante pour entraîner le lecteur à tourner les pages.
April et le dernier ours n'est pas seulement une énième histoire d'amitié improbable entre un enfant et un animal (Sauvez Willy 3452, le retour), c'est aussi une fable poignante. Bien qu'imaginaire et irréaliste, cette histoire qui rend concrètes les conséquences du réchauffement climatique interpelle et dérange. La réaction courageuse d'April interroge le lecteur, jeune ou moins jeune, sur sa propre capacité et volonté d'action face à un phénomène qui impacte la planète toute entière, avec tous ses occupants.
Outre ce propos "militant" amené avec beaucoup de finesse, c'est aussi une histoire touchante sur le deuil, sur les relations parfois complexes avec les parents... (même si, là aussi, ce n'est pas très neuf).
Le style d'écriture est très correct, simple avec quelques images originales et bien trouvées. Un dernier aspect qui m'a beaucoup plu, ce sont les illustrations. Elles sont tout à fait magnifiques. Elles font la part belle à l'ours et accompagnent judicieusement le récit. Elles sont tellement belles qu'elles participaient beaucoup à mon envie d'attaquer sans attendre un nouveau chapitre pour découvrir une nouvelle image. Il y avait longtemps que je n'avais pas été aussi séduite par les illustrations d'un livre jeunesse.
April et le dernier ours semble faire beaucoup parler de lui parmi les sorties jeunesse récentes. À juste titre, à mon avis.
Merci à Netgalley et à Seuil Jeunesse pour cette belle découverte.
Challenge Romans Jeunesse 2021/2022