Les mal-aimés de
Jean-Christophe Tixier
Chers amis, je n'ai jamais lu un livre aussi poignant que celui-ci. Un livre aussi essentiel démontrant la monstruosité d'un système qui disait vouloir remettre des enfants dans le droit chemin. Système béni aussi bien par les curés que par la République. Nous sommes dit Jean-Tixier en 1884, aux confins des Cévennes. Là dans ce pays aride, on a construit une maison d'éducation surveillée. ( Vous comprendrez pourquoi en lisant la fin de mon propos ).
il s'agit en fait d' un bagne ou l'on enferme des enfants auprès de prédateurs. Ou la violence, la malnutrition et les viols sont monnaie courante. Tout le monde sait ce qui se passe entre ces murs, mais comme chacun pouvait y trouver sa part, personne ne dit rien, ni les paysans harassés par le travail de leur ferme qui obtenaient une main-d'oeuvre que l'on pouvait martyriser à l'envie, ni ceux qui recevaient de l'argent en raison de leurs services rendus à la société.
Les Mal-Aimés de
Jean-Christophe Tixier n'est pas un roman comme un autre. Ce qui en fait sa force c'est qu'il démontrer comme le dit
Jean-Christophe Tixier, l'horreur des bagnes pour enfants qui furent autant de taches de honte dans notre histoire du XXe siècle, en ayant eu accès aux Archives départementales de l'Hérault et aux registres d'écrou de la maison d'éducation surveillée de Vailhauquès ( côtes 2 Y 792,793,794 . Vous découvrirez toute l'horreur de ce système. « Pierre Roch Combres, né le 19 août 1859 à Lacostes (Tarn) jugé le 16 février 1872 pour attentat à la pudeur sans violence. Condamné selon l'article 66 de la correction jusqu'à 18 ans. N° d'écrou 795, Taille à l'entrée 1,62 . Causes de la sortie : Décès le 2 mars 1873. »
Condamné à 13 ans, mort à 14 ans ! Voilà un exemple de ce qu'était la justice de notre Pays dans ces maisons de correction mise en oeuvre en 1840. La première étant à Mettray dans le département de l'Indre.
Ils s'appelaient Gilbert Rechonnet, Pierre Olyppe, Jean Duc, Jean Larré, Pierre Cujobère dit Castillon, Antoine Haran, Adrien Joseph Civadier, Clément Monet, Jean-Pierre Lafaye, Louis Dubarry, Emile Doumerc, Auguste Brocas, Louis, Albert Henri, Marius Gustave Moulin,
François Barbier, François Vinel, Elie Jacques Bouissy, Henri Adolphe Beltrame, Dominique Véran Reynaud, Jean-Marie Favre, Antoine Joseph Colomer. En les citant ici, et en lisant les annotations accompagnant ces noms vous serez sidéré comme je l'ai été par les motifs de leur condamnation et par leur âge. Vous serez particulièrement ému lorsque vous lirez qu'aucun n'est sorti de cet établissement au terme de leur détention. le motif de leur sortie ? Leurs décès. Ces enfants,
Les Mal-Aimés, bon sang que l'on a envie de les aimer.
Vous découvrirez aussi dans ce livre la vie de ceux qui étaient placés. Un oncle qui abuse de sa nièce mineure, comme bon lui semble, « de sa grossesse, son oncle n'avait rien voulu savoir. Pas un mot, pas un regard. Tout juste avait-il cessé de la grimper durant quelques mois.Mais même lors de ce maigre répit elle avait continué à le servir, à préparer les repas, à la laver son linge à tenir la maison. » Vous découvrirez vous aussi ce qui se passait derrière les murs de cet établissement.
Vous découvrirez comment ils étaient perçus par le Dr Morluc, médecin dans ce petit village. « Les enfants étaient là pour ne pas traîner dans les rues, des vagabonds, des orphelins, des fortes têtes et tout ceux dont on avait décrété qu'ils avaient agi sans discernement. Ils étaient là pour que l'on leur mette un peu de plomb dans la tête. On était censé leur apprendre un métier. L'État les plaçait et versait une somme pour leur entretien. le propriétaire a vu une main d'oeuvre corvéable à merci qu'il suffisait de battre pour qu'elle travaille et se taise. Il raconte aussi, la soupe claire comme de l'eau. le pain sec les bons jours et la terre que certains mangeaient pour remplir leur ventre. Vous lirez, d'autres destins de ces enfants jugés par un tribunal qui une fois placés en maison de correction n'ont pas atteint l'âge de 13 ans. !
La seconde visite de contrôle effectuée un an après sans l'avoir annoncée du Dr Morluc en dit long des conditions de survie de ces enfants. Il parle de ces jeunes garçons prêt à offrir leur bouche ou leur corps devenus l'unique moyen pour assouplir leurs conditions de vie pour obtenir un petit morceau de gras ou de pain dans leur soupe ou éviter les corrections des gardiens. Il évoque des corps où la faim ronge les muscles, les fractures mal ressoudées, les cicatrices purulentes. Tout ceux d'ici qui travaillaient au bagne ont vu, ont couvert si ce n'est participé.
Dix
sept ans plus tard, la maison d'éducation ferme ses portes et les adolescents décharnés quittent les lieux sous le regard des paysans qui furent leur geôliers. Une succession de phénomène se produit dans cette contrée reculée, des animaux et des personnes meurent, des meules de foins brûlent. Chacun s'accuse mutuellement et comme lorsqu'il y a eu des choses de cachées, celles-ci remontent à la surface. Les vieilles craintes se réveillent ? Ne serait-ce pas les âmes des enfants qui reviendraient, alors que cette maison d'éducation qui n'a pas été détruite, continue à hanter leurs mémoires ?
Pour terminer ce propos voici une citation concernant les colonies agricoles pénitentiaires appelées maisons de correction ouvertes en 1840 par Frédéric-Auguste Demetz , suite au constat que la prison ne peut pas être l'unique solution pour la délinquance des mineurs.
« Il s'agit de fixer en rase campagne, sans autre clé que celle des champs, des enfants sortis de prison et déjà corrompus, les attacher aux travaux du sol, les amener au bien, les rendre honnêtes, reconnaissants, religieux, les soumettre par la persuasion à la discipline la plus sévère et aux travaux les plus rudes, sans recourir à la force armée ou à la force brutale.» Frédéric-Auguste Demetz .Rapport sur les colonies agricoles Ladevèze, Tours, 1855, p.3.
Les Mal-Aimés, de
Jean-Christophe Tixier, un livre qui est dès maintenant inscrit dans ma mémoire et là votre j'en suis persuadé lorsque vous aurez lu ce livre. Bien à vous.