Deux hussards
Nekrassov a préféré
Deux hussards à Père et fils proposé par l'auteur.
Nouvelle ou court roman comme on voudra publiée en russe en 1856, le célèbre écrivain s'est illustré alors comme lieutenant d'artillerie dans les guerres du Caucase (alors guerre de normalisation menée sur les farouches montagnards et de Crimée où l'on retrouvait en face les turcs, les français et les anglais.
Ici, l'action se déroule dans un premier temps dans les années 1800, sous Alexandre 1er, et contrairement à ce que j'ai pu lire, il ne s'agit de guerre mais des exploits en société du comte Tourbine sur la vague idée qu'aurait vécue un cousin du père de Tolstoi. Moi je pense plutôt au grand Davydov qui excellait à raconter ses faits d'armes après les avoir brillamment accomplis et tout autant de ce type armé d'un courage exemplaire qui n'échappait pas à ses grands travers de noceur, grand amateur de vodka et de tziganes, ce qui est en fait l'objet ici.
Ce qui est sûr, c'est que ce grand Davydov est un des personnages de Tolstoi dans Guerre et Paix sous le nom de Denissov . Quelqu'un de cette trempe accessoirement poète qui fut adulé par
Pouchkine, ca ne laisse pas d'emballer la curiosité d' un grand romancier comme Tolstoi.
La légende du comte Tourbine est telle que dans les villes de province, il suscitait l'admiration de tous : c'était leur héros , on lui donnait le bon dieu sans
confession, et son aura ne lui donnait que des faveurs pour être reçu tantôt dans un bal de la haute société où il n'avait jamais mis les pieds, tantôt en excellent camarade pour aller faire la nouba dans les cabarets à vodka, champagne et tsiganes. Il savait aussi être l'homme d'honneur qu'il était quand il s'agissait de remettre à flot un jeune officier ou de bonne famille qui venait de tout perdre au jeu, complètement décontenancé. Iline, il s'appelait, il dit au comte : « Une balle dans le front, voilà ce qui me reste à faire ! de désespoir il laissa tomber la tête dans ses mains et fondit en sanglots!.. » Tourbine usa alors de stratagèmes pour venir au secours du jeune infortuné et il y réussit fort bien en réglant au passage une affaire pendante vis-à-vis d'un tricheur notoire.Bien des contrariétés apparaissent comme des montagnes à endiguer, voire pas d'autre échappatoire que le suicide chez la jeunesse, alors qu'une tête brûlée pour peu qu'il soit justicier dénouera le problème avec une efficacité redoutable : il saura mettre tout le monde d'accord. Pour la plausibilité, ces choses ont réellement existé !
Tourbine le hussart va en outre dans ce court séjour effectué par hasard dans la petite ville de province dénommée K… tomber amoureux de la soeur de son hôte de fortune, lors d'un bal organisé par la femme du gouverneur : elle s'appelle Anna Fédorovna, elle est veuve et fort jolie. Elle est courtisée par un jeune de bonne famille qui va gicler comme plume au vent des la première charge amoureuse du hussart..
20 ans plus tard, deuxième temps de l'oeuvre, c'est le fils du comte Tourbine qui un peu par hasard se trouve en tant que jeune officier à séjourner dans cette même petite ville en trouvant refuge chez Anna Fedorovna qui fut séduite par son père !.. le temps est mauvais, la fatigue se fait sentir. Anna apprenant que quelques jeunes hussards sont par là à la recherche d'un logis ne va pas se faire prier pour recevoir celui qui n'est autre que le fils Tourbine . de l'eau a coulé sous les ponts depuis : le père Tourbine est mort dans un duel, et Lisa qui vit avec sa mère, fille d'un premier lit, se languit d'impatience pour connaître le grand amour, elle s'intéresse autant que sa mère à la venue du jeune officier.
Dans ce deuxième temps, sous le jeune Tourbine, les pages sont magnifiques et sont rehaussées par la sensualité latente chez Lisa. On dirait que Tolstoi est plus à l'aise à raconter le trouble de la jeune fille, qu'il ne l'était pour décrire la vie tapageuse du père Tourbine où il a semblé quelque peu inhibé par les scènes orgiaques avec les tsiganes. Il y a donc une montée en puissance dans ces 125 pages d'écriture.
Près de 50 ans plus tard , dans la nouvelle Après le bal, une pépite, Tolstoi trouvera les femmes toujours aussi jolies et le bal aussi attrayant pour emballer, mais la charge ne sera plus l'ivresse de la jeunesse, mais plus politique, radicale. La perfection littéraire sera encore plus accomplie pour atteindre une sorte de zénith.
Eau-de-vie c'est vodka : il y en avait de la pure et variée à Moscou même !
Pojarski : plat favori dans les relais de poste.
Arkhalouk : sorte de surtout court, porté au Caucase comme veston d'intérieur.
Ispravnik : chef de police du district
Prissiadka : danser en pliant les genoux.
Lapti : chaussures d'écorce tressée.
Starosta : l'ancien du village.
À fond de cale : n'avoir plus le sou.