Le temps de la peau de
Anja Snellman, ce titre m'a tout de suite attiré, je ne sais pourquoi cette combinaison de mots a suscité en moi de forts horizons d'attente.
Le temps de la peau c'est en fait celui du temps de la vie qui s'achève, celui de la vieillesse, de la maladie, celui du travail de la mort parcheminant la peau. Hôpital de Koskela en Finlande, après trois années à accompagner sa mère, se relayant avec sa soeur aînée, la narratrice au chevet du lit de mort se rappelle. le deuil fait ressurgir des cendres une vie qu'elle n'a pas saisie, elle découvre et réfléchit sur le chemin parcouru par sa mère, une inconnue aux secrets bien gardés qu'elle a apprivoisée grâce à l'intimité des derniers jours, une «épouse d'alcoolique», un blessé de guerre.
Le temps de la peau c'est aussi le temps des amours, du désir et de la sensualité.
A travers la réécriture de ses souvenirs, l'album de photos de famille, des recherches dans les archives, la narratrice dessine les contours d'une femme amoureuse et libre, une mère « aux yeux d'alcôve », au final très différente de la femme battue, ménagère discrète et austère qu'elle a connue enfant.
Dans un contexte de crise hospitalière (coupes budgétaires, manque de personnel etc...),
Anja Snellman amène son lecteur dans un récit introspectif, de l'enfance à l'âge mûr proche dirait-on d'une autofiction où elle aborde la filiation, la transmission, la sexualité, la condition des femmes.
En filigrane le passé de la Finlande des deux derniers siècles écoulés est évoqué, de l'époque du grand-duché de Russie aux guerres contemporaines.
Des réalités des soins palliatifs aux relations mère-fille,
le temps de la peau entraîne le lecteur dans un tourbillon de sentiments contraires en partageant les sentiments et les ressentis de la narratrice: des humiliations à la résilience, le temps des adieux précédera au temps de l'absence.
Une oeuvre touchante, poétique et réaliste portant des thématiques universelles.
Publié en 1993, traduit du finnois par
Anne Colin du Terrail,
le temps de la peau a été adapté au théâtre en 1994 et au cinéma en 1998.
« La Mort est délivrance, elle sait que le Temps
Quotidiennement nous vole quelque chose
La poignée de cheveux et l'ivoire des dents
La Mort
La Mort… »
Extrait de Ne chantez pas la mort, paroles de
Jean-Roger Caussimon, interprétation
Léo Ferré