Vodka frappée

On se souriait. On s’étreignait. On s’embrassait. La générosité inhabituelle de ces brutes épaisses, qui avaient certes forcé sur la vodka avant de s’entasser dans le 4x4, faisait vraiment plaisir à voir. Avec fébrilité, tous ces mauvais garçons se délestaient de leurs possessions si mal acquises. Eux qui d’ordinaire étaient si rapaces. Si avides. Si cupides.
La bonté de ces lourdauds avinés était tellement inhabituelle que le Minotaure lui-même se sentit soudainement transporté. Ah ! Que cela lui faisait chaud au cœur de voir ses hommes aussi altruistes en ce jour de Noël ! Quelle leçon de savoir-vivre ! Quel exemple ! Quel élan ! De sa vie, il n’avait jamais éprouvé un tel sentiment de fierté légitime. Ce jour-là il se sentit totalement comblé. Quelle joie ! Quel bonheur ! C’était comme si un souffle mystique réchauffait l’étendue enneigée. Comme si l’Esprit-Saint se répandait dans la taïga. Pour un peu, Ivan Petrovich en aurait chialé comme un môme devant ses cadeaux le jour de Noël.
Il se dit qu’en ce jour extraordinaire, lui aussi se devait d’être hors-norme. Il fallait qu’il marque les esprits. Qu’il se comporte tel un czar. Qu’il apparaisse comme un nouveau Pierre-Le-Grand. Un Napoléon. Un Tamerlan. Aussi, quand l’un de ses sbires demanda comment on allait faire pour parer la cime du sapin d’une flèche lumineuse à la mesure des autres décorations, Ivan Petrovich saisit l’occasion. Il décida de frapper l’imagination de ses acolytes en effectuant un geste symbolique pour marquer leurs esprits.