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EAN : 9782889073115
160 pages
Editions Zoé (05/01/2024)
4/5   11 notes
Résumé :
L quitte son travail, son appartement et son mari et part sur les chemins avec son enfant. Son nouveau statut de mère a déclenché une lucidité extraordinaire en même temps que la perte d'un certain rapport avec la réalité. Face à cet enfant, elle oscille entre indifférence et fascination, ni épanouie par sa maternité, ni vraiment exténuée. Premier roman.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La première scène est magnifique, très cinématographique : une femme marche derrière sa poussette sous une pluie violente. La terre devient boue. Les herbes folles s'accrochent aux roues. C'est dur d'avancer. Alors elle chante. L'enfant hurle. La mère chante toujours …
« un peu plus tard, une corneille vient se poser sur la poignée de la poussette laissée dans le champ »
Elle, c'est L. La mère. Elle vient d'accoucher. Elle semble ne pas bien comprendre ce qui lui arrive. Donner la vie. C'est déjà énorme. L'épuisement assuré. Et après. Que faut-il faire encore ? Elle regarde médusée l'être qu'elle doit nourrir, laver, changer. Toutes les heures, tous les jours. Qui est L. ? Une femme. Une femme qui ne sait plus qui elle est, ni quel est son nom, son identité, son rôle. Son état de stupeur face à cette nouvelle vie la place à la fois dans un état d'hyper-sensibilité : elle perçoit parfaitement le moindre bruit, observe d'infimes détails et en même temps, elle ne cesse petit à petit de se détacher du monde, de s'absenter. Elle agit comme dans un état second. Les gestes sont automatiques, le regard vide. Elle ne semble plus être elle-même. Elle est devenue un être morcelé. D'aucuns parleraient de dépression post-partum. En réalité, le problème vient de plus loin, de l'emprise insidieuse de la société sur elle, sa vie, son quotidien, son corps. Il a déjà fallu endurer beaucoup. L'asservissement du travail, le carcan de la conjugalité, l'injonction sociétale du « réarmement démographique »… Et là, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, le point de bascule. C'est NON. Non, je ne continue pas comme ça. Je prends un chemin de traverse, coupe à travers champs. le mari, (silhouette inexistante) qui rentre tous les soirs, ne voit pas qu'elle sombre, doucement. Les caméras de surveillance, dont nous lisons le relevé lorsque la femme entre dans le champ, enregistre un comportement étrange. Les passants tentent parfois d'intervenir. Mais elle refuse toute aide, toute injonction. Elle part seule. S'ensuivent l'errance, l'absence, la démence.
Texte à la fois narratif et poétique, « Une femme entre dans un champ » est un premier roman très maîtrisé et très original dans sa forme. le texte non chronologique s'organise autour d'un jour j : j+, j-. Que s'est-il passé ce jour- là ? Que s'est-il passé j-9076 ? Cette construction non linéaire mime la perte de repères et les souvenirs d'enfance remontent à la surface soudainement. La métaphore filée du figuier étrangleur qui semble, à certains moments, s'emparer physiquement de L. matérialise parfaitement l'impression d'un étau qui se resserre sur la mère et lui donne l'impression d'étouffer.
Ici le texte devient vers et les blancs figurent l'attente, l'indécision ; là au contraire, la prose est très serrée, le train défile, les paysages se superposent, les pensées s'enchaînent. Où s'arrête un train après le terminus ?
Seule la route devient l'espace de liberté : partir, marcher, de plus en plus loin… Jusqu'où ?
Un portrait de femme extrêmement fort.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Aïe, je lis les premières pages et me dis encore une écriture ardue.

Au premier tiers de ce petit livre, je vais en fin de livre et vois master d'écriture et émulation collective. Il va falloir que je surmonte mes à priori négatifs mais cacophonie littéraire me vient à l'esprit.
Echanger, discuter partager avec ses collègues de cursus, soit, mais attention à ne pas limiter la compréhension à un entre soi. Tu vois de quoi je parle, oui. Mais le lecteur peut être pas.

L'histoire est pourtant intéressante.

Une mère venant d'accoucher a du mal à investir son bébé. Cela existe, je me rappelle d'une patiente m'ayant dit : ma fille vient d'appeler, elle semble perdue, elle vient d'avoir un bébé, son enfant est dans un transat, elle me dit, qu'est ce que je dois faire ?

Visiblement, la mère qui n'a plus de prénom sauf L, la lettre de début, ne va pas bien. Plus que de dépression du post partum, on pourrait évoquer une décompensation psychotique, mais magie du livre où l'auteur est maître de son oeuvre, aucun proche ou personnel médical n'intervient, seul quelques passants s'arrêtent et trouve l'curieuse, mais les passants, vous savez ça passe.

Des trouvailles. A l'instar du nénuphar de Boris Vian, nous avons un figuier qui tel un fromager khmer et non pas savoyard emprisonne l'qui elle même est en passe devenir statue.

Un oiseau qui se fond dans le bitume, un nom qui s'efface à son tour, une folle de métro et bien d'autres messages délirants dont l'interprétation en veux tu en voilà sera au bon gré du lecteur qui lira à l'insu de son plein gré .

Tiens, je n'avais pas vu car écrit je ne sais comment. En tête de chaque chapitre un J quelque chose, -5 ou -256 ou + 89 ou + 43, bref sans ordre chronologique ce qui ajoute au mystère de la compréhension l'agacement de celui qui n'avait pas vu.

P118. J'ai corné la page ce qui n'est pas bien.L découvre un T sur le bitume glouton. Il semble que ce soit la première lettre de son son nom en train de disparaître. Qui ne suis je plus. Ca cogite, je relis le nom de l'auteur, Emmanuelle Tornero. l'T, stop, ne délirons pas même s'il y a une fin et un début à tout.

Bref, une histoire intéressante exploitée sur un mode mastérien auquel on adhérera ou pas. Et des chapitres a picorer dont certains avec délice en regard des trouvailles et des émotions qui nous gagnent.

La phrase de la fin ainsi que j'aime à les citer.
Aie
p 154, cela semble être la fin.
Puis une dizaine de pages blanches.
Puis des listes. Est ce un sommaire ou la fin du livre.

Commentaire.
Je sais, je suis un peu bête et j'aurai besoin de l'pour m'aider.
Mais elle est hors champ.
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Si vous aimez les nouvelles voix, les sentiers inexplorés, les mots, les rythmes, les silences encore à sonder… alors il se pourrait que vous soyez séduit par l'écriture tout en analogie, en cadence et en effleurement du réel d'Emmanuelle Tornero.

On entre dans le texte en rythme- celui de la pluie fouettant le corps et la terre, frappant comme les mots. Tout est poisseux, trempé. Les gouttes coulent dans notre cou, nos chaussures sont inondées.
On comprend alors qu'on entre dans un texte avec lequel on va faire corps, dans lequel les sensations ne seront pas dites mais vécues à travers L.

L. c'est celle qui promène L'enfant, qui le berce, le regarde, le nourrit, l'installe dans la poussette et marche.
Comme chez toutes les mères il y a quelque chose de l'ordre de l'instinct animal dans son rapport à lui: les odeurs, la peau, la chaleur, la fatigue…
L. est le corps-tuteur de L'enfant et de ce figuier qui l'enserre toujours plus, jour après jour, métaphore de son angoisse, étouffant, éclipsant son identité.
L. s'oublie, elle est seule, malgré L'homme. L'enfant est là. Tout s'efface… « L'ancienne vie est un autre monde, un souvenir imprécis. »

Un texte résolument hypnotique par sa scansion, ses rythmes, ses silences retentissants, ses ellipses à combler…
Les jours passent, défilent en J -23, J + 106, J-4… un tourbillon de solitude.

Certains jours sont déroutants parfois confondants, mais les mots nous accrochent, les listes sonores nous saisissent, les images nous agrippent, les impressions et l'expérience sensorielle dominent les faits, chacun des sens du lecteur se déploie sous les mots de l'autrice les invitant à l'éveil. Tout est suspendu, flou, et puissant à la fois.
Alors on marche avec L., comme L., sans savoir où l'on va, dans ce texte polymorphe qui semble onduler comme ondule sa pensée.
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C'est un livre d'une grande force, avec une écriture poétique et une construction maîtrisée. L. vient d'avoir un enfant et son monde se referme, ou peut-être s'ouvre-t-il d'une autre manière? Voit-elle autre chose qu'elle ne voyait pas avant? Son attention à la nature, aux détails de la vie courante contrairement aux figures humaines qu'elle écartent de sa vie à mesure que les pages se tournent. Il y a elle et l'enfant. Les sensations autour du fait d'avoir un enfant. Eux et l'appartement jusqu'à ce que ...?

Je pense que c'est un livre avec lequel on peut avoir plusieurs lectures, et pour ma part, je l'ai vu comme une analogie ou un conte qui dépeint la perte d'individualité, qui questionne également le rapport à la maternité, à la vie bien rangée, aux injonctions sociales qui en découlent autours de nos choix de vie.

C'est très beau, c'est intelligent, c'est remarquable.
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critiques presse (1)
LeMonde
04 mars 2024
Le roman relève ainsi d’un dispositif qui pourrait sembler formel, travaillé en tout cas dans le laboratoire studieux d’un atelier d’écriture, mais qui réussit à multiplier la puissance d’émotion.
Lire la critique sur le site : LeMonde

Videos de Emmanuelle Tornero (8) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emmanuelle Tornero
Emmanuelle Tornero, la musique du réel (vidéo intégrale)
Son actualité, ses influences, son univers, ses techniques d'écriture…
Rencontre avec Emmanuelle Tornero, jeune autrice diplômée du Master Création littéraire du Havre. "Une femme entre dans le champ", son premier roman, remarqué à sa sortie, est paru en janvier 2024 aux éditions Zoé.
Vidéo réalisée par Aprim.
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