Sans la dernière Masse critique, je n'aurais sans doute jamais lu cet essai, pourtant très intéressant, sur les relations au sexe au temps de la préhistoire. Oui, la préhistoire est vaste, puisqu'elle s'étend sur des centaines de milliers d'années, et cet ouvrage tente de redéfinir une chronologie de ces rapports selon les différentes périodes préhistoriques.
Les sépultures, momies, représentations rupestres et poteries décorées vont permettre aux archéologues de soumettre des suppositions quant à la nature de la vie quotidienne pendant le paléolithique, mésolithique et néolithique. Suppositions simplement car comme nous prévient l'auteur, il a souvent été trop rapidement assimilé que les objets déposés auprès des corps déterminaient le genre du squelette. La question se pose lorsqu'un squelette est muni d'un pénis en or: cela aurait tout aussi bien pu être le signe d'une tradition où les hommes cachent leur sexe, que la possibilité que le squelette ait été eunuque ou encore qu'une femme prenait l'identité d'un homme, comme cela apparait dans certains cultures. Il est intéressant dans cet essai de suivre les questionnements des chercheurs autour de ces symboles phalliques et ces nombreuses représentations de vulves au fil des millénaires; Actes sacrés? Pornographie (si on accepte ce terme totalement anachronique)? Education à la sexualité?
Relation avec les saisons et l'agriculture? On ne saura sans doute jamais vraiment ce que toutes ces représentations signifiaient, mais sans doute les accessoires sexuels existaient depuis la préhistoire.
Le sexe, c'est aussi, et surtout finalement, le genre et la distinction entre l'homme et la femme. Sans surprise, celle-ci semble avoir toujours été plus souvent considérée comme un objet sexuel ou une victime que comme une actante de plein gré, voire une dominatrice, à part dans certains très rares cas, comme le démontre le mythe des Amazones.
Une chose est sûre, les musées et sites archéologiques nous cachent bien des choses, et notamment tous ces témoignages visuels de la sexualité de nos ancêtres.
Ce livre se lit assez facilement pour peu que l'on y trouve de l'intérêt et permet de relativiser les certitudes émises par certains chercheurs sur la vie passée.
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Je préviens, cette critique risque d'être un peu confuse car il faut que je remette un peu d'ordre dans mes souvenirs, ayant lu ce bouquin il y a plusieurs mois déjà. C'est un livre qui a une première qualité essentielle : traiter d'un sujet dont on parle généralement très peu, ou très mal.
Ce (quasi) silence autour des questions de sexualité en préhistoire (mais plus largement en histoire) ne tient pas seulement à la difficulté méthodologique qu'une telle démarche suppose (même si celle-ci est bien réelle) ; le silence vient aussi d'une sorte de pudeur, ou de malaise, des chercheurs à aborder franchement la question du sexe. Ainsi quand ces derniers (qu'ils soient historiens, anthropologues ou même biologistes) parlent de sexe c'est souvent sous l'angle de la reproduction, ou pour le dire d'une autre façon, avec un supposé fonctionnaliste sur la sexualité : on essaye de parler de sexe en montrant à quoi il sert (socialement ou pour l'évolution darwinienne par exemple) et mais on ne parle pas du sexe pour lui-même, c'est-à-dire de la sexualité comme d'une activité sociale à part entière avec ses codes, ses évolutions, ses pratiques, etc. Donc tout d'abord merci à l'auteur de s'interroger franchement sur ces questions.
L'auteur commence tout d'abord par rappeler plusieurs notions qu'il mobilisera tout le long du livre, ces notions l'aidant à s'éloigner d'une approche qui réduit le sexe et les sexualités à la reproduction. Ainsi il essaie de définir de façon un peu plus complexe ce que l'on peut entre par sexe(s), par sexualité(s) mais aussi par genre(s). Tout cela, il le fait dans une optique franchement interdisciplinaire, mobilisant aussi bien des notions de sociologie, d'histoire que de biologie ou d'anatomie.
L'auteur défend plusieurs thèses, que je vais essayer d'énumérer ici :
1) notre nudité (au sens d'absence de poils, contrairement aux autres primates) est la conséquence d'une "sélection sexuelle" (concept de Darwin qui a été un peu oublié au profit de la "sélection naturelle", alors que lui faisait marcher les deux en même temps)
2) Très tôt les humains ont dissocié le sexe-reproduction et le sexe-plaisir. Et donc, on eu recours à des techniques de contraception. Via une bonne connaissance des effets médicaux de certaines plantes notamment.
3) Les Vénus que l'on a retrouvé partout (vous savez, ces statuettes de femmes aux fesses très rondes) ne sont pas la marque d'une vénération d'une Déesse-Mère ou de la Fécondité, mais plutôt la marque d'une domination masculine. L'auteur voit dans ces statuettes une sorte de proto-pornographie, avec une vision des femmes comme hypersexualisées (grosses fesses, clito bien visibles, gros seins) et passives (ces Vénus ne font jamais rien, et surtout pas donner le sein… ce qui remet en cause l'idée de déesse de la Fertilité).
4) Les godemichés sont vieux comme le monde. L'auteur, de nombreux clichés et dessins à l'appui, nous montre qu'on a retrouvé beaucoup de choses qui ressemblent à nos godemichés actuels. Mais que, pour des raisons de pudeur, on les conserve dans les arrières salles des musées et on les nomme "objets rituels", comme si on refusait l'évidence que ces objets aient pu servir à la masturbation.
5) Une sorte d'obsession du pénis apparait au néolithique, c'est-à-dire au moment où les humains se sédentarisent et commencent l'agriculture. Et il semble bien qu'aux images de pénis soient associées l'idée de puissance. Faut-il en conclure que le néolithique signe le vrai début de l'oppression des femmes ? Vaste question à laquelle l'auteur se garde bien de donner des réponses définitives.
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Un livre reçu dans le cadre de la masse critique non fiction.
Un ouvrage très bien documenté, des illustrations impressionnantes et authentiques des ancêtres de nos sex-toys actuels, entre autres.
L'homme moderne n'a rien inventé ; les découvertes archéologiques précisent que l'homme à depuis la préhistoire fait des choix en terme de sexualité et que ces choix sont limités à deux options générales : désir ou reproduction. Nulle question de genre ou de pratique alors. (Aurions-nous a un moment régresser ?).
Tout est évoqué : zoophilie, masturbation, pilosité, homosexualité, prostitution...
Un livre révolutionnaire à mettre dans les mains de tous ceux qui croient savoir, qui jugent, qui condamnent...
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A son tour, le port du vêtement a permis l'émergence de l'idée de genre- extension du sexe au-delà des attributs biologiques apparents. D'emblée, les vêtements ont été masculins ou féminins, et la possibilité de les intervertir a fait accéder à un niveau supérieur de conscience sexuelle - la conscience de l'ambiguité des genres. Dépouillé de sa toison simiesque, le corps lui-même devint un objet matériel et permit à chacun de manipuler sa propre image par le biais d'artifices - la peinture des espaces de peau tout juste découverts. Les rapports sexuels se firent plus tactiles et plus longs. On peut raisonnablement penser que la société préhistorique utilisait des méthodes naturelles de contraception. Selon moi, voilà quatre millions d'années de l'espèce humaine sait distinguer entre sexualité et reproduction.
Cette envie macabre- et peut-être incestueuse - de faire "revivre" l'Homme des glaces à travers son sperme prouve combien la reproduction sexuelle constitue pour l'homme un moyen de transcender sa déchéance matérielle et d'aspirer à l'immortalité. En lui-même aussi, le sexe comporte une dimension transcendante en ce qu'il ouvre la voie à une expérience qualitativement différente: l'extase.
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