Mais auparavant, messieurs, il est une conclusion pratique et personnelle que nous pouvons tirer dès à présent de nos recherches. Tous avez vu que chaque situation produit un état d’esprit et, par suite, un groupe d’œuvres d’art qui lui correspond. C’est pourquoi chaque situation nouvelle doit produire un nouvel état d’esprit et, par suite, un groupe d’œuvres nouvelles. C’est pourquoi enfin le milieu qui aujourd’hui est en voie de formation doit produire les siennes comme les milieux qui l’ont précédé. Ce n’est point là une simple supposition fondée sur l’entraînement du désir et de l’espérance ; c’est la suite d’une règle appuyée sur l’autorité de l’expérience et sur le témoignage de l’histoire ; dès qu’une loi est établie, elle vaut pour demain comme pour hier, et les liaisons des choses accompagnent les choses dans l’avenir comme dans le passé. Il ne faut donc pas dire qu’aujourd’hui l’art est épuisé. Ce qui est vrai, c’est que certaines écoles sont mortes et ne peuvent plus renaître; c’est que certains arts languissent, et que l’avenir où nous entrons ne leur promet pas l’aliment dont ils ont besoin. Mais l’art lui-même, qui est la faculté d’apercevoir et d’exprimer le caractère dominant des objets, est aussi durable que la civilisation dont il est la meilleure œuvre et le premier-né.
Nous arrivons donc à poser cette règle que, pour comprendre une œuvre d’art, un artiste, un groupe d’artistes, il faut se représenter, avec exactitude l’état général de l’esprit et des mœurs du temps auquel ils appartenaient. Là se trouve l’explication dernière ; là réside la cause primitive qui détermine le reste. Cette vérité, messieurs, est confirmée par l’expérience; en effet, si l’on parcourt les principales époques de l’histoire de l’art, on trouve que les arts apparaissent, puis disparaissent en même temps que certains états de l’esprit et des mœurs auxquels ils sont attachés.
Vous savez que chaque artiste a son style, un style qui se retrouve dans toutes ses oeuvres. Si c’est un peintre, il a son coloris, riche ou terne, ses types préférés, nobles ou vulgaires, ses attitudes, sa façon de composer, même ses procédés d’exécution, ses empâtements, son modelé, ses couleurs, son faire. Si c’est un écrivain, il a ses personnages, violents ou paisibles, ses intrigues, compliquées ou simples, ses dénoûments, tragiques ou comiques, ses effets de style, ses périodes, et jusqu’à son vocabulaire.
Le premier pas n’est point difficile. D’abord et visiblement, une œuvre d’art, un tableau, une tragédie, une statue, appartient à un ensemble, je veux dire à l’œuvre totale de l’artiste qui en est l’auteur. Cela est élémentaire. Chacun sait que les différentes œuvres d’un artiste sont toutes parentes comme filles d’un même père, c’est-à-dire qu’elles ont entre elles des ressemblances marquées.
L’ancienne esthétique donnait d’abord la définition du beau, et disait, par exemple, que le beau est l’expression de l’idéal moral, ou bien que le beau est l’expression de l’invisible, ou bien encore que le beau est l’expression des passions humaines; puis, partant de là comme d’un article de code, elle absolvait, condamnait, admonestait et guidait.
INTRODUCTION :
Pour toute préface au “Voyage aux Pyrénées” — dont est tiré “Vie et opinions philosophiques d'un chat” —, Hippolyte Taine (1828-1893) écrit :
« Voici un voyage aux Pyrénées, mon cher Marcelin [de son vrai nom Émile Planat (1829-1887), illustrateur et caricaturiste] ; j'y suis allé ; c'est un mérite : bien des gens en ont écrit, et de plus longs, de leur cabinet.
Mais j'ai des torts graves, et qui me rabaissent fort. Je n'ai gravi le premier aucune montagne inaccessible ; je ne me suis cassé ni jambes ni bras ; je n'ai point été mangé par les ours ; je n'ai sauvé aucune jeune Anglaise emporté par le Gave ; je n'en ai épousé aucune ; je n'ai assisté à aucun duel ; je n'ai vu aucune tragédie de brigands ou de contrebandiers. Je me suis promené beaucoup ; j'ai causé un peu ; je raconte les plaisirs de mes oreilles et de mes yeux. Qu'est-ce qu'un homme qui revient de voyage avec tous ses membres, et qui l'avoue ? J'ai parlé dans ce livre comme avec toi. Il y a un Marcelin, connu du public, fin critique, perçant moqueur, amateur et peintre de toutes les élégances mondaines ; il y a un autre Marcelin, connu de trois ou quatre personnes, érudit et penseur. S'il y a ici quelques bonnes idées, la moitié lui en appartient, je les lui rends.
Mars 1858. »
CHAPITRES :
0:00 — Introduction ;
0:25 —I ;
1:18 — II ;
2:56 — III ;
4:28 — IV ;
5:15 — V ;
7:18 — VI ;
9:46 — VII ;
11:17 — VIII ;
15:05 — Générique.
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Hippolyte Taine, Voyage aux Pyrénées, illustré par Gustave Doré, 7e éd., Paris, Hachette, 1873, p. 466-483.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Hippolyte Taine, Voyage aux Pyrénées, illustré par Gustave Doré, 7e éd., Paris, Hachette, 1873, p. 466-483.
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