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EAN : 9782364687516
288 pages
Editions du sous-sol (05/01/2024)
3.8/5   84 notes
Résumé :
Fauvel accepte de garder la chienne du père d’une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n’est pas un chien comme les autres, c’est le clone d’une première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu’on découvre au matin des animaux massacrés, et qu’elle-même rentre parfois ensanglantée.
Cette situation est le point de départ d’un récit de traque et de cauchemar délic... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Roman du terroir dans la lignée des romans rustiques mâtinés de fantastique d'une Cécile Coulon (Une bête au paradis), d'une Adeline Fleury (le ciel en sa fureur) ou encore d'un Franck Buysse (L'homme peuplé), Aliène s'avère être un véritable roman social, radiographie des maux de notre époque, radioscopie d'une certaine jeunesse, roman mâtiné de façon surprenante de touches de science-fiction, prétexte au déploiement du fantastique. Une lecture surprenante, moderne, captivante. Une étrangeté terriblement excitante.

Fauvel, jeune femme d'une vingtaine d'année, éborgnée par un tir de LBD lors d'une manifestation, paumée et sous l'emprise d'une peur permanente depuis son incident, débarque à Cournac pour garder durant quelques jours la chienne du père d'une amie, l'exubérante Mado. Quitter la ville pour la pleine campagne lui sera sans doute salvateur, ce d'autant plus que la sécheresse destructrice est encore plus dure à vivre en ville.
Mais l'ambiance apparait immédiatement étrange. Hannah, la chienne, s'avère être le clone d'une chienne morte adorée (notez que le nom est un palindrome), et entre ses origines peu communes et son agressivité latente, la jeune femme sent que ce séjour en tête à tête avec cette chienne massive ne va pas être une sinécure, ce d'autant plus que les habitant de Cournac semblent très méfiants vis-à-vis de la chienne. Serait-elle responsable des découvertes macabres qui ne cessent depuis qu'elle est arrivée il y a environ deux ans ? Leur bétail est en effet massacré, mutilé.
Ce climat délétère est entretenu par un groupe de jeunes chasseurs particulièrement agressifs, tous ouvriers dans l'usine d'eau minérale du coin, notamment un certain Julien à la virilité crasse et dominatrice, qui eux colportent des récits d'enlèvements d'extraterrestres. A moins que ces récits ne soient que les anciennes légendes du coin revisitées ?
Dans tous les cas, le bouc émissaire semble tout trouver en Hannah.

Ces aliens qui viennent d'en haut donnent le la au thème plus général et plus profond du récit qui est celui de la domination. Domination de l'homme sur la femme, domination de l'homme sur les animaux, domination du capitalisme sur les salariés. Domination des hétérosexuels sur les homosexuels. Domination de la capitale sur la ruralité abandonnée à son sort. Des aliénés.
Les liens que vont tisser la chienne et Fauvel permettra à la jeune femme de se reprendre en main, de retrouver une certaine verticalité, de se transcender et d'être en lien avec un être vivant au-delà de tout rapport de domination. Dans un sentiment d'amour vrai. C'est la rencontre salvatrice entre deux colères, celle d'une chienne mutante et d'une femme mutilée permettant de se défendre et de défendre ce qui a été blessé et tué.

« Les penses d'Hannah et de Fauvel s'entortillent l'une à l'autre. Crues, rugueuses, infundibuliformes ».

L'ambiance est haletante, la traque de la bête permanente en pleine forêt, où Fauvel ne cesse de s'y égarer, à la fois proie et chasseuse, plongée dans une réalité confuse, poreuse aux divagations et à un onirisme croissant au fur et à mesure du récit. La végétation est broussailleuse, grise, la roche affleure sous la terre, l'herbe est rêche, mêlée de mousses visqueuses, les sentiers inconnus et orniéreux, à l'image du chaos qui règne en maitre dans la tête de Fauvel.
J'ai beaucoup aimé cette ambiance inquiétante où l'ombre de la bête plane entre découvertes sanglantes qui émergent parfois du brouillard épais nimbant le paysage, entre hallucinations et rêves. La plume de l'auteure est éminemment sensorielle, odeurs, couleurs, texture, bruits, et sensations (notamment cet oeil disparu qui pulse derrière l'orbite) sont au centre du récit.

« Elle pense à l'aspect de son visage blessé, elle sent son oeil brûler dans son orbite, elle le sent visé par ces regards, l'oeil de poisson mort qui se liquéfie dans sa joue rougie par les cicatrices, oeil qui coule de façon impromptue, qui ne reflète qu'amati le monde, et cet oeil lui revient comme une marque d'infamie ».

« Lorsqu'il se mettait en colère, toujours pour des raisons inexplicables, il émettait une odeur extravagante et dégueulasse, l'humus aux branchages morts, le soufre des oeufs pourris, la point de fer du sang ou de l'étron malade ».

Roman ultra-contemporain soulevant les questions de l'identité et du genre, de l'animalité, de notre rapport de domination, des manifestations, de la violence et des peurs de notre monde, violence policière, violence masculiniste, violence du réchauffement climatique, j'ai été emportée par ce livre sans rien connaitre de l'auteure. Il s'avère que Phoebe Hadjimarkos Clarke est une autrice franco-américaine qui avait publié un premier roman Tabor dont il est fait référence dans ce livre sous forme de clins d'oeil. Elle serait classée du côté de la science-fiction queer. Ici le sens de Queer proviendrait pour moi bien de son sens premier, à savoir l'étrangeté qui plane dans ce roman. Aliène vient plonger, sous une forme terriblement actuelle, dans les eaux de la mythologie collective, entre loup-garou et bête du Gévaudan. L'amour noué entre Fauvel et la chienne Hannah sera la seule éclaircie dans ce roman par ailleurs d'une noirceur redoutable car éminemment contemporaine. Un roman atypique à découvrir !

Merci à @latelierlitteraire à qui je dois cette découverte ! Son retour est très très convaincant !

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Ce roman, découvert grâce au superbe billet de Chrystèle (@HordeDuContrevent) que je remercie vivement, avait tout pour m'attirer : un titre évocateur, mystérieux, et, en couverture, le tableau du peintre de la Renaissance allemande Cranach l'Ancien, offrant une allégorie de la mélancolie.
Le livre à peine refermé, je trouve difficile de trouver les mots pour rendre compte de mes émotions tant cette lecture est originale, fascinante, dérangeante, troublante.

* *
Fauvel, la narratrice, suite à un accident qui l'a rendue borgne, accepte de partir pour quelques semaines à la campagne s'occuper de Hannah, la chienne du père d'une de ses amies parti en voyage à l'étranger. Elle espère que ce lieu paisible et retiré l'aidera à se reconstruire suite à son agression et à reprendre pied dans un monde social qui se dégrade et accentue les inégalités.

Mais Fauvel, à la vue de Hannah, a un mouvement de recul : la gueule immense et grondante, la jeune chienne est impressionnante, un fauve imprévisible, incontrôlable, empli d'une force brute.
Son séjour, qui devait être reposant, va s'avérer cauchemardesque, je dirais presque dantesque. Car Hannah n'est pas un animal comme les autres : elle est le clone d'une première Hannah. La jeune Hannah est en tout point identique à la vieille chienne empaillée au milieu du salon. La ressemblance est parfaite jusque dans les traits de son caractère. Mais la chienne, étrange, malaisante, agressive, suscite la crainte autour d'elle. Les villageois lui imputent même l'attaque de troupeaux, la nuit.

La sensation de peur, d'angoisse et de malaise est exacerbée par la présence des chasseurs de la région qui ont la gâchette facile. Menés par Julien, un homme irascible et sanguin, persuadé d'avoir été kidnappé et torturé par des extraterrestres, ils ont décidé de faire la peau à la chienne.
Fauvel est bien décidée à rechercher la vérité dans ces tueries.

*
Ce roman est une expérience de lecture insolite qui demande un certain lâcher-prise. En effet, le lecteur perd totalement ses repères dans un récit qui entremêle rêves et conscience, fantaisie et réalité, cruauté et animalité. Je me suis retrouvée dans un ailleurs indéfinissable et sombre, confinée dans un univers de sexe et de drogue, nimbé d'extravagance, d'incompréhension et d'irréalité.

Progressivement, différentes réalités se superposent les unes aux autres dans un monde confus, décousu, tumultueux, heurté, menaçant, fascinant, envahi par l'anxiété, la douleur et la violence.
Un fil invisible tissé de colère et de crainte semble relier Fauvel et Hannah, les unir l'une à l'autre, jusque dans les rêves de la jeune femme où elles ne font plus qu'un.

« Elle passe toute la nuit à rêver d'Hannah, elle est Hannah, elle aime ça, le sommeil est devenu un continent fantastique et confus où chaque nuit elle se plonge pour devenir une chienne extravaguant dans les forêts. »

*
Pour moi, toute la force de ce roman vient non seulement du fait que Phoebe Hadjimarkos Clarke excelle à créer une ambiance onirique et oppressante, à exprimer cette bouffée d'anxiété et de trouble que l'on peut ressentir à une lecture, mais aussi à renforcer le climat de confusion qui s'accroit au fil du récit. J'ai été happée par cette atmosphère brumeuse et sensible, par la puissance suggestive de la nuit, par la proximité de la forêt source d'inquiétude et de fascination, par ses instants suspendus qui se désintègrent sous notre regard pour revenir à une réalité brutale, frontale.

C'est un roman où nos sens sont exacerbés par la consommation de drogue : la forêt revêtue d'habits de nuit et de brume provoque une impression d'irréalité et de perte de contrôle ; les bruits résonnent dans la campagne, notamment les coups de fusil et les aboiements des chiens de chasse rendus nerveux par les mauvais traitements. L'odorat ne fait pas exception non plus, emplissant les pages, enveloppant le lecteur d'odeurs terreuses, fongiques ou métalliques, souvent écoeurantes.

*
Les personnages de ce récit sont en marge de la société, des êtres torturés, aliénés, et je n'ose le dire, pour moi, caricaturaux pour certains. S'ils ne m'ont pas émue, ni transportée, je dois reconnaître que l'autrice a néanmoins soigné la caractérisation de Fauvel. On entre dans son esprit malmené par la drogue et la tension, dans sa solitude et ses peurs, dans ses rêves hallucinatoires.
Par une sorte de symbiose homme-animal, je me suis liée également à Hannah, un animal fascinant autant qu'inquiétant ; et je me suis bien souvent demandée si elle était vraiment la bête qui massacrait le bétail à la faveur de la nuit.

*
Quant au style, j'ai du mal à avoir un avis tranché : si j'ai trouvé certains passages magnifiques de poésie et d'onirisme, l'instant d'après, le choix de certains mots m'a paru trop cru ou maladroit. Au vu de l'écriture, ce choix m'a paru réfléchi et délibéré de la part de l'autrice, mais je n'y ai pas adhéré. En effet, j'ai trouvé que cette rupture dans le style brisait le rythme et la mélodie du texte.
Pourtant, je peux le comprendre. Dans une conscience agitée, chaotique et fragmentée, l'absorption de drogue peut être associée à une perte d'inhibition.

A travers une critique politique et sociétale, Phoebe Hadjimarkos Clarke parle de violence et de traumatisme, de perte, de colère et de peur. Elle propose une réflexion très intéressante sur nos rapports au monde et à l'autre, sur la frontière entre l'humanité et l'animalité, sur l'identité et le genre, sur les préjugés liés à la différence.
De plus, l'autrice joue sur les oppositions : la place de l'homme et de l'animal, la vie en ville et à la campagne, la chasse et le respect de la vie animale.

« Elle caresse Hannah sa main court sur son échine, se repose sur ses vertèbres, ses omoplates, ses os physiques de chien magique, presque irréel, un chien façonné dans un laboratoire, un chien venu d'un rêve. Une idée de chien. »

* *
Je retiendrai de ce roman la plume poétique et brutale de Phoebe Hadjimarkos Clarke, cette sensation d'irréalité et de rêve qui apporte une touche de réalisme magique et de fantastique au récit.
Le temps semble suspendu, flottant dans un entre-deux où le désir, les fantasmes, le sexe, la drogue et la sauvagerie forment un entrelacs complexe et subtil qui nous questionnent sur le monde d'aujourd'hui.
Les éditions du Sous-sol roman proposent un roman hors norme, qui ne plaira certes pas à tous, mais qui saura séduire par sa singularité et la force de son style !
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Nous sommes dans un territoire rural, non loin de la forêt avec tout ce qu'elle implique de peurs ancestrales et de dangers réels. C'est dans cet univers hostile que Fauvel s'installe, pour s'occuper d'Hannah, la chienne clonée de Luc qui lui laisse sa maison et les consignes pour l'animal.

Hannah est sans doute le personnage principal de ce roman, car toutes les attentions se focalisent sur elle, et cherchent à l'accuser des massacres d'animaux aux alentours, même si les forfaits vont bien au-delà de ce que peut faire un chien, fût-il issu de la procréation assistée.
Ambiance bête du Gevaudan garantie !

C'est dans ce climat de suspicion généralisée que s'inscrivent les histoires d'amour de Mado, fille de Luc et de Fauvel, loin d'être romantiques, d'autant que les élus sont parfois bien inquiétants !


On ne peut nier l'originalité du récit, qui flirte parfois avec le fantastique, tout en maintenant le doute ! On reprochera la violence de certaines scènes, qui n'ont peut être pas toujours une justification pour le déroulé de l'intrigue.
L'écriture est maitrisée, et réussit le pari d'accrocher le lecteur, grâce à la quête d'un coupable, artifice toujours efficace.



288 pages Sous-sol 5 janvier 2024
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Après son premier roman, "Tabor", que certains ont qualifié  de" post-apo queer ", Phoebe Hadjimarkos Clarke livre un nouveau roman qui mêle science-fiction, fantastique et réalisme magique.

Tout commence lorsque Fauvel, une jeune femme qui a perdu un oeil à cause d'un tir de LBD lors d'une manifestation des gilets jaunes, s'installe à la campagne pour garder le chien du père de sa meilleure amie.
Déprimée et désoeuvrée, elle accepte de quitter la ville avec un reste du fantasme d'un retour à une nature enchantée tout en craignant l'ennui et la monotonie de la campagne en automne.
La chienne Hannah a une particularité qui relève encore pour nous de la science-fiction : elle a été clonée aux États-Unis à partir d'une chienne morte de vieillesse. Et contrairement à la chienne originelle, elle se montre parfois très agressive ce qui inquiète les habitants du village. D'autant plus que de nombreux animaux sont retrouvés sauvagement massacrés.

L'animal cloné n'est pas la seule incursion de la SF dans le roman. L'homophonie du titre évoque nécessairement le film de Ridley Scott et ainsi la menace de domination par l'organique. Ainsi que des connotations sexuelles qui surgissent au fil du roman jusqu'à ce qui s'apparente à une gigantesque éjaculation .
"Elle a senti tout ça, les présences alienes, elle en est certaine tout d'un coup. Elle comprend, elle a compris ce qu'il lui arrivait, lorsque les entités l'ont pénétrée. Son cerveau s'était ouvert comme une orange avec ses quartiers, comme un fruit quelconque d'ailleurs, délicat et offert, les alvéoles entrelacées, et puis des communications lui avaient été faites, versées dans le réceptacle béant des cavités, elle n'avait fait que prendre, acquérir mentalement, ça avait fendu son tronc, son sexe, passant le long des arcs de la jambe. "

Par ailleurs, lorsque Fauvel rencontre Mitch, un jeune étudiant en sociologie, elle découvre qu'il enquête sur des récits d'enlèvements par les extraterrestres, nombreux dans la région, surtout auprès de la population masculine qui cumule la passion pour la chasse et le métier d'ouvrier dans l'usine locale d'embouteillage.
Julien semble être le leader du groupe de chasseurs, il est aussi celui qui prétend être en contact avec les extraterrestres depuis son enfance et le détenteur de lourds secrets qu'ils lui ont confiés. Il a la réputation d'être un chasseur sans pitié et d'avoir une sexualité active, ce qui fait naître des fantasmes, tantôt sexuels, tantôt horrifiques chez Fauvel et chez Mitch. Tous les deux sont persuadés qu'il est responsable du massacre des animaux.

En mettant en scène les relations fusionnelles entre Fauvel et Hannah, notamment par les rêves communs, l'auteure nous plonge dans un conte fantastique tout en explorant les notions d'animalite et de violence.
Malheureusement pour moi, les dernières pages qui cherchent à exprimer une volonté de domination et la peur qui en résulte pour celles qui la subissent, m'ont perdue dans un délire d'hallucinations que je n'ai pas pu démêler.
La grande scène finale évoque davantage un exercice de style et n'apporte pas de conclusion cohérente. Si les fins ouvertes me conviennent parfaitement, il m'importe de comprendre vers où l'auteure a voulu m'emmener.
Et ce n'est pas le cas ici.

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Aliène c'est un pur OVNi littéraire, du genre X-Files - aux frontières du réel - complètement fou et bourré de TW, vous êtes prévenu.e.s !

Comment écrire une chronique qui rende justice au texte et à l'autrice sans se fourvoyer ? Car après tout la réceptivité du texte ne peut qu'être singulière, à l'image de ce roman extravagant, hors norme, atypique : « aliénant ». Autant se le dire, si vous n'êtes pas ouvert.e d'esprit, laissez tomber. Ici il faut apprécier le « conceptuel », le trash, la marge, le « politiquement incorrect ». Ce bouquin, je l'ai vu comme une oeuvre d'art, de celles qui nous absorbent entièrement, nous retournent dans tous les sens pour mieux nous recracher derrière.

Fauvel a perdu un oeil à la suite d'un tir de LBD. Depuis elle vit dans la peur. La peur permanente. Celle induite par sa condition de femme, faible et soumise. de proie. Proie du système. Proie des flics. Proie des hommes. Proie du monde. Fauvel a désormais peur de la ville, de son effervescence, de son agitation et des dangers potentiels. Depuis qu'elle a reçu ce tir de LBD, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. Devenue « petite chose fragile » elle se réfugie à la campagne pour s'occuper de la chienne clonée du père de son amie Mado. Elle espère probablement se libérer de l'emprise de sa peur, trouver un semblant de sécurité, de la chaleur et se régénérer.

Aliène c'est un récit perché, bestial, organique, qui prend aux tripes et donne parfois la nausée. L'autrice nous livre un texte cru, anticonformiste. La plume est acérée, le style acide, le ton cynique. C'est glauque et en même temps terriblement attirant. le travail d'écriture est fantastique : l'alternance de mots soutenus, familiers et désuets participant à toute la bizarrerie (alléchante) du bouquin. L'autrice joue la provoc en balançant à la tronche du lecteurice une authenticité dérangeante et contre-nature, celle que l'on cache habituellement, mais qu'elle au contraire, exhibe sans retenue.

Au cours de quelques virées, Fauvel rencontre Julien, le ténébreux chasseur puis Michel qui écrit une thèse sur les extraterrestres qui auraient « enlevé » quelques personnes du coin. Fauvel se perd alors dans ses rêves (ahurissants) et une réalité altérée par la consommation outrancière de toxiques. Pourtant elle se voue d'une étrange mission, celle de mener l'enquête pour retrouver, le, les, coupable(s) à l'origine de l'étrange massacre du bétail dans le village.

À travers le personnage torturé de Fauvel, l'autrice semble dénoncer les séquelles psychiques, le mal-être dans lequel peut se trouver une personne brisée, opprimée par la société et les « dominants » et se penche sur la question des violences sous toutes leurs formes (policières, humaines, animales…).

Ce livre c'est un peu un combat contre ses propres démons et ces peurs générées par un climat d'insécurité grandissant issu d'un monde en perpétuel changement, patriarcal, bouleversé par toutes sortes de cataclysmes, dirigé par les lobbies et écrasé par le capitalisme. Une lutte contre les dérives écologiques, politiques, sociales. Un combat pour les libertés et les égalités.

Alors oui le roman déplaira sans doute à certain.e mais l'autrice a osé ce que personne n'ose et ça, c'est tout bonnement remarquable.
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critiques presse (3)
LesInrocks
20 février 2024
Bienvenue dans l’un des romans les plus ambitieux de cette rentrée d’hiver : entre faux thriller et roman d’anticipation halluciné, Phoebe Hajimarkos Clarke signe le conte très noir de notre temps.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
LeMonde
08 janvier 2024
Le deuxième livre de cette écrivaine est un vrai roman social sous des dehors de science-fiction rustique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
03 janvier 2024
L’autrice franco-américaine signe un roman d’anticipation en constante mutation pour aborder les grands enjeux et violences de notre monde. L’une des propositions les plus excitantes de la rentrée littéraire d’hiver.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
La peur qui l’habite depuis si longtemps lui sert aussi d’ossature ; sans elle, Fauvel pourrait s’effondrer pour de bon, révélant ainsi qu’elle est pourrie de l’intérieur, vide, seulement boursouflée par la terreur. Est-ce que la neutralité relative de monde qui l’entoure à présent va révéler la nature complètement nulle de son âme ?
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L’amitié, se dit Fauvel, a ceci de spécial qu’elle peut mourir et renaître sans cesse, qu’elle est souple et longue, qu’elle est un filet lâche qui forme abri, maison, dans lequel on peut s’enrouler à loisir, dont on peut s’enfuir quand on veut, qui s’augmente toujours de chambres nouvelles, de nouveaux compartiments.
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Elle se sent ours réintroduit, elle se sent eau minérale en bouteille, elle se sent aliène, l’autre, la friche, détruite par le feu du brûlis. Dans la faiblesse artificielle de son corps, les braises de sa colère se ravivent.
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Les chiens ? C’est que Fauvel n’en a jamais raffolé. Ils ne lui déplaisent pas, c’est juste qu’elle ne ressent pas l’affection débordante que certains leur témoignent, ni même de connivence – pas spécialement, en tout cas. Les raisons à cela n’ont rien d’exceptionnel : elle trouve les chiens empressés, trop serviles, et puis ils donnent l’impression de manquer de finesse ou d’élégance, avec leurs grosses pattes poilues et l’odeur que l’on sait.
Ok, Fauvel n’a jamais adoré les chiens, mais c’est peut-être parce qu’elle n’a jamais eu l’occasion d’en rencontrer un pour de vrai. Pourtant ça y est, la voilà enfin face à une chienne, avec laquelle, en plus, elle devra cohabiter.
(Incipit)
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Il est campé les jambes écartées, la crosse de son fusil bat contre les cuisses fantasmées que l’on devine, même à travers le tissu épais du treillis, à la fois musclées et grasses, probablement boutonneuses sous les poils blondins. Il a surgi de l’épaisse muraille de brouillard, comme une apparition, flanqué de deux personnes sans visage, et tous se sont mis en devoir d’installer un poste d’observation là, dans le jardin.
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Vidéo de Phoebe Hadjimarkos Clarke
Lecture par l'autrice & rencontre animée par Sylvie Tanette
Fauvel a perdu un oeil suite à un tir de LBD. Elle accepte de garder la chienne du père d'une de ses amies dans une maison isolée à la campagne. Hannah n'est pas un chien comme les autres, c'est le clone d'une première Hannah, qui trône empaillée au milieu du salon. Elle suscite les peurs et les reproches muets du village, à mesure qu'on découvre au matin des animaux massacrés, et qu'elle-même rentre parfois ensanglantée. Cette situation est le point de départ d'un récit de traque et de cauchemar délicatement progressif. Au fil d'une pseudo-enquête hallucinée, le roman explore les notions de domination, d'animalité et de violence. À travers la proximité, voire l'amalgame entre animaux et humains, Aliène questionne la nature de ce qui est caché, la vie animale, et surtout l'instinct de peur. Tel est le véritable fil du récit, rarement traité avec autant de nuance et de force.
« Ainsi il existe encore des lieux sur ce continent et dans ce pays qui est malencontreusement le mien, dans la mesure où cent fois préférable aurait été de naître apatride ou de ne pas naître du tout, il existe encore des lieux qui ressemblent à l'image idéale que l'on s'en fait. » Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène.
À lire – Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène, éd. du sous-sol, 2024.
Son : Axel Bigot Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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