Les cadets bénéficient, au sein de cette société française enrichie, de ce qui relevait alors du superflu : la partie du budget familial concernant les loisirs et les pratiques culturelles. Les ''jeunes'' constituent dès lors un marché, avec la naissance de la notion d'argent de poche, entraînant la création d'une culture de masse juvénile qui imprègne rapidement celle des adultes : une rareté dans l'histoire.
La sécurité de l'individu désormais plus grande face aux aléas de l'économie et plus largement de la vie, la frugalité et la prévoyance ont, dès lors, moins de raisons d'être. Le desserrement de contraintes économiques induit donc presque mécaniquement celui des anciens contrôles sociaux. Cette tension est l'un des moteurs du basculement anthropologique qui commence à s'opérer.
Génération des baby-boomers à la fois Narcisse, Peter Pan et Robinson. Ayant toujours reçu une image flatteuse d'elle-même, censée guérir de ses maux l'ancien monde ; subit un vieillissement différé, retardé grâce à l'allongement de la durée de vie ; enfin, différente de celles d'avant comme de celles d'après.
La France connaît un demi-siècle seulement de profonds bouleversements, ce qui fait que la population actuelle est composée pour moitié de ceux qui ont assisté et pris part à ces révolutions, et pour l'autre moitié de ceux qui en sont le produit.
Les villes sont des lieux de brassage social, aux imaginaires plus composites et volatils que la société rurale qui fixait les stéréotypes, empêchant la circulation et l'évolution des représentations collectives.
Valéry Giscard d'Estaing nous a quittés mercredi 2 décembre 2020, à 94 ans, après un parcours politique et intellectuel qui a laissé des traces.
Son destin est lié, semble-t-il, à un événement extraordinaire : la mort d'un président, Georges Pompidou, qui l'oblige à mener une campagne éclair. Dans une France d'après les Trente-Glorieuses et de Mai-68, élu en 1974, il est le premier non-gaulliste à s'emparer de l'Élysée. Se voulant l'incarnation du changement et de la modernité - à 48 ans, il est alors le plus jeune président élu -, il donne à sa campagne un slogan évocateur : "Le changement dans la continuité".
Pour en parler, Jean-François Sirinelli, historien, auteur d'une série de livres, "Les années Giscard" (Armand Colin), ainsi que de plusieurs essais sur la vie intellectuelle et culturelle de la France sous la Ve République.
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