Trop d’argent et trop d’ostentation, mais un visage chaleureux et quelque chose en plus... Quoiqu’elle parût très satisfaite d’être riche et bien habillée, on sentait que ses aspirations profondes étaient plus nobles. Enfin, elle donnait l’impression d’être bien dans sa peau et sa grâce naturelle faisait plaisir à voir. Elle avait gardé un visage très jeune, mais ses cheveux blond cendré étaient parsemés de petites mèches argentées. Elle faisait vaguement penser à un chat siamois, sans doute à cause du bleu délicat de ses yeux. Rien qu’à la voir, on avait envie de la connaître.
Une conversation téléphonique ne vaut pas une caresse ni le contact des bras qu’on aime, ni la joyeuse complicité des regards qu’on échange entre amoureux.
C’était peut-être parce qu’elle n’aimait pas l’imprévu qu’elle n’avait jamais eu envie d’avoir un enfant... Un enfant, c’est de l’imprévisible, quelque chose qu’on ne peut définir avec précision. On ne sait jamais d’avance quelle sera son apparence ou sa façon d’être. On ne peut même pas prévoir le moment exact de sa naissance ou ce qu’on en fera une fois qu’il sera là. Rien qu’à la pensée d’être mère, Jessica se sentait mal à l’aise. C’était tellement plus simple de vivre à deux, d’être Jessie et Ian, rien qu’un couple, et de ne pas avoir de rival dans le cœur de l’autre !
Ce jour-là, il trouvait la vie merveilleuse : elle semblait s’offrir à lui dans toute sa somptuosité. Il venait de passer la matinée à travailler sur le troisième chapitre de son roman et, soudain, ses personnages s’étaient mis à vivre, à ressembler à ces gens qui marchaient dans l’avenue, qui flânaient, qui riaient, qui s’amusaient. Et, pour lui, les êtres sortis de son imagination faisaient déjà partie de la réalité. Il connaissait leurs moindres secrets, puisqu’il était leur père, leur créateur, leur ami. Ian trouvait vraiment réconfortant d’avoir recommencé à écrire.
A la voir ainsi pieds nus dans l’eau courante, une manche retroussée et ses cheveux blonds relevés au sommet de sa tête, il avait l’impression de se trouver devant une apparition, en présence d’une nymphe venue du fond des âges et déguisée en amazone. Il était rare de rencontrer pareille beauté au fond de la « province » et, qui plus est, perdue dans les collines en train de se rafraîchir à la rivière. Elle avait l’air de sortir d’un vieux tableau champêtre et il eut envie de s’approcher pour s’assurer de sa réalité. De la toucher.