À Cracovie au début de l'automne 1893, c'est la panique au sein de la maison Hercel, hébergement de charité à deux vitesses où les résidents les plus aisés finissent leur vie quasi comme avant, en payant pour les déshérités qui ne le peuvent pas. Et ce matin,
Madame Mohr a disparu.
Le suspense ne dure pas longtemps puisqu'elle est retrouvée morte dans le grenier, rejointe 48h plus tard par un deuxième cadavre. Il n'en faut pas beaucoup plus à Zofia Turbotyńska, bourgeoise visiteuse assidue de la maison Hercel, pour endosser l'habit d'enquêteuse dont elle rêve et tenter d'attirer au passage un peu plus de lumière sur sa vie trop terne.
Bon, on ne va pas se mentir, je ne suis pas le plus grand fan des polars historiques, mais en sortant chez Agullo, ce
Madame Mohr a disparu de
Maryla Szymiczkowa (nom de plume du duo d'auteurs
Jacek Dehnel et Piotr Tarczinsky, traduits par
Marie Furman-Bouvard) a attiré mon attention, car on est rarement déçu dans cette maison-là.
Les amateurs de mécanique policière léchée et complexe en seront pour leurs frais, la facilité et les opportunités aidant bien souvent notre néo-enquêtrice polonaise à faire progresser ses déductions. Pas grave, car l'essentiel n'est pas là.
Le sel de ce roman réside avant tout dans le parti-pris des auteurs de jouer à fond la carte du second degré, en faisant de Zofia une héroïne (appelée à devenir récurrente) pastiche du hall of fame des grands enquêteurs de polars littéraires.
Bien sûr, on ne peut s'empêcher de penser à une Miss Marple égarée sur les bords de la Vistule, mais aussi aux petites méninges de Poirot quand Zofia turbine et décante devant son Tombeau de Napoléon, sans oublier le côté ouragan d'une Imogène qui aurait débarqué au coeur de la bonne société Cracovienne.
Les auteurs peuvent alors s'en donner à coeur joie pour croquer cette société polonaise d'un XIXe siècle vieillissant à travers une galerie de personnages truculents : Zofia notable mais pas noble (et c'est là qu'est l'os) et poète médiocre ; son mari Ignacy, professeur effacé et prêt à laisser libre cours aux fantaisies de sa femme dès lors qu'il peut lire son journal et que le repas est prêt à l'heure ; sans oublier la soeur Alojza, ou la servante Franciszska, personnages secondaires aux rôles prépondérants.
On plonge enfin dans la grande vie du Cracovie de l'époque, grand village que l'on ne peut traverser sans rencontrer et saluer une connaissance, au rythme de ses temps forts inspirés de la réalité : l'inauguration de l'opéra, les obsèques du grand peintre Matejko, les bouleversements politiques en cours et à venir.
C'est léger, rythmé, et si on se laisse emporter par l'ambiance loufoque, agréable à lire comme parenthèse entre deux livres plus exigeants. Et c'est déjà beaucoup !