A première vue, ce deuxième tome est à nouveau fascinant et percutant. Il nous entraîne dans une spirale de folie totalement abracadabrantesque que nous laisse scotché au bastingage, incrédule face à ce qui se produit. Mais quand on creuse un peu, on peut aussi trouver cela assez vain, voire vide...
Alors que tout allait bien sur ce bateau de croisière voguant sur les mers. Il n'a fallu que l'arrivée d'un élément perturbateur, pourtant bien silencieux, pour que tout bascule. Alors oui, la narration de
Tsutomu Takahashi rend le lecteur totalement captif de ce qui se passe sous ses yeux, mais est-ce que ça suffit à lui enlever son regard critique ? J'espère que non, car au final, quand on prend du recul, l'histoire ne repose sur pas grand-chose et c'est dommage.
Histoire d'une crise de folie passagère qui va peu à peu toucher tout un bateau, Blue Heaven est également le récit de la fascination d'un auteur pour la violence et ses mécanismes. Ainsi plus qu'une histoire fouillée, c'est le récit de la mise en branle d'un mécanique que l'auteur nous raconte à travers les portraits des membres de la famille Junau, et c'est cela qui est fascinant.
L'histoire, en elle-même est vide, mais assister à la manière dont de père en fils, les membres d'une puissante famille font communiquer leur folie à l'ensemble d'un bateau a quelque chose de puissant et fascinant. On retrouve chez eux, comme chez d'autres héros de l'auteur dans d'autres séries, cette haine et cette peur de l'autre qui vont tout déclencher et servir de moteur ensuite à entretenir leur folie meurtrière dévastatrice. Ici, le bouc émissaire est tout trouvé : les asiatiques, et c'est avec stupeur qu'on va suivre le reste de l'équipage les suivre.
Il y a cependant quelques failles dans cette mise en scène pourtant calibrée pour être percutante et choquante. Il est difficile de croire qu'après avoir vu quel psychopathe était le fil Junau, personne ne se lève pour le dénoncer et qu'au contraire tout le monde le suive dans sa folie. J'ai eu du mal à croire cela et cela a cassé un peu la mécanique bien huilée de l'auteur. de la même façon, j'ai trouvé que malgré tout, on oubliait un peu vite "la source du mal" qui avait débarquée à bord du bateau. Après lui avoir offert le premier rôle dans le premier tome, on bascule un peu vite sur cette famille qu'on n'a découvert que sur le tard.
Pour le reste, la mise en scène était parfaite pour nous faire trembler et frissonner d'effroi. Entre coup de folie meurtrier, tuerie de masse dans une pièce close, échange de balle dans les coursives, déclenchement d'incendie pour éliminer une partie des passages, lutte pour lancer le sauvetage avec les chaloupes encore disponibles, tout était très bien pensé. L'auteur zoome et dézoome l'action à loisir, se focalisant sur notre famille de barjots pour mieux ensuite rebasculer vers des figures plus héroïques inattendues dans le petit peuple. C'est hyper entraînant et le trait très crayonneux de l'auteur fait bien ressentir la violence aussi bien physique que psychologiques de ces moments.
Ainsi bien qu'un peu maladroit narrativement, Tsutumu Takahashi parvient tout de même avec brio à nous conter la mécanique qui peut se mettre en branle quand la folie s'empare d'un groupe d'individus et se transmet d'une figure "forte" vers celles plus faibles qui l'entourent. Avec son trait ravageur et sa mise en scène brutale, l'auteur nous fait exploser cette violence sectaire à la figure et nous remplit d'effroi. Une lecture parfaite en cette saison !
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