Très critiqué à sa sortie, cet album constitue le seul exemple (à ma connaissance) dans la littérature mondiale où nous assistons impuissants à la destruction d'une oeuvre par l'un de ses propres créateurs devenu fou.
Qu'est-il arrivé à
Uderzo ? On pense à un truc de psychanalyste : le créateur voulant détruire sa créature ; le complexe de Frankenstein.
Conan Doyle avait bien tenté d'assassiner
Sherlock Holmes, personnage trop encombrant dont il voulait se débarrasser, mais il fit machine arrière sous la pression de ses lecteurs et il décida de le ressusciter par la suite.
Uderzo, lui, malgré les demandes répétées depuis plusieurs albums de passer la main à un autre scénariste, n'écoute pas ses lecteurs.
Uderzo fait pire, il décide - du haut de sa légitimité d'unique auteur survivant et compte tenu de son âge avancé - que cet album sera le dernier et qu'Astérix ne lui survivra pas. Pour preuve, souvent signalée, la parfaite symétrie de la couverture de cet album avec celle du premier numéro de la série, la boucle est donc bouclée.
Il décide, non pas de faire mourir son héros (ce n'est pas politiquement correct dans ce type de BD) mais d'anéantir l'esprit même de la série. Il introduit sans nuance des thèmes totalement étrangers à l'univers du petit gaulois : la science fiction, les mangas, les comics, Goldorak, les Télétubbies,
Walt Disney et les extraterrestres (il ne manque plus que les gendarmettes et de Funes, on a d'ailleurs une allusion au Corniaud).
Les scénario est insipide, véhicule une sorte de racisme anti-japonais. Les envahisseurs, petits hommes jaunes, sont les Nagmas, de la planète Gmana (deux anagrammes de Manga). On devine le message : la BD franco-belge, la seule, la vraie, est en danger !
L'Amérique, heureusement, est là pour nous venir en aide, comme en 40. Mais ici, c'est l'Amérique va-t-en guerre de Bush qui est évoquée, symbolisée par Toune, comme cartoon, une sorte de Mickey venant de la planète Tadsylwine (anagramme de
Walt Disney, qui participa dans la vraie vie au Débarquement), aidé par des clones volants comme superman, sosies de
Arnold Schwarzenegger, et ayant pour chef un certain Hubs (anagramme de Bush). Les romains eux, envahisseurs habituels de la série, sont totalement absents.
Oubliées les références traditionnelles de la série au monde antique et à l'époque romaine. Oubliés le village gaulois, l'humour potache, le second degré, c'est aussi Goscinny qu'on assassine ! Un artifice final, façon "Men in Black", permet d'ailleurs aux personnages d'oublier également tout ce qu'ils ont vécu dans cet album. Une sorte d'effacement, comme un repentir. le lecteur hélas, ne peut pas en profiter !