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EAN : 9791026706755
289 pages
Champ Vallon (06/06/2019)
4.5/5   2 notes
Résumé :
En se plaçant au-dessus des partis, le président Macron abuse d’une recette éprouvée depuis 1793. Le pouvoir exécutif, en la personne d’un sauveur, supplante le pouvoir législatif au risque de fragiliser la démocratie représentative. La modération du centre est censée constituer une réponse aux postures de droite et de gauche, repoussées aux extrêmes. La saison des tourne-veste prétendant inventer une nouvelle morale politique pour légitimer leur renoncement répète ... >Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un compromis ou une compromission ?

Le concept socio-politique d'Extrême-centre" a été défini par l'historien Pierre Serna en 2005 dans son ouvrage "La République des girouettes": il emploie ce terme pour caractériser le mode de gouvernement en France du Consulat à la Restauration.

Dans ce nouvel essai, cet historien développe ce concept pour mettre en évidence les racines dans les réactions aux troubles civils des guerres de religion, de la Fronde ou aux déconsidérations monarchiques dues à la guerre de Sept Ans ;

il en montre ensuite les parallèles qui peuvent s'établir entre la période d'émergence d'un tel mode de gouvernement — du Gouvernement révolutionnaire au Directoire, puis à l'Empire et à la Restauration — et la période actuelle dans la France depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017.

Un plan (presque !) chronologique :
- chapitre 1 : l'étrange victoire
- chapitre 2 de l'Ancien régime à la naissance de la République
- chapitre 3 : Thermidor ou la Démocratie en marche arrière...
- chapitre 4 : le Directoire : de la République en marche à la course de Bonaparte
-- chapitre 5 : L'extrême centre face à son péril jaune : 1815-2019
- chapitre 6 le macronisme est-il un extrême-centre comme les autres ?
Conclusion : 2002-2022 : La France en extrême danger.

En Introduction, Pierre Serna rappelle que la Révolution est la matrice de notre République démocratique ; elle a inventé toutes les politiques possibles, de la monarchie constitutionnelle (1789-1791) à la République césarienne (1799-1802) en passant par la République en Etat d'urgence (1792-1795) et la République libérale et conservatrice (1795-1799).

L'auteur rappelle les trois éléments qui définissent l'extrême-centre :
- la modération aux exagérations, le centre oppose calme, tempérance, sérénité et modération...
- le girouettisme : le centre attire, débauche, réunit et récupère les acteurs déçus.
- en tant que centre extrême, il se concentre sur le pouvoir exécutif. le pouvoir législatif étant muselé, contrôlé ou au service du prince...

Dans le deuxième chapitre (celui qui est le plus dense et le plus innovant), l'historien rappelle que la notion d'Extrême-centre" existe depuis l'ancien régime les structures royales et religieuses sont remises en cause lors de trois moments : les guerres de religion au XVIe siècle, la Fronde au XVIIe siècle et la remise en cause du pouvoir du roi au XVIIIe siècle.

Dans le siècle des Lumières, les philosophes développent de nouvelles idées : auparavant, John Locke en 1690 pose le fondement d'un contrat entre le peuple et son roi Montesquieu exige la stricte séparation des pouvoirs pour contenir l'arbitraire du pouvoir exécutif ; Voltaire (la série en cours sur France 3 sur la jeunesse De Voltaire est très éclairante) réclame la liberté d'expression et dénonce l'essence divine du pouvoir et défend la laïcité.

Durant la Révolution, les modérés dits "impartiaux", dénoncés par Camille Desmoulins, ils prospèrent dans l'ombre des confrontations ; Ils s'arc-boutent sur une idéologie du juste milieu, de la défense de la propriété et d'une autorité suprême garante d'un ordre public qu'il convient de défendre (Malouet, Vergniaud, Barnave...)

Même Maximilien Robespierre, entre octobre 1793 et février 1794, théorise un nouveau centre avec les notions de positionnement idéologique, de centralisation des moyens de commandement et l'idée de centralité de la Loi !

Une étude des tableaux du peintre Jacques-Louis David et de son évolution politique (ami et soutien indéfectible de Robespierre jusqu'à l'adoration de Bonaparte !) est vraiment très intéressante.

Tant qu'à Barère, il est l'homme de tous les centres, de tous les compromis, de presque tous les régimes...

Le politique de l'an III (1795) entretient l'illusion d'un ralliement autour d'une République réconciliée, mais dans les faits, pratique une politique de répression de toute forme d'opposition.

Dans le chapitre 5, une étude pointue des publications au XIXe siècle est riche d'enseignements.


Cet essai est brillant, bien argumenté et convaincant.
Il oscille entre un essai historique et un essai politique.

Il invite à renouveler les idées sur la Révolution française, qu'il faut bien connaître tout de même.
Il explique les différents pouvoirs, exécutif et législatif, face à face.



Même si les passages d'analyse sur la politique de Macron, même intéressants, m'ont lassée...

Il a été imprimé en mai 2019 et j'ai hâte de connaître l'analyse de Pierre Serna, après la fin du mandat de Macron !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Tout l'art de la politique présidentielle est d'éloigner le regard et l'observation de l'échec global d'une politique libérale, construite pour défendre les nantis du système, en pratiquant ici et là la charité, en saupoudrant de mesurettes sa politique écologique et en menant en réalité à la catastrophe sociale et environnementale.
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est-ce une radicalité coupable d'être fidèle à ses principes quelles qu'en soient les conséquences ? Est-ce une vertu que la souplesse de l'adaptation permanente et le renoncement à ses idéaux au nom de l'impératif du réel et de ses contingences ?
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La République est bien là. Les historiens savent cependant qu'une République peut être autoritaire. Les exemples historiques ne manquent pas. Dès l'origine à Rome, avec ses dictateurs, dans l'Italie de la Renaissance avec ses condottières, en Amérique latine avec ses caudillos. Les Révolutions américaine et française ont inventé un palliatif à cela qui constitue la modernité politique dans laquelle nous vivons encore, la démocratie comme balance des libertés pour équilibrer le pouvoir exécutif que ne manquent jamais de s'arroger les présidents des Républiques comme un tropisme auquel ils ne peuvent et ne savent résister. Sans République, la démocratie devient rapidement la démagogie de la délibération procédurale et confuse. Mais sans la démocratie et nous vivons ce moment de crise grave, la république dérive inexorablement vers son aspect autoritaire.
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Dans quel état de mauvaise peur, mauvaise conseillère, vivons-nous pour accepter ces manquements à nos libertés et entrer dans des formes de consentement qu'un Hobbes avait théorisées, il y a plus de trois cent cinquante ans en 1651 dans le Leviathan ?
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Vidéo de Pierre Serna
Ciné-Débat Avec Bertrand TILLIER, historien des images, Raphaël MEYSSAN, réalisateur, Pierre SERNA, historien
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