Les relations vivantes et suivies avec les religieuses nouées grâce aux rencontres et aux lettres, ainsi qu'aux échanges avec les trois sœurs membres de la rédaction, nous mettaient souvent en présence d'une réalité déroutante par rapport à la sensibilité "féministe" catholique en général. En voici un exemple: en mai 2016, lorsqu'en réponse à la demande des supérieures générales réunies en assemblée mondiale, le pape François a décidé d'affronter une fois encore le problème du diaconat féminin en constituant une commission ad hoc - ce qui laissait espérer une ouverture institutionnelle pour les femmes - , nous avons été submergées de lettres, voire d'appels téléphoniques, pleines d'inquiétude.
Ce qui semblait être, en théorie, un progrès pour les femmes dans l'Église faisait peur aux missionnaires: depuis des décennies, elles remplissaient le rôle de diaconesses dans des lieux perdus où le prêtre passait une fois par an pour consacrer les hosties et célébrer la messe, aussi ne voyaient-elles pas le projet d'un bon œil. Elles craignaient que le diaconat ne soit accordé qu'aux femmes qui avaient suivi un cours de théologie approprié et réussi les examens le sanctionnant. A elles qui remplissaient cette fonction depuis de si nombreuses années, que resterait-il? [....]
Telle était la réalité, plus complexe et surprenante que toute discussion théologique, qui se manifestait et révélait la situation paradoxale qu'aurait créé une nomination institutionnelle. Naturellement, dans la réalité, le danger de l'accès des femmes au diaconat n'existait pas, on l'a vu, parce que leur consécration comme diaconesses était jugée trop proche du sacerdoce et donc périlleuse.
La chose est complexe mais une chose est claire: on ne peut y apporter de solution en discutant seulement de théologie. A plusieurs reprises, le pape François a affirmé la nécessité "d'une théologie approfondie de la femme", ce qui signifie, nous le savons, une anthropologie théologique où la femme est l'objet et non le sujet. Ce serait donc une théologie écrite par des hommes pour les femmes, ce qui n'a donc rien à voir avec la théologie féministe qui est approfondie depuis quelques années par des chercheuses dont les qualifications et le sérieux sont indiscutables.
L'Eglise ne peut sortir du scandale des abus sur les mineurs - comme de celui des violences contre les religieuses qui apparait enfin au grand jour - si dans une nécessaire réaction elle ne met pas les femmes à contribution en leur confiant des postes de responsabilité.