Cara Solak nous propose une romance-dystopie, dans un monde qui tente de se reconstruire après la « grande catastrophe ». Une majorité de la population devenue stérile, les rares féconds sont cloitrés derrière les murs d'imposantes cités, elles-mêmes divisées en districts.
Tout est millimétré, calculé, étudié afin de repeupler la Terre : les accouplements sont obligatoires et forcés, les couples choisis selon des algorithmes au détriment des sentiments humains, les femmes ne sont plus que des « mères porteuses-pondeuses » : elles doivent enfanter beaucoup, et vite, mettant parfois en danger leur santé.
Et les émotions comme l'amour, l'amitié, sont bannies.
Si l'aspect procréation est très surveillé, c'est aussi le cas de la vie en général, dans une société telle que Valeria où habite Lilas.
Lilas, une jeune femme de vingt-neuf ans, féconde, qui cumule deux métiers : médecin et assignée au ministère de la procréation. Derrière ses sourires factices se dissimule une peur incontrôlable de briser les règles. Lilas interprète alors le parfait petit mouton, désirant se fondre dans la masse, tout pourvu qu'elle ne subisse pas les foudres des Gardiens, cette « police » consacrée à la maitrise du peuple.
Les moindres faits et gestes sont avisés, jusqu'au rythme cardiaque…
Lilas est forte dans sa soumission. Forte pour encaisser, forte pour sourire malgré la terreur et l'indignation, forte pour avancer en dépit de son passé… Forte pour survivre.
Jusqu'à ce que cet étranger bouleverse l'ordre établi et la plonge dans l'océan de ses propres doutes.
Le monde créé par
Cara Solak est clair, net, précis. Nous sommes rapidement plongés en Valeria, avec ses codes, ses lois, grâce au point de vue de Lilas qui nous emmène avec elle dans ses rues austères et ultramodernes. Les détails importants sont soulignés ; l'autrice va à l'essentiel et nous partage juste ce qu'il faut afin d'étoffer notre imagination.
Tout n'est pas explicité dès le départ, il faut aussi attendre certaines révélations, souvent amenées sous forme de twists haletants.
Cara Solak imagine un avenir alarmant, basé sur les ruines de nos propres villes. Un petit doigt pointé sur la dangerosité des pesticides et des conséquences sur le long terme pour l'humanité. Qu'a-t-il bien pu se passer pour nous en arrivions là ? Pourquoi n'avons-nous pas réagi plus tôt et en quoi cela a-t-il pu impacter la fertilité humaine comme animale ?
Les piliers du monde sont posés, reste à savoir si tout est vrai ou illusoire.
Une bonne partie du roman peut reposer sur ses protagonistes.
Lilas est une héroïne ambivalente. Elle ne se présente pas comme une héroïne dite badaude, parfaite sur tous rapports et capable de prodiges. Lilas est une femme ordinaire, propulsée dans une société déshumanisée et avilissante. Elle est sujette à ses peurs : survivre, c'est une nécessité, son but premier. L'altruisme est suicidaire.
Et son bon coeur ainsi que sa loyauté ne sont souvent pas d'accord avec les murmures de la prudence.
Mais Lilas est aussi têtue et bornée, et son évolution la pousse à aller au-devant du danger.
D'autres personnages entrent en scène bien entendu, comme Juliette, Luke, Franck, Martha, Alana, Lincoln… La liste n'est pas terminée, mais si vous avez l'impression qu'ils sont nombreux, pas d'inquiétude :
Cara Solak prend le soin de bien les définir. Ils s'impriment ainsi assez bien dans nos esprits et nous les remettons aisément.
Bien entendu, il y a le fameux « étranger » que nous ne nommons pas volontaire. le second héros principal. Un homme entouré de mystères, charismatique, et déterminé. Sans être le parfait opposé de Lilas, on peut trouver un certain équilibre dans ce duo ; il se complète très bien.
Étrangers, c'est un roman avec de nombreuses actions, nourries par l'oppression et la révolte. C'est aussi de l'humour, du suspense, et des rebondissements. Nombreux rebondissements.
Cara Solak aime jouer avec nos nerfs, prenant sans doute plaisir à nous suspendre au bout du fil qu'elle tient sans savoir si nous allons pouvoir continuer en équilibre ou chuter.
Mais c'est une aussi une romance, parsemée de sensualité délicate. Pas d'érotisme ou de scènes charnelles à n'en plus finir.
Cara Solak utilise le sexe comme outil, pour décrire l'horreur et l'injustice que subissent les habitants de Valeria/Lilas, et pour approfondir la relation entre les personnages. Nous ne sommes pas dans la romance « lourde », où tout est fait pour parler à nos sens avant nos émotions.
Ici, les deux sont liés.
La plume de l'autrice est efficace tant dans ses descriptions, sa narration que dans le développement des introspections. Encore une fois, nous allons à l'essentiel, mais cela n'empêche pas quelques envolées sympathiques, servant à appuyer les émotions et la psychologie des protagonistes. À la portée de tous, elle permet une lecture très fluide et entrainante, nous poussant à faire défiler les pages les unes après les autres.
Pas de temps mort ou presque, le rythme est riche et constant. Les braves n'ont pas de repos.
Quant au final ? Eh bien, tout dépendra de vous. Très surprenante, elle est capable de vous mettre une sacrée gifle. Bonne ou mauvaise ? Il faudra lire pour le savoir.
Dans tous les cas, cette « conclusion » amène le lecteur à attendre la suite avec impatience : c'est une explosion de nouvelles questions, rendant ainsi le tome 2 indispensable pour contenter la frustration.
Étrangers de
Cara Solak est une romance-dystopie bien écrite, capable de nous sensibiliser, mais aussi de nous évader. Elle nous transporte dans un univers — pourtant le nôtre — où les apparences sont trompeuses et la condition humaine révoltante. de quoi nous donner envie de prendre les armes pour aspirer à notre liberté.
Est-ce que la fin justifie réellement tous les moyens ?
Tous les sacrifices sont-ils justes pour sauver l'humanité ?
Comment différencier la vérité de l'illusion ?
Un nouveau roman très prometteur chez Plumes du Web !
Lien :
http://marmiteauxplumes.com/..