« L'eau montait dans la cave »
Métaphore du temps qui passe et qui se risque à l'écriture des échos. Attendez l'heure pleine du silence avant de lire ce chef-d'oeuvre. Sachez que ce moment sera altier et souverain. C'est un livre précieux, magistral, incontournable. L'immanence d'un langage né depuis des millénaires. le narrateur va ouvrir subrepticement les boîtes d'archives de son ami disparu Carolus. Déposées dans sa cave, ses dernières sont en proie à la montée des eaux. Elles sont restées de longues années inanimées. Boîte après boîte les aiguilles du temps s'inversent. Les réminiscences sont des chapelles, des mystères qui éclatent comme des bulles.
« Et c'était désormais la question du nombre de ces boîtes qui occupait mon esprit ; et ce nombre, cette éloquente quantité, me frappait soudain, signe d'un goût pour l'archive que je n'avais pas soupçonné chez lui. »
Les souvenirs sont des révérences. le passé n'est plus. le narrateur remonte à la surface des existences. le chant des rappels et les sèves amicales à peine troublées par l'évènementiel, qui, parfois, joue des coudres à contre-sens. Ici, ce n'est pas une histoire dont il s'agit. Nous sommes dans l'instantané d'un électrochoc. Les archives sont des voiles, des écritures, des battements de cil, les fraternités d'une enfance gémellaire et enchantée. Les boîtes agrippent les cheveux, les survivances, les déchirures et les séparations de par les pas de côté et les chemins de traverse. Écrivain plus qu'auteur, secret et intuitif, Carolus laisse le mot de passe au narrateur.
« C.P. ? Mais C.P. demeurait introuvable. »
Qui de Carolus ou du narrateur, de ce plein qui revient à la figure de plein fouet ? S'enfouir dans la matrice labyrinthique des vies emmêlées. Les archives de Carolus sont la mémoire de l'essentialisme. de l'importance de la fragilité d'un bref instant passé qui semblait invisible. Ce livre est de ferveur et de douleur aussi.
« Pourtant, nous avons bel et bien réussi à consigner sur papier des parts inaltérables de nous-mêmes. Quelque chose de nous (n'est-ce-pas ?) a survécu, il me semble, à la malignité du monde. »
L'enfance est le rideau de la vie. Les archives de Carolus, ressacs, embruns, images et sentiments sont de raison gardée. L'anonymat perd son manteau sur les routes pavloviennes. « La raison vient à Carolus » est l'épars assemblé sur les dédales des destinées. N'oubliez jamais la majestueuse écriture de
David Turgeon. Les fuites arrêtées au fronton des marées, cave océan. Les archives sceau, passation des pouvoirs et des reconnaissances suprêmes et secrètes. Publié par les majeures Éditions le Quartanier éditeur.