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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La Cerisaie' et l'une des seule pièce de Tchékov où personne ne meurt. Une tragédie sans décès ! Imagine-t-on un roman policier sans crime ? On pourrait arguer que c'est la cerisaie elle-même qui meurt, puisque ses arbres sont abattus. Mais c'est la conséquence de la tragédie, et non son origine.

Le drame est dans l'incapacité d'Andréïevna à gérer ses affaires, et à comprendre que des vies dépendent de ses décisions. Celle de sa propre fille, Anya, qui se retrouvera un jour obligée d'en assumer les conséquences, et dont le futur mari aurait besoin au minimum d'être secoué un bon coup pour devenir bon à quelque chose. Celle de Varia, toujours coincée entre deux mondes et à l'avenir incertain, mais qui pourrait bien basculer dans la misère. Celle du brave et fidèle Firs, qui aimerait mourir en paix là où il a toujours vécu...

Son bon coeur et sa gentillesse lui servent surtout à d'excuse à son irresponsabilité complète, et à incapacité à se débarrasser du cortège de parasites qui mangent le peu d'argent qui lui reste : son frère, Charlotta, son gigolo qu'elle part finalement retrouvé…

Mais c'est aussi une pièce prophétique. Les autres se terminent par la restauration de l'équilibre, soi que les personnages acceptent leur destin (‘L'oncle Vania', ‘Les trois soeurs'), soi que les éléments perturbateurs de l'ordre social soient éliminés, écrasés sous son poids (‘Platonov', ‘La mouette'). Mais ici, la pièce se termine sur une situation qui ne peut que se dégrader. Les aristocrates n'ont peut-être plus rien, ni biens ni responsabilités, mais ils sont toujours là et squattent toujours le devant de la scène, et Lopakhine reste encore et toujours un inférieur. Leur chute définitive et totale semble donc prévisible, et en parallèle leur remplacement par la bourgeoisie.

Pas une seconde Tchekov n'a l'air d'envisager une insurrection populaire. Pour lui, la Russie semble promise à une révolution libérale à la française, sous l'influence de la bourgeoisie impatiente de remplacer la noblesse. Les révolutionnaires comme Trofimov sont des rêveurs, pas même fichus de faire une demande en mariage correcte.

Voila qui est étrange à dire, mais quelle chance pour Tchekov qu'il n'ait pas vécu jusqu'en 1917 !
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La Cerisaie c'est la métaphore simple et vraie de l'importance des lieux. C'est l'image belle et émouvante de l'origine des âmes, qui toujours s'enracinent, se nourrissent et grandissent en une terre, épouse ses reliefs, absorbent ses lumières, se teintent de ses couleurs, s'abreuvent de ses pluies et se bercent du rythme de ses saisons.
Bachelard, dans la Poétique de l'espace, écrit que « la maison est notre coin du monde. Elle est […] notre premier univers. Elle est vraiment un cosmos ».
Lire la Cerisaie c'est retrouver l'importance de l'enracinement : perdre sa cerisaie, c'est sans doute se perdre.
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Cette fois-ci j'ai lu la pièce avant d'aller la voir jouer au théâtre et je trouve cela très intéressant puisque l'on peut voir les partis pris du metteur en scène. Depuis le temps que je voulais voir "La Cerisaie" d'Anton Tchekhov, j'ai choisi la proposition de Christian Benedetti au studio-théâtre d'Alfortville grâce à Gilles Costaz qui l'a conseillé au Masque sur France inter. J'en suis enchantée.
Il faut dire que c'est une très belle pièce sur la Russie de la fin du 19e siècle, la fin d'une époque comme une page qui se referme. Mais c'est aussi une comédie avec des personnages attachants qui n'existent que par leur relation à la Cerisaie, l'immense domaine et la maison, au sud de la Russie.
Lioubov Andréïevna Ranevskaïa et son frère Gaev, ont laissé les dettes s'accumuler et ils savent que la Cerisaie risque d'être vendue aux enchères. Lorsque le marchand Lopakhine, fils et petit-fils de serfs qui s'est considérablement enrichi, leur propose de lotir le domaine et d'y construire des datchas, le projet ne les intéresse pas. Mais la vente va tout de même avoir lieu, par obligation. C'est Lopakhine qui va devenir le nouveau propriétaire et son ascension sociale signe la fin symbolique d'une noblesse en pleine banqueroute. le projet immobilier annoncé par le personnage traduit l'expansion d'une économie capitaliste au détriment de la vieille aristocratie.
Toute la Russie est notre Cerisaie, dit l'étudiant Trofimov qui semble à tout moment annoncer la révolution.
C'est la dernière pièce de Tchekhov et elle montre parfaitement le basculement d'un monde dans l'immensité du temps qui emporte les êtres et les choses.


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Cette pièce d'Anton Tchékhov a été créée et représentée en 1904, l'année de la mort de l'auteur. A bien des titres c'est un drame touchant, quoique Tchékhov maintenait qu'il avait écrit une comédie, presque une farce.

La pièce a pour décor une belle et vaste propriété de famille à la campagne, sur laquelle on exploitait autrefois une cerisaie, « le plus beau lieu du monde », selon Lioubov Ranevskaïa et son frère, Léonid Gaev. le premier acte s'ouvre avec des valises, et la fébrilité de l'installation des personnages, à deux heures du matin : Lioubov revient de Paris avec sa fille Ania, une gouvernante, Charlotta ivanovna, et Yacha, valet canaille. La mère et la fille sont accueillies avec joie par Gaev, Varia, fille sérieuse et travailleuse, la fille adoptive de Lioubov, les serviteurs, et les personnages qui, une fois de plus, gravitent autour d'eux et profitent de leurs bienfaits ou hospitalité, on ne sait trop.

Ainsi, une galerie de personnages secondaires s'installe, leurs relations se précisent au cours de scènes présentant des successions de duos ou trios, tandis qu'on vit à nouveau à la Cerisaie. La musique anime les journées, on danse, on discourt, on admire les « tours » de Charlotta, l'orpheline solitaire.

Mais le jeu, la légèreté, le manque de sérieux, et l'auto-dérision, ne sont qu'un art de vivre pratiqué à l'extrême par les personnages. La légèreté n'aura qu'un temps, car la Cerisaie va mal : la famille est criblée de dettes, et l'on n'entrevoit aucune solution viable, si ce n'est de sacrifier la cerisaie pour faire lotir et louer. Deux mondes s'affrontent, l'un appartient déjà au passé, quand l'autre représente l'appétit du gain qui ne respecte rien du patrimoine.

J'ai lu cette pièce très vite, avec un grand intérêt, et une impression poignante : tout d'abord, « la Cerisaie » est un si beau titre, on a immédiatement sous les yeux la vue des pétales blancs, éphémère beauté, qui symbolise si bien l'atmosphère de la pièce – fragilité de la vie, mais retour opiniâtre des saisons, année après année. La vie d'avant a ainsi duré mais se perd, en raison de l'inconséquence et de l'oisiveté des maîtres.

La pièce se suit très bien, avec ces détails de la vie courante, qui font qu'on y porte de l'intérêt sans même se rendre compte qu'on lit. Elle restera dans mes impressions de lecture marquantes, elle est prenante et mélancolique, et peut-être que les aspects drôles ou légers de certains personnages sont là pour masquer le drame qui se joue dès le début.

Il y a en tout cas une grande humanité dans la façon qu'a Tchékhov d'aborder leur personnalité, de saisir les détails qui donnent sens, et, en même temps, de considérer avec une grande indulgence que chacun a ses raisons, et de tenter de les exprimer dans leur complexité. La pièce continue dans nos têtes et nos coeurs bien après que le rideau retombe.
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Que ce soit devant une représentation ou après sa lecture, il est difficile de comprendre pourquoi Tchekhov disait qu'il avait écrit une comédie.
Difficile de sourire devant la fin d'une époque et la déchéance d'une famille.
La Cerisaie qui est la dernière pièce de Tchekhov regroupe ses thèmes de prédilection : vies rêvées plutôt que vécues, espoirs sans lendemains, inégalités sociales et passivité devant les difficultés.

L'enjeu de la pièce est la vente ou la conservation de la magnifique cerisaie d'une famille qui ayant vécu en cigale se retrouve fort dépourvue. Symboliquement la pièce représente la fin de l'aristocratie oisive et la montée d'une bourgeoisie issue du peuple qui prend sa revanche non sans une certaine gène. Lopakhine, le nouveau riche, ne voulait pas de sa victoire mais il est obligé de la prendre. Firs le vieux valet est désespéré de vivre la fin du servage gage pour lui d'un équilibre séculaire.

Comme souvent chez Tchekhov les personnages vivent d'espoir mais sont sans énergie ou acceptent leur sort avec fatalisme.
De Lioubov Andreevna rayonnante mais inconsistante à l'étudiant Trofimov révolutionnaire de salon, tous se complaisent dans leurs rêves et leurs contradictions et seront bien sûr vaincus par les mouvements de la société.
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Cette pièce marque la fin d'une époque. Les moujiks ont travaillé et fait fortune. Ils rachètent les biens des aristocrates qui vivent encore dans leur bulle, sans se rendre compte que le monde a changé et vivant aux crochets de leurs usuriers.

Il y a une variété de personnages fort intéressants, dont l'éternel étudiant, qui représente l'avènement du marxisme intellectuel. Paris attire ces Russes déphasés, estimant que la culture se trouve là-bas et certainement pas en Russie.

Une pièce qui pour moi symbolise à la perfection l'âme slave ou, plus exactement, l'idée que je m'en fais.
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La Cerisaie est évidemment la plus belle pièce du monde; ceci dit en toute objectivité ,vous avez déjà compris. Magnifiée par la finesse de la mise en scène du génial et chaleureux Giorgio Strehler et l'interprétation -non l'incarnation de Valentina Cortese, cette pièce - comme les autres grandes pièces de Tchékhov mais celle-ci plus encore - me visite,je pense, chaque jour,et même soir et matin, car l'affiche du spectacle de l'Odéon de cette année-là est accrochée, près de celle du "Campiello", sur le mur , en face de mon lit.
Aujourd'hui, les mises en scène quelquefois bien tordues de théâtreux égocentriques peuvent nuire à l'humour, à la profondeur et à la légêreté mozartienne de Tchekhov. Lisez d'abord La Cerisaie: c'est plus sûr!
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Pièce en 4 actes, dont j'ai beaucoup aimé à la fois la lecture et la représentation théâtrale, il y a quelques années. Je me souviens qu'entre chaque acte, le spectateur entendait le bruit d'un train qui passait et qui me paraissait être le symbole de la fuite du temps. Au cas particulier, l'avenir s'ouvrait sur les décombres d'un vaste domaine nommé "La Cerisaie", en raison de son magnifique verger.
Cette pièce évoque en effet un monde finissant, celui des propriétaires fonciers dans la Russie du début du 20ème siècle; un monde au milieu duquel tentaient de trouver un sens à leur existence des personnages ambivalents, parfois attachants, qui incarnaient, pour le pire ou le meilleur, les valeurs traditionnelles de la Russie de l'époque.
Le vieux Valet Firs, n'est pas pour moi un personnage secondaire, il est "l'âme du domaine", celui qui symbolise le mieux le point d'ancrage, la fidélité à un lieu et la stabilité des choses. Mais la propriété ne résiste pas au temps qui passe. Elle finit par être vendue à un commerçant, qui, en cherchant la rentabilité, va la défigurer dans le but de lotir le terrain et d'y construire des isbas. Signe de temps nouveaux, qui sans doute ne résisteront pas non plus à la vague révolutionnaire quelques années plus tard.
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J'avais envie de relire cette oeuvre majeure que j'aime beaucoup. Les metteurs en scène prennent, et c'est normal, maintes libertés avec le texte, ici de Tchekhov. Ayant visionné cet été sur Culture Box la mise en scène de Tiago Rodrigues (Avignon 2021) avec Isabelle Huppert, j'ai eu envie de revenir aux sources.
Bien sûr Tchekhov reste terriblement d'actualité. Les serfs libérés surfent sur la vague du libéralisme. Une cerisaie abattue en vue d'un lotissement pour touristes est une promesse de revenus pour les débrouillards. Gare aux poètes !

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Pourquoi 120 ans plus tard s'intéresser à la Cerisaie de Tchekhov ? Parce que c'est s'intéresser à un pan de l'histoire russe antérieur à la révolution bolchevique. Parce que les germes de cette révolution sont contenus dans ce divertissement théâtral.
A bien y regarder la monarchie tsariste est en train de s'écrouler dans la pièce de Tchekhov. Les piliers de cette monarchie, à savoir les nobles, riches propriétaires terriens, sont décadents : ils boivent, ils jouent leur fortune dans des cercles de jeu, ils passent du bon temps dans les endroits européens à la mode : Biarritz, Nice-Menton, Baden Baden, Marienbad. Ils ne réalisent pas que le monde change autour d'eux et qu'ils sont en train de perdre la partie. Ne dit-on pas qu'on ne voit jamais la poutre qu'on a dans l'oeil.
La société russe change. Les nouveaux riches que sont les « marchands » amassent des fortunes et chassent de chez eux les propriétaires terriens ruinés. Les petits juifs d'Odessa deviennent les banquiers de l'empire (Référence au père d'Irène Nemiervsky). Les intellectuels sont en train de devenir les révolutionnaires de demain. L'impératrice fait confiance à un charlatan venu du fin fond de la Sibérie. Bref tout s'écroule autour de la classe dirigeante.
Après la première secousse de Février 1917, ces représentants du monde d'hier en prenant provisoirement le pouvoir vont encore montrer le bout de leur nez mais ils seront définitivement emportés en Octobre par cette vague révolutionnaire, pas si surprenante que cela finalement, une fois qu'on a lu la pièce de Tchekhov.
Je considère que cette pièce est révolutionnaire et je me demande ce que les aristocrates russes, ceux justement auxquels se destinait ce spectacle, pouvaient en dire dans les diners d'après- théâtre.
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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