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EAN : 9788862330398
52 pages
PAVESIO Editions (01/02/2012)
4.5/5   4 notes
Résumé :
Le Mythe et l'Histoire de voyage par excellence revisités par le biais de l'un des plus récents média : la bande dessinée. Ulysse naufragé rencontre Nausicaa, fille du roi Alcinoos, et plus rien ne saurait être comme avant. Une aventure intérieure aux revers inédits avec en contrepoint les célèbres pérégrinations de l'Odyssée, de la prise de Troie à la confrontation avec les cyclopes. À mi-chemin entre la BD d'auteur et le montage cinématographique, Andrea Serio, ar... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ne te laisse pas leurrer par les rêves, parce que les rêves ne sont pas la vie.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, relatant le séjour d'Ulysse en Phéacie, du point de vue de Nausicaa, la fille du roi Alkinoos et de la reine Arété. La première édition de cette bande dessinée date de 2012, et elle a bénéficié d'une réédition en français en 2023. Bepi Vigna en a réalisé le scénario, Andrea Serio réalisant les dessins et les couleurs. Elle a été traduite de l'italien par Hélène Dauniol-Tenaud. L'ouvrage s'ouvre avec un texte introductif de deux pages, rédigé par le scénariste qui évoque la qualité méditerranéenne des dessins de l'artiste, les valeurs d'un matriarcat contrastées avec celles d'une société patriarcale, la fourberie d'Ulysse. La deuxième partie de son introduction est consacrée aux choix artistiques opérés pour adapter cette bande dessinée en un dessin animé court métrage. Ce dernier a été sélectionné pour la cérémonie d'inauguration de la critique à la Mostra de Venise en 2017, où il a reçu le spécial Green Drop Award, prix décerné par Green Cross Italia, une ONG qui récompense les oeuvres qui interprètent le mieux les valeurs de l'écologie et du développement durable. Ce tome se termine avec un texte d'une page, rédigé par l'artiste qui évoque l'expérience que fut pour lui cette première bande dessinée, un voyage en Suisse, et ses influences, c'est-à-dire Lorenzo Mattotti, Sergio Toppi, Harold Pinter, Pierre Bonnard, Edward Hopper ou Pablo Picasso première période, mais aussi le cinéma de Sergio Leone, de François Truffaut, les séries télé des années 1960 et les animées des années 1980. Viennent enfin sept pages d'études graphiques.

Nausicaa est fascinée par les vagues de la mer. Dans la rumeur des flots, il lui semble entendre les échos de sons lointains. Des fragments de voix et des langues inconnues, trace des terres que les vagues ont léchées. Elle est descendue sur la plage et avance les pieds dans l'eau le long du rivage. Ses amies l'appellent depuis les dunes où elles ont étendu des draps pour s'allonger. Elle s'enfonce plus avant dans la mer et elle voit un homme flottant devant elle. Elle le tire jusqu'au rivage et ses amies viennent l'aider à le sortir de l'eau.

Le peuple de Nausicaa a grand respect pour l'étranger qui arrive sans arme. le roi Alkinoos a offert une génisse en sacrifice aux dieux et fait préparer un banquet somptueux. Il s'adresse à l'invité et lui demande comment il a fait pour parvenir jusqu'ici car leur terre est éloignée des routes les plus battues. Il dit qu'il ne saurait répondre et qu'il faudrait poser cette question à la mer et au vent, ou même aux dieux. C'est eux qui après lui avoir fait affronter tant d'aventures ont enfin eu pitié de lui. La reine Arété lui fait observer qu'il ne leur a pas encore dit son nom. Il explique qu'on lui a donné bien des appellations, certaines fois pour l'honorer, d'autres pour le railler. S'ils le souhaitent, ils peuvent le nommer Ulysse. Après avoir échangé avec la reine, le roi lui propose de rester avec eux : il leur contera ses voyages. Ulysse va se coucher. Une confortable couche ravive le souvenir de la maison lointaine, et le sommeil apporte des visions d'îles ensoleillées, d'épouses devenues veuves et de merveilleuses sirènes tentatrices. Fragments de ce qui aurait pu être et de ce qui n'a pas été.

L'introduction du scénariste s'avère très explicite quant à son intention : raconter pour partie les chants IX à XII de l'Odyssée, du point de vue de Nausicaa. Il suffit au lecteur d'être vaguement familier des épisodes les plus célèbres du retour d'Ulysse à Ithaque pour les reconnaître : l'arrivée à l'archipel de Schérie, et les récits d'Ulysse sur la guerre de Troie, le séjour sur l'île des Cyclopes et l'emprisonnement dans la grotte de Polyphème, le séjour sur l'île d'Aiaié où réside l'enchanteresse Circé fille d'Hélios, les sirènes, une mystérieuse île brune. S'il est plus familier de l'Odyssée, le lecteur se rend compte que le scénariste a pris la décision de réaliser des coupes franches dans ces livres. Ici, pas de rêve envoyé par Athéna, d'aède Démodocos (c'est Ulysse lui-même qui raconte la guerre de Troie), d'Euryale, de séjour dans la cité des Cicones, ou dans le pays des Lotophages, sur l'île de bronze d'Éole, à Télépyle la cité des Lestrygons, etc. Pourquoi pas : l'enjeu ne réside pas dans une restitution fidèle de l'Odyssée mais dans l'idée que Nausicaa se fait d'Ulysse à partir ce qu'il raconte de ses aventures. le scénariste n'en respecte pas la lettre, mais il en conserve l'esprit. Ulysse apparaît comme un héros qui triomphe des situations périlleuses, qui conduit son équipage à la victoire, qui trouve des stratagèmes pour vaincre ses ennemis, qui use de la ruse pour se sortir de situations sans espoir. de ce point de vue, cette incarnation se conforme au caractère du personnage, et Nausicaa peut confronter ses récits aux valeurs morales de sa culture.

Dans son introduction, le scénariste évoque également le caractère méditerranéen des dessins de l'artiste. S'il est familier des oeuvres en couleurs de Lorenzo Mattotti comme [[ASIN:220303887X Feux]] (1985/1986) ou [[ASIN:2203041048 le bruit du givre]] (2003), le lecteur remarque tout de suite la filiation visuelle avec la présente bande dessinée : l'usage de crayons de couleur ou de pastel, la réalisation majoritairement en couleur directe à part pour quelques traits de contour, l'importance de la couleur comme mode d'expression, et une certaine propension à épurer les contours des formes pour un effet esthétique et expressif. À plusieurs reprises, le lecteur prend le temps de s'arrêter sur une case à l'effet esthétique saisissant : les vagues ondulantes en page cinq, le visage qui émerge de l'eau, le reste du corps d'Ulysse flottant sous la surface de l'eau, la tête du cheval de Troie représentée de face en gros plan, les soldats avançant dans Troie avec leur longue cape rouge et l'ombre projetée de leur lance ainsi agrandie, le rapprochement visuel entre le sang des blessés qui coule et le vin versé dans une coupe, la blessure de Nausicaa touchée au coeur par un javelot lancé par Ulysse, l'effet de végétation sur l'île d'Aiaié, la silhouette de Nausicaa sur fond rouge pour symboliser sa douleur en comprenant qu'Ulysse est parti sans un adieu, la chevelure blonde de Nausicaa de dos en une forme presque abstraite. Toutefois, l'artiste ne pousse pas le jeu des formes jusqu'à une case qui ne serait composée que de formes abstraites ne faisant sens que par le lien logique entre la case précédente et la suivante.

Le lecteur tombe sous le charme de la narration visuelle dès la première page. le parti pris artistique d'Andrea Serio place le récit entre le conte mythologique et le drame théâtral, avec effectivement une ou deux influences visibles, que ce soit un tableau d'Edward Hopper où des personnages regardent par la fenêtre sous un beau soleil, ou une touche d'expressionnisme cinématographique. Pour autant, il s'agit d'influences bien assimilées et mises à profit par l'artiste, pas simplement des clins d'oeil pour initiés ou des raccourcis faute d'une maîtrise insuffisante. Ces pages apparaissent plus comme l'oeuvre d'une bédéiste accomplie que d'un débutant. le lecteur ressent comment la mise en image vient discrètement apporter une sensibilité ou un point de vue dans la narration, attestant qu'il s'agit du ressenti de Nausicaa, et pas juste de faits exposés de manière objective. le cheval de Troie apparaît terrifiant et inhumain, une monstruosité dangereuse. L'avancée rapide Grecs dans Troie s'apparente à des coups de poignard dans le dos. le sang gicle de la blessure de Polyphème qui gesticule de douleur. Ulysse nage à contre-courant au milieu des débris se sauvant d'un danger où tous ses compagnons ont succombé, fuyant lâchement en les abandonnant à leur mort, plutôt qu'il ne parvient à s'échapper vaillamment. En pages vingt-deux et vingt-trois, Nausicaa rêve qu'Ulysse participe à des jeux d'adresse et qu'il lance un javelot qui se planter dans sa poitrine, une saisissante métaphore visuelle de l'acte sexuel à venir.

Le lecteur ressent le récit à travers la sensibilité de Nausicaa. Les auteurs font preuve d'un dosage remarquable, un équilibre délicat entre les prouesses au premier degré d'Ulysse et le fait que Nausicaa les reçoit avec un état d'esprit en léger décalage par rapport au héros. Elle est encore relativement innocente du fait de sa jeunesse, mais elle perçoit bien que les Troyens vont être massacrés sans pitié par les Grecs, qu'Ulysse n'a éprouvé aucune compassion ni aucun remord en perçant l'oeil de Polyphème, que le désir des marins pour Circé est de nature bestiale, les prémices d'un viol. Inconsciemment, elle ressent la virilité d'Ulysse à la fois comme une forme de bravoure, à la fois comme le recours à la force et à la fourberie pour vaincre l'ennemi à tout prix, pour l'anéantir. Comme l'indique le scénariste dans son introduction, ce n'est pas une vision féministe dans le sens activiste, mais une vision féminine avec des valeurs qui ne sont pas guerrières. Dans l'avant-dernière partie du récit, Nausicaa rencontre Pénélope et cette dernière lui dit ce qu'elle pense d'Ulysse après son retour. Son avis est tranché : elle s'est brusquement rendu compte qu'il n'était pas le héros qui avait longtemps peuplé ses rêveries. Ce héros n'avait jamais existé. Elle s'est rappelé comment il tenta, en lâche, de se soustraire à la guerre en feignant la folie, et d'autres actes qu'elle qualifie de vices, de tromperies, de mensonges. Les années ayant passé, elle le voit comme incarnation de méthodes conquérantes et dépourvues de compassion, qu'elle rejette. Toutefois, elle laisse Nausicaa libre de faire ses choix, de juger Ulysse comme elle l'entend.

Les exploits du héros Ulysse, vus par Nausicaa, dans une histoire créée par deux hommes : le lecteur n'est pas trop sûr de l'intelligence d'un tel projet. Ses doutes s'envolent dès les premières pages, conquis par l'élégance et la beauté de la narration visuelle. Dans un premier temps, il se dit que ses a priori étaient fondés quant au parti pris du scénariste portant sur les valeurs du héros de l'Odyssée. Progressivement, il constate que Nausicaa ne se perçoit à aucun moment comme une victime, qu'elle fait preuve d'autonomie dans son jugement sur son amant, et qu'effectivement le récit s'inscrit dans une approche féminine honnête. Belle réussite.
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Des illustrations vraiment originales pour revisiter le mythe du grand Ulysse. Un beau voyage.
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critiques presse (2)
BDGest
27 juin 2023
Une agréable relecture de l’œuvre d’Homère, dans un ouvrage magnifique qui a révélé un artiste exceptionnel.
Lire la critique sur le site : BDGest
LigneClaire
11 avril 2023
Pénélope, Ithaque, le rêve a son prix, son voyage, Nausicaa, sera-t-il celui enfin du bonheur ? Une vraie splendeur cet album enrichi d’un cahier graphique en fin. Le trait de Serio s’y montre impressionnant.
Lire la critique sur le site : LigneClaire
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
La première fois que j’ai vu les dessins d’Andrea Serio, j’ai pensé sur le champ qu’ils seraient parfaits pour conter une histoire se déroulant dans le bassin de la Méditerranée et reflétant les mythes et valeurs les plus authentiques de notre culture. Parmi les valeurs que j’avais envie d’explorer, il y avait celles liées au féminin, c’est-à-dire se rapportant à ce très ancien substrat culturel qui, d’après certains anthropologues, a caractérisé les premières sociétés matriarcales. Le terme Féminin ne recouvre pas une prérogative exclusive de la femme, mais un mode d’être, une qualité de l’âme qui peut aussi appartenir à l’homme. L’historien et sociologue suisse Jakob Bachofen (1815-1887) a réalisé une impressionnante étude sur le matriarcat, dans laquelle il identifie comme attributs du féminin l’imagination, la sensualité, l’exécration de la guerre, l’acceptation du différent et de l’étranger, l’ouverture envers les nouvelles cultures, la capacité à s’abandonner aux sens, ce qui a trait au rire et à la jouissance. Avec mon histoire, je voulais opposer ce monde et ses valeurs à l’idée de la vie et des rapports interpersonnels qui caractérisent, au contraire, la société patriarcale qui a prévalue sur le matriarcat qui l’avait précédé sans pour autant le supprimer. – Bepi Vigna
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J’étais une jeune fille comme toi quand j’ai commencé mon ouvrage, et j’étais désormais devenue une femme le jour où son navire rentra au port d’Ithaque. Mais à peine le revis-je que les rares bons souvenirs de lui furent anéantis par d’autres évocations et d’autres souvenirs. Je me suis brusquement rendu compte qu’il n’était pas le héros qui avait longtemps peuplé mes rêveries. Ce héros n’avait jamais existé. Je me suis rappelé comme il tenta, en lâche, de se soustraire à la guerre en feignant la folie. Et ces ragots sur une courtisane dénommée Circé à qui il recourait, disait la rumeur, pour assouvir ses plaisirs et ses intérêts. J’ai repensé à ce berger venu ici réclamer vengeance, se plaignant d’avoir été estropié et volé. Et aux vices, aux tromperies, aux mensonges, et aux mille noms qu’il employait pour bafouer les dieux et son prochain. Les yeux d’une femme voient ce qu’une jeune fille ne parvient pas à imaginer. Et c’est ainsi que l’amour qui avait rempli mon attente disparut comme par enchantement.
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Après cette nuit-là, pour Nausicaa, les heures du jour deviennent un tourment. Elle abhorre le soleil qui parcourt le ciel. Elle abhorre la lumière qui l’oblige à cacher ses sentiments. Elle supporte désormais douloureusement de partager avec les autres la présence d’Ulysse. Elle est devenue jalouse de la fascination que provoquent ses récits comme sin en les narrant, il lui déniait le plaisir exclusif de l’écouter. Nausicaa écoute mais sans intérêt. Elle attend le coucher du soleil et le moment où Ulysse la rejoindra dans sa chambre. Elle convoite seulement les heures sécrètes où elle sera encore à lui.
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Qu’avez-vous, marins ? Vous me regardez comme si vous n’aviez jamais vu de femme auparavant ! Je sais bien que le feu vous brûle de l’intérieur. Mais j’ai pour habitude de choisir avec qui je partage mon plaisir. Vos regards lubriques me rappellent ceux des porcs qui s’attroupent autour d’une truie. Viens à moi Ulysse. Tu peux te sauver, mais seulement si tu démontres que tu sais être un homme. Mes nuits sont froides et je me sens seule… Si seule.
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Une fois de plus, quelque chose en ce récit a troublé l’âme de Nausicaa. Mais elle ne sait en analyser la raison. Ce n’est que plus tard qu’elle comprend. Cette nuit-là, tandis qu’Ulysse la fait sienne et qu’elle se sent envahie de bonheur et d’espoir, elle se rappelle ce qui est arrivé à son homme et à ses marins. Elle repense à leur joie quand ils aperçurent l’île inconnue, et au désespoir qui s’empara d’eux quand ils comprirent que ce n’était pas un lieu de salut, mais d’expiation.
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