Les Français avaient la parole …
Un livre avec une très belle couverture cartonnée reprenant des textes inédits des cahiers de doléances rédigés par les Français de janvier à avril 1789.
Présentés après une introduction de
Pierre Serna, qui explique la situation ; le roi Louis XVI opère un choix politique calculé mais risqué : il convoque les Etats généraux pour le 1er mai 1789, afin de sortir le royaume de la crise politique, économique et sociale dans laquelle il est plongé depuis la défaite humiliante de la guerre de Sept ans contre l'Angleterre (1756-1763). Il invite ses sujets à à lui écrire leurs plaintes.
C'est ce qu'ils feront en rédigeant les Cahiers de doléances au roi, malgré un règlement complexe.
Les cahiers sont conservés aujourd'hui dans les archives municipales, départementales et nationales. Mais aussi dans les bibliothèques (BNF) ou les collections des particuliers.
Les travaux historiques des quarante dernières années ont entièrement renouvelé une approche stigmatisante - qui réduisait ces milliers de pages à des modèles préparés dans leur majorité par la bourgeoisie urbaine - pour leur redonner toute leur importance.
Même les plus modestes s'y expriment, disent ce qu'ils pensent : ils dénoncent un monde injuste, ils racontent leur vécu de dominés, exaspérés par leurs conditions de survie.
Bien sûr, les notaires, les avocats, les hommes de loi, les médecins, les lettrés rédigent des modèles à signer.
Des plaintes mesurées aux critiques sévères, les récriminations fleurissent sur ces cahiers : c'est le ciment de la contestation. Tout le pays se dresse contre le régime fiscal dont il ne veut plus. Il réclame l'égalité devant l'impôt et décrit son affrontement perpétuel avec les gabelous, les soldats de la ferme général chargés de lever les impôts.
Les cahiers traduisent aussi une autre demande : faire cesser les entraves, les contraintes qui brident l'initiative privée et provoquent chômage et pauvreté.
Les Français refusent l'organisation sociale héritée du Moyen Age et ne supportent plus que leur position sociale soit validée selon leur naissance.
Ils contestent aussi la justice qu'ils perçoivent comme violente, injuste, cruelle et barbare.
Ils reprennent les idées du siècle des Lumières contestant l'idée d'un roi tout puissant, faisant seul la loi avec ses conseillers
La quatrième doléance repose sur la demande de liberté :liberté économique et, aussi contradictoirement, l'absence d'intervention du pouvoir pour limiter la pollution et la concurrence déloyale des produits anglais à bas prix.
Des demandes de bonheur apparaissent aussi sur les notions de fondements stables (une constitution rédigée par une Assemblée nationale).
A la lecture de ces cahiers, on sent qu'une révolution culturelle et politique se prépare ; ils prouvent qu'une volonté radicale de changer les rapports entre le pouvoir exécutif et la nation s'affirme et doit être inscrite dans la Loi.
Des doléances nouvelles sont aussi inscrites dans ces cahiers, où on demande le mariage des prêtres, le divorce, une éducation nationale libre et obligatoire pour les enfants des deux sexes.
Tout le programme de la Révolution se trouve dans ces cahiers qui révèlent une modernité exceptionnelle !
Heureusement que tous ces écrits ont été conservés et permettent de se faire vraiment une idée de la vie à la fin du XVIIIe siècle.
L'ouvrage présente ces cahiers par thèmes :
- ordres et désordres
- les Français contre les impôts et pour la loi, le droit et la justice
- L'économie politique, écologique, la propriété
- Les bonnes moeurs
- Citoyen, souveraineté et Nation
De lecture aisée, les articles sont agrémentés de très belles reproductions de tableaux, de pamphlets, d'images et des photographies des cahiers…
Que c'est émouvant de lire tous ces passages où nos ancêtres exprimaient simplement leurs conditions de vie et croyaient en l'avenir !