Je considère
William Trevor comme un très écrivain, malheureusement pas assez connu et reconnu. Il a été question de lui attribuer le Nobel, et je regrette que les académiciens suédois n'aient pas fait ce choix, car cela rendrait ses livres plus accessibles. C'est encore plus vrai pour les nouvelles, dont il est un grand maître, et qui sont loin d'avoir été toutes traduites : pour pouvoir lire ce recueil, j'ai du le faire sortir de la réserve de la bibliothèque, et le gentil bibliothécaire avant de me le donner a essuyé la poussière qui couvrait le volume, visiblement pas ouvert depuis un très long moment.
Il contient pourtant, ce volume oublié des lecteurs, dix petits chef-d'oeuvres de concision, de justesse, de cruauté aussi. Les personnages de
William Trevor sont des êtres désarmés, fragiles, avec des failles, des faiblesses, qui les rendent vulnérables, qui en font des victimes potentielles. Dans les deux premières nouvelles, du fait de leur grand âge, dans d'autres du milieu familial, ou d'un handicap, ils peuvent devenir la proie de ceux qui convoitent quelque chose qu'ils possèdent ou tout simplement qui ont le pouvoir de les faire souffrir. La solitude semble être la compagne la plus fidèle de la plupart des personnages de ce livre, et c'est cela aussi qui les fragilise, qui les rend susceptibles de céder à la force ou au charme destructeur des forts, des sûrs d'eux, de ceux qui sont sans scrupules et sans sentiment de culpabilité.
Mais toutes les textes ne sont pas dans la même tonalité, l'avant dernier est presque comique, d'un comique grotesque. Un personnage imbu de lui-même et totalement creux, se voit remettre à sa place lors d'un cocktail par une femme quelque peu déséquilibrée, mais surtout prête à dire leurs quatre vérités à tous ceux qui croisent son chemin, avec une acuité pour repérer les défauts de chacun.
C'est comme toujours chez
William Trevor d'une immense justesse, et au-delà des portraits psychologiques d'une finesse extraordinaire il dresse aussi des constats qui dépassent les individus : c'est la manière dont la société rejette à ses confins les personnes âgées qui rend possibles les tragiques aventures des Marston et de Mrs Malby, dont la peur panique de finir en maison de retraite l'amène à accepter des choses qu'elle n'a aucune envie d'accepter.
Très fort et dense, un magnifique recueil de textes, tous de très grande qualité, sans aucun raté.