L'homme,
Jean Tulard, qui a encadré les deux temps extrêmes du bicentenaire
napoléonien (de 1969 à 2021) , en passant par tous les anniversaires intermédiaires, aura donc dirigé ce travail intelligent et fort bienvenu, réunissant de grands spécialistes autour du thème :
L'Europe au temps de Napoléon. Les noms de
Roger Dufraisse et de
Jacques Godechot, mais aussi de
William Smith, de Jean Bérenger et de
Jean Vidalenc méritent à mon sens d'être cités entre autres contributeurs.
Il est intéressant de rappeler que
la Révolution française a fait rupture dans l'ordre européen des monarchies et du cosmopolitisme ambiant, mais que le rapport de notre pays avec le reste du monde européen s'est toujours fait en décalage, d'abord favorable puis défavorable à notre pays. le nationalisme patriotique français a heurté bien des traditions et fragilisé bien des régimes au fur et à mesure des avancées militaires des armées françaises en Europe. La première réaction des puissances ébranlées a été la formation de coalitions souvent sinon toujours financées par l'Angleterre, puis quand
Napoléon a repris le flambeau et a créé l'Empire, agrégeant à celui-ci toujours plus de territoires, il a fini par toucher dans la conscience des pays concernés une fibre nationaliste qui ne s'était encore jamais ou presque exprimée jusque-lâ, si bien qu'au nom de l'idée nationale une idée et une identité se sont alors formées contre l'homme qui avait juré que la Révolution était terminée et accomplie avec lui. Nations soudées contre la nôtre, les puissances européennes, surtout Autriche, Russie et Prusse, avec l'Angleterre toujours en embuscade, se sont liguées pour abattre l'homme qui avait tenté de subjuguer toute l'Europe. Mais cette Europe unie contre
Napoléon ne réussit pas mieux avec Metternich à se rassembler sur la politique de restauration d'un ordre ancien et, paradoxalement,
Napoléon, prisonnier à Sainte-Hélène, put, grâce à
Las Cases, se parer du costume libéral et nationaliste qu'il se plut à revêtir pour faire oublier qu'il avait voulu quand il régnait installer l'hégémonie française sur le continent européen.
Un maître-ouvrage sous la direction de
Jean Tulard, à lire absolument pour y trouver comme l'écho de nos débats actuels sur les rapports entre l'Europe en construction et les États toujours nationaux qui la constituent.
François Sarindar