On pourrait appeler ça la haine ordinaire ou la folie ordinaire.
Thibaut Solano a enquêté sur les trois ans qui ont précédé l'assassinat de Grégory Villemin. Une enquête instructive et passionnante qui met en évidence la genèse de l'affaire. Ainsi le climat délétère qui régnait parmi les membres de cette famille d'ouvriers. Les petites mesquineries et grandes susceptibilités de ses membres déchirés par la jalousie et les secrets inavouables (folie, suicides, inceste, adultères, enfants naturels).
Un terrain fertile pour qui veut semer la zizanie. Tel le couple qui insulte et menace les Villemin au téléphone, cherchant à les blesser et les diviser (un harcèlement qui a ses plagiaires, moins cruels que les originaux, mais tout aussi lâches). Un couple de corbeaux donc, lequel connaît non seulement les petits et les grands secrets de chacun, mais aussi leurs agissements de tous les instants — à croire qu'il fait partie de la famille...
Le point d'orgue de toute cette boue est la mort d'un enfant, celui du « chef » qui, passé d'ouvrier à contremaître, a mieux réussi que les autres aux yeux de ou des assassins. Terrible et fou.
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Si ce livre ne nous offre pas sur un plateau le nom de l'assassin de Grégory Villemin, il nous plonge en tout cas au coeur d'une famille Vosgienne qui paraissait ordinaire, mais au sein de laquelle de lourds secrets et de farouches jalousies ont conduit un ou plusieurs de ses membres à tuer par vengeance ce petit être innocent.
Cette voix rauque, c'est celle d'un individu, un homme comme semble l'identifier certains, qui, parfois relayé par une voix de femme, a harcelé la famille Villemin pendant des années. Des centaines d'appels, tout d'abord dirigés vers les grands parents, puis ensuite d'autre membres de la famille pour enfin se focaliser sur Jean-Marie et sa femme Christine.
Les corbeaux qui dans un premier temps se contentaient de faire des blagues très douteuses, sont soudain devenus menaçants, allant même jusqu'à prendre le risque d'être reconnus en allant menacer Christine chez elle lorsque Jean-Marie travaillait à l'usine. Car ces corbeaux étaient particulièrement bien renseignés sur tous les agissements des Villemin. Depuis ce qui ce disait le dimanche au cours des repas familiaux chez les grands-parents, jusqu'au mobilier de leur maison, en passant par les horaires de chacun, les visites, et même l'installation de rétroviseurs sur une partie de sa maison par Albert Villemin pour piéger le corbeau. Rien ne semblait échapper à la vigilance sans faille du corbeau, qui semblait épier chaque geste de la famille.
Alors qui, qui scrutait, observait, harcelait, menaçait, qui parmi les Laroche, les Jacob, les Jacquel, les Bolle, nourrissait suffisamment de jalousie et de haine envers Jean-Marie Villemin pour tuer son fils Grégory.
Thibaut Solano n'apporte pas de réponse catégorique, mais cette plongée vertigineuse au coeur de cette famille, nous éclaire sur des personnages à la personnalité parfois ambiguë. On comprend alors beaucoup de choses sur les protagonistes éventuels de ce crime.
En 1984, l'assassinat de Grégory m'avait bouleversée, et aujourd'hui, j'aimerai tant que ses parents sachent enfin la vérité. Je suis de nature assez curieuse, et, la lecture de cet ouvrage m'a conforté dans mes convictions. Si les corbeaux étaient aussi bien renseignés, c'est que d'une part ils apprenaient beaucoup de choses de certaines personnes qui fréquentaient le cercle familial, et que d'autre part, depuis le lieu où ils habitaient, ils pouvaient observer la maison des grands-parents sans être repérés…..et j'en conclue, sur les hauteurs d'Aumontzey. Et puisque les lettres anonymes ont succédées aux appels téléphoniques, jusqu'à cette fameuse lettre de revendication du crime, les corbeaux et les assassins ne font qu'un. A partir de ce constat, assez facile à établir, je ne peux que conclure que l'assassin ou les assassins de Grégory auraient dû être identifiés et interpellés depuis longtemps. Mais, ça, c'est une autre histoire…..
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Quel noeud de vipères ! Quelles haines ! Quels secrets de famille ! Quels non-dits !
Cette lecture est bouleversante.
Alors, ne vous attendez pas à de la bonne littérature ; ce n'est pas du tout le cas. Mais c'est tout de même bigrement efficace.
Lu très vite, les caractères sont très gros.
C'est un livre sur "l'avant Grégory", c'est à dire avant son assassinat.
Depuis des années, la famille Villemin avait eu affaire à un ou plusieurs "corbeaux" qui les harcelaient presque quotidiennement au téléphone et, plus rarement, par lettre.
Je ne raconterai pas par le menu tous ces événements, mais sachez que je n'ai jamais vu une telle haine, un tel acharnement dans une même famille.
On dirait un roman tant c'est épouvantable.
Ils se détestent tous, se jalousent, il est question d'inceste, d'enfants illégitimes, de "coucheries", d'accusations, et j'en passe.
Désolée pour les familles, mais c'est un entrelacs d'alcooliques, de féroces malades mentaux, d'handicapés, de suicidés, de fous furieux, c'est d'un glauque !
Lecture facile et parfois difficile car j'ai eu à de nombreuses reprises la désagréable impression d'être une petite souris "voyeuse" qui aurait regardé toutes ces horreurs par le trou de la serrure.
Quoi qu'il en soit, Grégory était condamné d'avance.
Pour moi, point de malédiction.
Dolto, et bien d'autres adeptes de la psychanalyse et de la transgénérationnalité vous expliqueraient mieux que moi que ce sont presque toujours les garçons qui pâtissent de ses secrets de famille, et terribles non-dits.
Et c'est en cela que la lecture de ce livre est intéressante, si je puis dire...
Pourquoi les garçons ? Mystère.
En tout cas, ce pauvre enfant a payé de sa vie les crimes et les fautes de ses ancêtres.
De cela, j'en suis persuadée.
Ce pauvre petit bonhomme n'avait aucune chance.
Face à tant de haine.
En somme, un enfant-sacrifice.
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[pour que] La prospérité de Jean-Marie [Villemin] suffise à provoquer l’assassinat d’un enfant, c’est que la haine devait ... alimenter d’abyssales frustrations. Il fallait que ... cette détestation se mue en folie.
Retrouvez l'émission intégrale ici : https://www.web-tv-culture.com/emission/55306_presentation/les-noyes-du-clain-52753.html
Voilà un auteur de premier roman. Mais en termes d'écriture, il est loin d'être à son coup d'essai puisque Thibaut Solano est journaliste.
Une vocation née lors d'un boulot estival dans une rédaction de Corrèze. Et à côtoyer les journalistes locaux, toujours sur le feu, Thibaut Solano avait trouvé sa voix. Depuis, il a pas mal bourlingué, passant du quotidien régional « La montagne » à l'heddo national « L'express ». IL est aujourd'hui en charge des pages Web du journal Marianne.
Mais l'intérêt de Thibaut Solano va avant tout au faits divers dont il cherche à dénouer les fils, à comprendre les enchainements et comment M. & Mme Tout le Monde peuvent, du jour au lendemain, faire la une des journaux. Sur cette thématique, on lui doit deux ouvrages, fruits d'enquêtes de longue haleine, « La voix rauque » sur l'affaire Gregory et « Les disparues », livre qui retrace cette inquiétante histoire de femmes disparues dans le quartier de la gare de Perpignan.
Mais Thibaut Solano a aussi un goût prononcé pour l'écriture littéraire et l'envie de franchir le pas le taraudait. C'est chose faite avec ce premier roman « Les noyés du Clain » paru dans la collection « le bête noire » de Robert Laffont.
Il s'agit bien d'un polar puisqu'il y a enquête mais le personnage central n'est pas policier mais bien journaliste ou plus précisément un jeune étudiant qui, cherchant un job d'appoint s'est retrouve pigiste dans la rédaction d'un journal local de Poitiers. Là, se piquant au jeu de l'investigation, notre journaliste en herbe va s'intéresser à ces noyades inexpliquées, celles de jeunes étudiants que l'on retrouve dans la rivière qui traverse Poitiers, le Clain.
S'inspirant d'un fait divers authentique qui revient régulièrement dans l'actualité,,Thibaut Solano signe un premier polar très réussi que l'on dévore. Il y a dans ce livre du Chabrol et du Simenon. Les atmosphères et les ambiances y jouent le premier rôle, les personnages cachent tous des secrets et des failles, et lorsque l'enquête du jeune journaliste semble avancer, un nouveau caillou vient se glisser dans sa chaussure. Accidents, agressions ayant mal tournées, rites sacrificiels, que s'est-il réellement passé pour que ses jeunes étudiants à l'avenir prometteur finissent noyés dans les eaux sombres d'une petite ville de province.
Oppressant, haletant, intriguant, le premier roman de Thibaut Solano est une réussite.
« Les noyés du Clain » de Thibaut Solano est publié chez Robert Laffont.
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