Encore une fois nous resterons très amateurs des illustrations de
Frédéric Pillot (Le Petit Poucet, Balbuzar, la sorcière Crabibi,
les souvenirs du vieux chêne, Tilou bleu, Lulu Vroumette, Thérèse Miaou et bien d'autres encore).
Associé à divers auteurs au style varié, il nous fera vivre en général agréablement le conte et l'aventure, avec des formes rondes d'éléments comme des ballons et des constellations de reflets reconnaissables sur un travail en couleur qui mirent dans les détails ( sauf ici, c'est du noir et blanc). Il saura s'adapter à ses associations créatives( avec du noir et blanc, il gèrera autrement les effets de reflets), gérant en douceur ou exagération l'esprit des texte, dosant l'humour ou le merveilleux, on le discerne bien à chaque fois dans son style.
Les bouilles de loups et de renards au goitre de pelican nous rappelleront celles de l'illustratrice de
Clotilde Goubely ( à découvrir par exemple, avec l'irrésistible "Les papas poules" de l'auteur Pog chez Marmaille et cie).
Places aux fables !
Celle du Bois de Burrow (et non bois de bureau, attention, nettement moins british et élégant).
Les fables.
Les fables de Jean de la Fontaine étaient des satires de sa société, déguisant les concernés ridicules en animaux pour ne pas être ennuyés par sa liberté de parole.
C'était fin et habile et ainsi, Jean pouvait critiquer les grands du pouvoir sans en être inquiété car même si l'on pouvait reconnaitre les situations, d'aucun ne pouvait prouver que la fable du corbeau, du lion, du rat ou du renard étaient autre chose qu'une histoire morale pour enfants.
Les Fables de Burrow ne s'embarrasseront pas, en déguisant et réduisant les animaux à leur statut premier pour duper, ses personnages animaliers porteront richement des robes de soirée et des smokings, des rangs de perles et des redingotes, comme des gens civilisés, mais pas n'importe quels gens on en convient.
Mais civilisés.
Le sont-ils tout le temps ses personnages?
Nous tomberons aussi dans la satire déguisée dans ces histoires pour enfants mais, on le suppose ici, la critique moqueuse s'abattra sur un univers fictif et ne pointera personne de connu dans notre environnement "People". Il se moquera d'une (basse) cour dont finalement chaque fable du livre nous brossera le portrait d'un personnage et nous contera la mésaventure.
L'auteur Thibaut Guichon-Laurier fera lui aussi le choix, comme
La Fontaine, de faire évoluer ses héros dans une sphère sociale précieuse et privilégiée, parfois ridicule par son manque de discernement élu roi grâce à leur position.
Mais attention, jeunes lecteurs, tous les gens qui ont une bonne situation sociale ne sont pas ridicules. Vous saisirez la nuance en lisant.
Avec nos grands du Bois de Burrow, ce qu'ils disent est la seule chose qui est et qui doit.
Notre Mme Lapin n'existera que dans ce livres (ou bien dans une cage avec de la laitue) mais elle pourrait nous faire penser à quelqu'un que l'on connait avec cette histoire.
Pauvre Madame Lapin.
Mme Lapin est une reine du beau monde qui se trouvera portée aux nues un jour et descendue en flamme le jour suivant par son propre entourage à cause des règles de jugement qu'elle aura elle-mêmes entretenues.
Attendez de lire, les situations sont animales et décalées, promettant du ridicule au ridicule.
Pour nous faire rire, l'auteur fera faire leurs crottes aux précieux animaux sur la chaussée après un bon repas, comme des animaux qu'ils sont, et ça sera par les crottes de la célèbre Madame Lapin que le scandale arrivera.
Ne dit-on pourtant pas que ce qui fait l'égalité des gens ordinaires, c'est qu'il font des cacas comme tout le monde ?
Celles de Madame Lapin seront carrées, hors normes, disgracieuses et provoqueront hélas pour elle un déferlement de tempête médiatique.
Nous aurons bien entendu dans un coin de notre tête le monde des célébrités "people", comme l'on dit.
L'exagération sera amusante.
Nous retrouverons le classieux Archibald le Wombat sur la deuxième fable (mais il sera déja introduit par la première fable sur un concours de crottes tendances avec Madame Lapin).
La suite avec Archibald sera du même bois (de Burrow), alimentant une impression récurrente et drôle, absurde mais toujours impitoyable d'un Versailles d'animaux qui suit ses propres règles de valeur et lui aussi aura son moment de gloire et de star déchue.
Sa fable parlera de réputation, de médias, de parvenus et de bienveillance.
Madame Lapin intriguée par le mystère entourant la bonne fortune de son ami l'invitera à se confier devant les caméras. Et la chose tournera à son désavantage, cherchant la "petite bête, plutôt que d'en tirer la meilleure image".
Créer l'événement médiatique dans l'histoire se présentera sans valeurs morales.
Nous serons vraiment toujours dans le parallèle " People" mais d'un point de vue scandaleux.
Misère.
Ces fables feront sourire mais aussi réfléchir, indigneront un peu tellement cela nous fera penser à des choses dont peut-être nous avons été lecteurs dans les journaux ou spectateurs même dans les cours de récré.
Être le numéro un peut se payer cher aura t-on l'impression et dans n'importe quel cercle de pouvoir.
Quel animal du Bois de Burrow saura se préserver des pics tout en gouttant à une vie confortable?
L'auteur dépoussiérera aussi le conte de prudence avec des biches et des grands méchants loups dans des magasins fashionistas.
Le décalage sera irrésistible, intéressant et les fables promettront plus de réflexion qu'elles n'y paraissent avec les bouilles de bêtes à gros pif.
Ce sont presque des contes plus moderne mais respectant une règle de morale classique.
C'est à découvrir.